ChatGPT ou la parole morte (P. Meirieu, Le Monde)
Paru dans Scolaire le lundi 27 mars 2023.
L’application ChatGPT peut être utilisée pour "tricher" et certains enseignants peuvent s’en inquiéter, concède Philippe Meirieu dans une tribune publiée par Le Monde en date du 28 mars, mais d’autres, rapporte le pédagogue, président des CEMEA, "préfèrent s’emparer de l’outil pour travailler avec leurs élèves et leurs étudiants", et comprendre comment un mot en amène un autre en fonction des "occurrence statistiquement dominantes dans la gigantesque base de données identifiée par ses concepteurs". Ceux-là sont parfaitement capables, "en une ou deux questions orales" de vérifier si leurs élèves sont bien les auteurs de leurs écrits et ils voient même "dans l’arrivée de ce logiciel miracle, une belle occasion de repenser les épreuves d’évaluation en donnant une plus large part à l’invention et à l’expression personnelle".
Pour lui, le danger est ailleurs. ChatGPT donne immédiatement, "bien plus encore que les traditionnels moteurs de recherche", des réponses aux questions que l’on peut poser à la machine. Il "comble le désir de savoir", mais de ce fait, "il tue le désir d’apprendre". "Un sujet ne s’engage dans les apprentissages que s’il rencontre un savoir qui ne s’impose pas comme un dogme, mais s’offre comme un chemin, un chemin qui laisse entrevoir bien plus de satisfactions futures que les certitudes du présent." Le savoir est alors "un objet de découverte" et celle-ci suppose la rencontre avec des "paroles vivantes", où entrevoir "la présence d’un être humain (...), à mille lieues des compilations anonymes de ChatGPT".