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Comment la "jeunesse vulnérable" devient-elle adulte ? (revue Le sociographe)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice le jeudi 24 septembre 2015.

Que signifie devenir adulte, en particulier pour des jeunes considérés comme vulnérables, en perte de repères, évoluant dans des environnements où la précarité et l'insécurité dominent ? C'est le thème exploré par la revue Le sociographe, dans son numéro daté de septembre. Dans l'un des articles, Sébastien Fournier, éducateur spécialisé, décrypte avec pragmatisme le comportement des adolescents qu'il accueille en Institut thérapeutique éducatif et pédagogique. Se fondant sur sa propre pratique, il décrit les attitudes régressives de certains, comme ce garçon très réservé qui préfère la compagnie des adultes pour obtenir l'attention et des soins particuliers, mais sans jamais se positionner, exprimer un avis ou une préférence. Autre exemple d'un comportement régressif : un jeune adoptant une posture de séduction avec l'éducateur, mais manifestant beaucoup de colère si celui-ci n'accède pas à l'une de ses demandes.

Une "grande dépendance aux adultes"

Aux yeux de Sébastien Fournier, ces deux adolescents font preuve d'une "grande dépendance aux adultes" et donnent l'impression de ne pouvoir se "défaire" de leur statut d'enfant. Au-delà de ces attitudes, beaucoup de ces jeunes ne parviennent pas à se projeter : "Ils parlent rarement de leurs aspirations et de leurs rêves". Une incapacité qui peut les empêcher de faire des choix importants pour leur avenir (orientation professionnelle, vie sentimentale, etc.).

La majorité d'entre eux connaissent "des situations familiales complexes" qui expliquent leurs fragilités, avec des parents souvent eux-mêmes dépassés par leurs propres problèmes, incapables de leur apporter "l'étayage dont ils ont besoin". L'école et le monde du travail ne leur offrent pas non plus de bases sécurisantes, du fait notamment des difficultés d'accès à l'emploi.

Comment les aider ? L'auteur souligne la nécessité de leur procurer des repères spatio-temporels stables et rassurants, à travers des rituels concrets. L'adulte, dont ils testent l'autorité et la résistance, doit se montrer "solide et fiable". "Le professionnel devient alors une figure d'attachement pour eux et des liens se tissent progressivement, explique Sébastien Fournier. Ils sont rassurés par sa présence et lui 'offrent' leur confiance". Le travail éducatif, lui, s'appuie notamment sur la pratique d'ateliers car "les enfants ont souvent besoin d'être mis en situation pour apprendre". Un moyen aussi de restaurer "l'image parfois très dégradée qu'ils ont d'eux-mêmes".

"Devenir le parent qu'on n'a pas eu"

Dans un autre article, des chercheurs en psychologie de l'université de Laval (Québec) s'attaquent à une question épineuse : comment des jeunes ayant connu des placements deviennent ensuite parents ? Comment explique-t-on l'arrêt ou la reproduction des comportements maltraitants entre deux générations ? Parmi les facteurs pouvant favoriser la reproduction, les auteurs citent le fait d'être parent jeune (moins de 20 ans), une scolarité limitée, une expérience d'abus sexuel (surtout chez les mères) ou de placements (surtout chez les pères), des problèmes de santé mentale. Néanmoins, "selon des études prospectives rigoureuses, la majorité des personnes victimisées n'adoptent pas de comportements maltraitants envers leur enfant", soulignent les chercheurs.

Plusieurs éléments favorisent la "cessation du cycle de la maltraitance" : la stabilité financière, mais aussi la capacité du parent à exprimer sa colère au sujet de la maltraitance subie dans l'enfance et à manifester des émotions appropriées à ce sujet. Ces parents semblent également plus conscients du risque de répéter ces comportements. Pour certains, leur attitude procède d'une décision de s'éloigner de leur vécu afin de "devenir quelqu'un de bien".

Le fait de pouvoir développer un lien d'attachement avec au moins l'un des deux parents ou un autre adulte constitue également un facteur positif, tout comme le soutien social via des contacts de confiance. Les jeunes peuvent ainsi acquérir les habiletés nécessaires pour entretenir des relations saines à l'âge adulte, pouvant leur apporter une aide dans l'exercice de leur rôle parental.

"Devenir adulte", Le sociographe n°51, septembre 2015, Champ social éditions.

Diane Galbaud

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