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L'Ecole mise au défi d'apprendre aux enfants à penser "stratégiquement" (Joëlle Proust)

Paru dans Scolaire le jeudi 23 décembre 2021.

"Pour apprendre, il faut en avoir envie", et beaucoup élèves n'en ont pas envie. Joëlle Proust, philosophe (CNRS, membre du Conseil scientifique de l'Education nationale) propose une hypothèse explicative : "ils n'ont pas appris à explorer et à exploiter le niveau pertinent de traitement de l'information. Leur activité est limitée au décodage de ce qui est dit ou lu (...). Le plus étonnant est que l'élève pense avoir compris un contenu même s'il se montre incapable d'en inférer quoi que ce soit. Cette illusion de comprendre est créée par le sentiment de facilité du décodage, le niveau superficiel du traitement !".

Mais "penser bien" prend du temps, et il est toujours tentant de "penser vite". D'où le titre de l'ouvrage qu'elle publie chez Odile Jacob, "Penser vite ou penser bien ?", dans lequel elle explore toutes les théories et les avancées des sciences cognitives dans la compréhension des biais sociocognitifs "sur la décision d'agir cognitivement" et sur l'importance des "habitudes cognitives" : "en tant qu'habitudes partagées, (celles-ci) deviennent non seulement plaisantes, mais affiliantes (...) On est ainsi doublement récompensé de choisir le moindre effort intellectuel (penser comme d'habitude) et de faire ce que font les autres."

Doit-on pour autant prôner la vertu et condamner toute solution de facilité ? Sans user de ces termes empruntés à la morale, l'auteure, pour éclairer le dilemme donne en exemple le choix d'intervenir pour secourir un automobiliste après un accident de la route : "l'urgence conduit à privilégier l'intervention rapide voire irréfléchie" qui apparaît donc comme la bonne solution. Elle décrit trois "systèmes d'actions cognitives", impulsives, routinières, stratégiques, ces dernières supposant "de comparer des options et d'évaluer son incertitude", une compétence qui se trouve déjà chez les tout-petits, et même chez les primates, qui choisissent de ne pas s'engager dans l'action s'ils évaluent négativement leurs risques d'échouer. Joëlle Proust en conclut que "décider d'agir représente toujours une solution de compromis".

Elle décrit ensuite méthodiquement toutes les données, tous les acquis scientifiques qui permettent de comprendre quels sont les facteurs qui interviennent dans les diverses "actions cognitives". L'ouvrage constitue donc un panorama de la recherche théorique actuelle, et l'auteure n'en propose pas d'application immédiate, elle n'en tire, par exemple, aucune conséquence sur les méthodes de lecture ou sur l'appréhension des premiers outils mathématiques. Elle conclut en effet avec une interrogation qui renvoie aux praticiens une responsabilité "civilisationnelle" : "Comment enseigner au grand nombre à préférer penser stratégiquement ?"

"Penser vite ou penser bien ?", Joëlle Proust, éditions Odile Jacob, 320 p., 24,90€

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