Un plaidoyer pour des "pédagogies de la nouvelle chance" (ouvrage)
Paru dans Scolaire le vendredi 03 juin 2022.
“Tout enseignement est d'abord et avant tout de l'ordre de la relation“ estiment Jean-François Horemans et Alain Schmidt, auteurs d'un ouvrage qui présente 51 démarches pédagogiques “concrètes, éprouvées sur le terrain, systématiquement tournées vers l'humain“.
La relation et la rencontre sont les marqueurs centraux de ces pédagogies de la nouvelle chance, car pour leurs auteurs, “des mots choisis, pensés, réfléchis constituent un premier investissement peu coûteux mais infiniment rentable, dans la si précieuse construction identitiaire de tout qui vient à la rencontre d'un enseignant pour coconstruire du savoir avec les autres membres de la classe dans un véritable esprit de saine collaboration.“
Flexibilité mentale, flexibilité des cadres... dans sa préface Boris Cyrulnik ne dit d'ailleurs pas autre chose quand il souligne que la plasticité (cérébrale, ndlr) est une “qualité essentielle de l'intelligence humaine“. Le spécialiste de la petite enfance, y ajoute l'importance de sécuriser les enfants et les professeurs afin de donner le plaisir d'apprendre et de transmettre.
“Pour enseigner, il faut avant tout aimer autrui“, poursuivent d'ailleurs Jean-François Horemans et Alain Schmidt, “l'aimer au sens de le révéler à lui-même“ et “lui donner vraiment les clefs de son devenir, de ses apprentissages“.
En effet, “nul ne peut intimer l'ordre d'être motivé ou attentif“, car cela est contre-productif, cela génère chez l'apprenant des pensées répétitives qui saturent sa mémoire de travail et déjouent les tentatives d'apprentissage. D'où l'idée de créer un cadre propice aux apprentissages, mais aussi de “mobiliser“, un des cinq fondements théoriques que les auteurs interrogent et formalisent. Une démarche “conditionnée par l'inscription préalable d'une certaine qualité de relation dans la mémoire de chaque intervenant.“
Il faut donc créer une relation confiante et constructive, et la qualité d'attachement étant plastique, il est important de la rentabiliser au sein des classes afin de “corriger les habitudes et les stratégies inadéquates dont le fondement nous échappe a priori mais dont le résultat s'avère délétère“ pour un certain nombre d'élèves.
Et c'est justement ce “refus déterminé des voies sans-issue“ qui conduit les auteurs à offrir 51 pistes pédagogiques, comme celle de la réespérance ou du chemin de fer miniature. Des propositions nées “d'une idée, d'un constat, d'un vécu, d'un moment de sidération plus ou moins rapidement dépassé“.
Il y a par exemple la pédagogie méjorative, avec un “enseignant à haut potentiel pédagogique qui inscrit chacun de ses interlocuteurs dans le cercle vertueux de la beauté contagieuse de ses actes en pensées“. Elle consiste à “remettre en question les savoirs enseignés“, à “placer la culture du doute constructif à l'avant de tout apprentissage“ ou encore à “destigmatiser l'erreur et lui octroyer le statut d'outil de déconstruction et de compréhension partagées de tout savoir“.
Autre piste, l'art-pédagogie. Au travers de celle-ci, “peu importe la matière enseignée, disent les auteurs, ouvrons largement le catalogue des sens qui permettent de l'appréhender, mettons-la en exergue, scénarisons-là, investiguons ensemble la psychologie des personnages qui exercent les activités que nous étudions en classe, découvrons avec appétit la biographie des auteurs, peu importe leur discipiline, dont nous ambitionnons de comprendre les concepts, tentons de reconstruire le parcours au terme duquel ils ont imaginé tel théorème, tel texte de loi, tel aphorisme, telle formule, replaçons les dans leur siècle, dans leur contexte, reconstituons ensemble les raisons qui ont justifié leur choix.“
Pédagogies de la nouvelle chance, Jean-François Horemans et Alain Schmidt, Chronique Sociale éditions, 136 p., 15,90 €.