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Jean-Michel Blanquer, un authentique intellectuel, au risque de la mégalomanie (ouvrage)

Paru dans Scolaire le mardi 08 février 2022.

"Jusqu'où se poursuivra ce que Jean-Michel Blanquer a commencé à faire dans l'Education nationale ?" se demande Luc Cédelle. Le journaliste, fin connaisseur du système scolaire, souligne qu'au vu de l'absence de perspective d'alternance "à court terme", "tout ce qui est fait aujourd'hui n'est pas voué à être défait" et le ministre, "sûr de ne pas être désavoué par le prochain, peut tout se permettre. Y compris de se confondre soi-même avec la République". C'est ainsi qu'il conclut le portrait, à la fois psychologique et idéologique, d'un homme "complexe", difficile à déchiffrer. Retraçant son parcours, il décrit un intellectuel qui puise à bien des sources et assume ses contradictions, mais aussi un responsable politique dont les erreurs "n'impriment pas", à qui les réussites sont "attribuées d'avance" et qui a bénéficié, au moins jusqu'à l'automne 2020, d'une forme d' "immunité" face à l'opinion publique, d'une "magie protectrice". Il apparaissait comme un "ministre d'excellence".

L'itinéraire de Jean-Michel Blanquer commence en 1985, quand avec deux amis étudiants comme lui à Sciences po, François Baroin et Richard Senghor, il crée une association pour réécrire la déclaration des droits de l'Homme. Il apparaît comme un humaniste, soucieux de faire de ces droits "rien moins que le principe organisateur de toute la planète sur le plan politique". Plus tard, sa thèse en droit public, consacrée aux "méthodes du juge constitutionnel", témoigne de sa prédilection pour "l'accumulation de changements imperceptibles ou d'apparence mineure" mise au service "d'une stratégie de changement radical".

Il bénéficie d'une conjoncture favorable, quand il arrive au ministère, il apparaît comme "la personnalité capable d'inverser les manettes" alors que court "la rumeur d'un déclin éducatif français". Il s'inscrit "dans la condamnation du 'pédagogisme', ce qui s'est avéré d'une puissante rentabilité en matière d'opinion publique et d'alliances politiques", tout comme ses propos en faveur du retour du b.a.-ba, des leçons de grammaire, des tables de multiplication, des redoublements..., ce qui ne l'empêche pas de soutenir les pédagogues des micro-lycées ou le combat d'André Antibi contre "la constante macabre". "Ces contradictions - celles d'un discours conservateur qui ne se soucie d'aucune rigueur, mais aussi celles du personnage Blanquer, se voulant libre de tout préjugé et soutenant ce que ses soutiens rejettent -, sont difficiles à suivre sans une sensation de tournis." Il est toutefois aidé par "sa déstabilisante sincérité", et par la difficulté qu'ont les observateurs à le situer politiquement, même s'il aurait sans-doute pu être le ministre de l'Education nationale de François Fillon, si celui-ci avait remporté la présidentielle.

Et Luc Cédelle, peu suspect de la moindre complaisance à l'égard de l'islamisme, semble regretter que le ministre ait renoncé à être inclassable lorsqu'il a dénoncé l'islamo-gauchisme, au risque de favoriser "une situation de maccarthysme rampant". Et il constate le net affaiblissement de la position du ministre. Certes il a réussi à imposer un certain nombre de réformes, celle du bac notamment, jusque là considéré comme irréformable, il a "imposé ses vues sur la manière d'enseigner les fondamentaux", mais à quel prix ? Au sein de l'institution, "l'état de malaise est considérable, le découragement profond (...). Il a perdu la confiance." Alain Boissinot, un ancien recteur, met à son actif "son engagement, sa volonté, son intelligence" mais à son passif "son côté bonapartiste, ses passages en force, sa façon de vouloir imposer ses vérités. Et bien sûr, ses positions clivantes hors éducation..." Après les enseignants, c'est l'opinion publique qui pourrait bien décrocher face à la conception clivante de la République qu'il a choisi d'incarner.

"Le système Blanquer, analyse d'un discours sur l'école et la société", Luc Cédelle, éditions de l'Aube, 327 p., 24€

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