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Les surprises de l'Histoire de l'Ecole (Claude Lelièvre, ouvrage)

Paru dans Scolaire le dimanche 14 mars 2021.

L'école de la République n'est pas ce que vous croyez, c'est en substance le message de Claude Lelièvre. Philosophe et historien de l'éducation, il prend plaisir à démonter une à une les images d'Epinal dont se nourrissent les débats d'aujourd'hui comme d'hier, d'autant plus passionnés, et souvent lourds de conséquences pour les politiques publiques, qu'ils sont fondés sur des contre-vérités ou des approximations. C'est ainsi que, contrairement à ce que nous dit une légende tenace, "Charlemagne n'a pas inventé l'école". Mais cette incursion dans le haut Moyen-âge n'est qu'anecdotique. L'essentiel de l'ouvrage est consacré au XIXème et XXème siècle, depuis la fondation par Napoléon de "l'Université" ("essentiellement ce qu'on appelle aujourd'hui l'enseignement secondaire"), jusqu'aux polémiques actuelles, notamment celles lancées par Jean-Michel Blanquer, même si elles ne sont qu'implicitement évoquées.

C'est en effet la revendication d'un retour aux origines que l'auteur, avec une gourmandise non dissimulée, combat en démontrant, point par point, que ces discours ne reposent sur rien. "Ce n'est pas le moindre des paradoxes que cette légende qui attribue à Jules Ferry une fixation sur le 'lire, écrire, compter' (et plus généralement une focalisation sur les 'rudiments', sur un primaire 'rudimentaire') alors qu'il n'a cessé de lutter en sens contraire", tentant "d'inverser la hiérarchie entre les enseignements dits fondamentaux (et traditionnels) et les enseignements dits 'seconds' ou 'accessoires' (...). Il se peut que l'enseignement (que promeut Jules Ferry) dès la petite classe nuise un peu à (...) la discipline mécanique de l'esprit (...), ceux qui sont plus forts sur le mécanisme (sur le décodage, ndlr) ne comprennent rien à ce qu'ils lisent, tandis que les nôtres comprennent."

La dénonciation de la politique de Jean-Michel Blanquer en matière d'apprentissage de la lecture est bien là. Mais Claude Lelièvre ne s'arrête pas à ces petites joutes. Il reprend l'un après l'autre les dossiers qui nous occupent aujourd'hui pour les remettre en perspective et sans doute rappeler au lecteur que rien de ce qui nous paraît évident ne l'a été, et que les débats qui nous semblent neufs sont loin de l'être. Ainsi de l'Histoire de France, qui doit ou ne doit pas, épouser le "roman national" (Jules Ferry parlait d'une "religion de la patrie") et de l'impossibilité d'en définir le contenu, mais aussi de l'école laïque et neutre qui a enseigné "les devoirs envers Dieu" jusqu'en 1945 !

Depuis quand l'Ecole recherche-t-elle l'égalité des chances ? Quant à l'accès des filles à l'éducation, il a été "une longue marche". Pour Pauline Kergomard, qui a créé avec Jules Ferry l'école maternelle, celle-ci est "un mal nécessaire, ou plutôt l'atténuation d'un mal", car "le petit enfant est fait pour rester auprès de sa mère". Quant aux vacances d'été, leurs dates et leur longueur ne doivent rien aux travaux des champs, mais à l'importance pour les jeunes bourgeois ou aristocrates "des réseaux de sociabilité qui se nouaient autour de la chasse". Pour ce qui est de l'agrégation, elle n'a rien de républicain, elle a été créée par l'ancien régime après l'expulsion des jésuites. L'histoire du baccalauréat réserve également quelques belles surprises...

L'Ecole d'aujourd'hui à la lumière de l'histoire, Claude Lelièvre, éditions Odile Jacob, 309 p., 22,90€ (en librairie le 17 mars)

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