De l'importance de prendre en compte le fait religieux à l'école. (Le Sociographe)
Paru dans Scolaire, Culture le mardi 18 mai 2010.
Parfois ignorée, ou mise au banc de l'école, la question du religieux se pose, à l'heure du retour en force des comunautarismes. Comment les enseignants peuvent-ils prendre en compte ces croyances dans un cadre laïc? Le numéro de mai du Sociographe interroge les rapports entre pratiques sociales et confessions. Dans l'une des contributuons du dossier, Frédérique Sicard, professeur agrégé d'arabe en collège et docteur en sociologie, dresse le portrait d'une école "abandonnant ses élèves dans leur quête spirituelle et identitaire", au nom d'une laÏcité qu'il estime "mal comprise".
Frédérique Sicard encourage les enseignants à différencier l'aspect cultuel et l'expérience intime de la foi de l'aspect culturel des religions. "Si les religions différent, le religieux traverse et structure les communautés humaines (...) L'école, en privant (les élèves) d'accompagnement, faillit à sa mission. Elle les livre à l'immédiateté du sens propre et les prive de l'accès au sens figuré, symbolique."
D'autant que, pointe Frédérique Sicard, la religion et ses rituels fournissent un cadre sécurisant à de nombreux jeunes issus de l'immigration maghrébine. Certains adolescents, observe l'auteur, en viennent à ponctuer les moments de leurs vies d'invocations glanées sur internet: formules à dire au lever du jour, en s'habillant etc. "Ces jeunes ont souvent du mal à savoir quels usages ils peuvent adopter de la société occidentale sans remettre en cause le sentiment de fidélité à soi-même indispensable à une perception positive de leur identité". Il appartiendrait à l'école, conclut Frédérique Sicard, de les aider à donner du sens aux cultes, ce qui suppose de former les enseignants aux faits religieux. "Au lieu de quoi (l'école) les renvoie à eux-mêmes et, parfois, les laisse dériver vers des formes radicales de religiosité."
Confessions, Croyances en travail social, Le Sociographe, n°32, mai 2010.