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Rythmes scolaires: penser aussi le périscolaire, et l'organisation pédagogique de l'établissement

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture le lundi 21 février 2011.

Dans aucun pays de l'OCDE, les enfants de l'école primaire n'ont aussi peu de jours de classe qu'en France, et n'ont autant d'heures de classe par jour. C'est ce qui ressort des tableaux publiés dans une synthèse des travaux menés sur les rythmes scolaires par l'INRP (service Veille scientifique et technologique). Comment dépasser les polémiques et les débats "franco-centrés" et mettre au jour des questions plus fondamentales, notamment celle de la concurrence entre le temps scolaire et le "temps libre"?

Le "Bureau du temps" de la communauté urbaine du Grand Lyon festime que les temps d’école ne représenteraient 12 % du "budget temps" annuel des enfant. Mais l’institution scolaire peine "à redéfinir sa forme et son projet éducatif", alors que "les connaissances auxquelles les jeunes ont accès au travers des médias, de l’Internet et des activités de temps libre semblent faire davantage 'sens' pour eux que les connaissances que l’école leur propose". Mais il faut tenir compte des inégalités liées au milieu socio-culturel, puisque "la façon dont les jeunes utilisent leur temps libre est largement conditionnée par leur milieu", et que la qualité des activités extrascolaires influe "sensiblement sur leurs chances de réussite scolaire".

Le dossier explore plusieurs pistes. Ne faudrait-il pas "augmenter le temps d’étude pour faire atteindre à tous les élèves un niveau de compétence plus élevé"? L’approche par compétences ne conduit-elle pas "à admettre que certains élèves ont besoin de plus ou de moins de temps que les autres pour atteindre un même objectif"? Mais aucune relation stable "entre le temps consacré à un enseignement et son efficacité" n'a pu être établie, et "il ne va pas de soi qu’augmenter (ou diminuer) l’horaire scolaire annuel de tous les élèves d’un pays se traduise par une évolution positive (ou négative) des résultats qu’ils obtiendront aux prochaines enquêtes PISA".

Ne devrait-on pas plutôt améliorer la "qualité" du temps pédagogique". La chercheuse Aniko Husti propose une "durée des cours variable", entre 1h et 4h selon les besoins pédagogiques et l'implication de chaque élève dans l'élaboration de son propre emploi du temps. Cela suppose évidemment "davantage de travail en équipe de la part des enseignants". 

Peut-on enfin "développer une synergie entre le temps scolaire et les autres temps éducatifs de la vie de l'enfant". Jusqu'à présent, "les politiques d'aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes (ARVEJ) n'ont été que 'modérément'soutenues par l'Éducation nationale et son personnel enseignant, souvent 'peu enclin à partager les temps éducatifs avec d'autres'." Et pourtant, "si l'on veut faire progresser l'école, c'est paradoxalement sur le hors-scolaire qu'il faut travailler". Il faut "que l'école décentre ses prérogatives et ne se pose plus comme 'instituteur du savoir dans une société censée en manquer' mais plutôt comme 'passeur de savoir dans une société qui en déborde' ".

Pour explorer ces diverses options, le dossier de l'INRP évoque un certain nombre d'expériences menées dans plusieurs pays. "Aux États-Unis, 655 écoles réparties dans 36 états ont expérimenté l'augmentation des horaires quotidiens et/ou l'augmentation du nombre de jours scolaires dans l'année". Résultat, "ces élèves obtiennent de meilleurs résultats que leurs pairs scolarisés dans le même district".

En Suède, le Parlement "a autorisé 900 écoles à expérimenter une libre organisation de l'emploi du temps des élèves et des enseignants", et dans trois collèges, "les emplois du temps ont été construits par périodes de 5 à 6 semaines, chacune consacrée à l'étude d'un thème, abordé de façon transdisciplinaire et impliquant l'ensemble des enseignants". L'expérience "s'avère globalement positive". Les Pays-Bas testent "un dispositif innovant qui repose également sur un emploi du temps flexible": Le curriculum est organisé par programmes thématiques plutôt que par disciplines, les élèves sont réunis en grands groupes de 50 à 60, encadrés par trois moniteurs et "selon les moments, le travail se déroule dans un grand espace d'apprentissage, très bien outillé, ou dans des espaces plus réduits pour le travail en petits groupes et le travail autonome en silence".

En Allemagne et en Suisse, qui ont connu le choc lié aux enquêtes PISA, le dispositif de la journée à mi-temps a été pointé comme "facteur aggravant des inégalités" et des" écoles à temps plein" prennent en charge les enfants  de 8h à 18h, "voire davantage". On y observe "une influence positive" sur les notes individuelles, la motivation et le comportement social des élèves.

En Grèce, la journée continue, de 7h à 16h15, a "quasiment remplacé le modèle traditionnel de l'école du matin (8h15-13h30) au primaire. Les enseignements scolaires obligatoires restent centrés sur la matinée, l'après-midi étant consacrée à des activités créatives et sportives, des apprentissages à visée culturelle et sociale, des projets transversaux, ainsi que des temps d'étude ou d'accompagnement scolaire individualisé". Les évaluations "mettent en évidence un impact positif sur la socialisation des enfants, sur leur comportement, leur assurance et leur confiance en soi". 

Dans les pays anglo-saxons, "un mouvement s'est développé récemment autour d'un concept encore plus large d'école ouverte toute la journée et pendant toute l'année, qui offre l'accès à une grande variété de 'services' pour les enfants mais aussi pour leurs parents, dans le champ de l'éducation, de la santé, de la culture, des loisirs et de la vie communautaire". Aux États-Unis, le "full-service schooling" veut développer le "lien entre l'école publique, les familles et d'autres partenaires en faveur de la réussite scolaire et sociale des enfants issus de milieux défavorisés" et des soins médicaux sont proposés dans le cadre de l'école. "Les résultats sont probants en matière de santé mais aussi de régulation des comportements". 

En France, depuis une vingtaine d'années, "diverses communes ont mis en oeuvre un dispositif d'aménagement des rythmes de vie des enfants et des jeunes (ARVEJ) basé sur objectif de 'reliance' entre temps scolaire et temps périscolaire" et les écoles primaires de sept communes ont connu "une réduction du temps scolaire compensée par un allongement de l'année scolaire et une diversification des temps autour de l'école" qui contribue à "donner aux enfants une ouverture à la vie et une meilleure connaissance de leur environnement". De telles politiques permettent que s'institue "un nouveau rapport au temps dans une approche éducative globale, mutualiste, participative et démocratique".

Le dossier conclut que "la question des rythmes scolaires s'avère une question complexe, dont les implications sur le système éducatif sont multiples". Il définit trois axes d'évolution possible: "allouer plus de temps à l'enseignement", "faire un meilleur usage du temps scolaire" ou "mettre le temps scolaire en synergie avec les autres temps éducatifs", ce qui permettrait aux enfants de "relier" des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être scolaires et non scolaires. "Les effets attendus ne se situent pas en priorité dans le domaine scolaire, mais plutôt dans celui d'un développement harmonieux des enfants aux plans psycho-affectif, cognitif, social et culturel. Les répercussions sur la réussite scolaire sont un profit supplémentaire, qui devrait bénéficier en priorité aux enfants en difficulté". Quoi qu'il en soit, on observe que "toutes les expériences réussies incluent le travail personnel des élèves dans le temps de présence".

 

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