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A quelles conditions une école peut-elle être réellement démocratique ? (C.Laval et F.Vergne)

Paru dans Scolaire le lundi 04 octobre 2021.

Comment "se donner la chance d'élargir à plus vaste échelle des aspirations, des luttes, des pratiques qui ouvrent sur une nouvelle forme éducative" ? demandent Christian Laval et Francis Vergne dans leur dernier ouvrage commun, "Education démocratique". Ils posent cinq principes, la liberté de penser, l'égalité concrète dans l'accès à la culture et à la connaissance, la définition d'une culture commune, le recours aux pédagogies de la coopération ainsi que l'autogouvernement des écoles et des universités.

C'est que "l'éducation ne souffre pas de trop de liberté, de trop de démocratie", elle ne souffre pas non plus d'un trop plein d'élèves, mais au contraire d' "un nouveau malthusianisme honteux", celui "des compétences" et des "socles de base". Ces notions doivent être repensées. Pourquoi, par exemple, continue-t-on "à confiner la discipline philosophique dans la dernière classe de lycée" alors qu'une "pédagogie socratique" devrait se retrouver dans toutes les disciplines et des cours de philosophie dispensés à tous les niveaux d'enseignement. Les deux auteurs plaident pour la construction "d'un tronc commun depuis l'école élémentaire jusqu'au lycée", et celui-ci ne doit pas renoncer à la "culture classique", que certains ont fait l'erreur de dénoncer comme "bourgeoise".

Une telle ambition suppose une autre forme scolaire. C. Laval et F. Vergne passent donc en revue les propositions de Dewey, de Freire, de Freinet, de Fernand Oury dont la "pédagogie institutionnelle" a clairement leur faveur, et ils dénoncent, avec John Dewey, "les stupidités du laisser-faire absolu". Pas question pour eux de promouvoir une "école anarchiste intégrale sans autorité du maître, sans règle ni sanction (...). En réalité, des philosophes conservateurs de l'éducation, comme Marcel Gauchet aujourd'hui, confondent trop vite démocratie et culte de l'enfant." Mais quelle forme la démocratie peut-elle prendre dans l'éducation ?

Il faut d'abord qu'elle soit "indépendante du pouvoir politique et sous l'exclusive autorité du savoir lui-même", estiment-ils. Le financement public de l'enseignement "n'autorise pas l'Etat (...) à définir le choix des matières à enseigner (ni) les méthodes à mettre en oeuvre". Il faut aussi que "des institutions internes véritablement démocratiques" permettent que des points de vue différents puissent se confronter, pensent-ils tout en reconnaissant qu'ils ne sont pas "les dépositaires des moyens (de) parvenir" à "des institutions durables".

Ils sont bien conscients que, "pour changer réellement la société, il ne suffit pas d'introduire des modifications dans une seule institution (...), une éducation réellement démocratique est inconcevable dans un monde où la démocratie est absente des lieux de travail et d'étude." Ils lient en effet pédagogie et politique et ajoutent que "l'espérance en un autre monde possible est la condition pour que l'enseignant soit entendu par les jeunes qui auront à opérer (...) une mutation radicale dans les manières de produire et de vivre, d'une ampleur qu'on a peine à se représenter."

"Education démocratique, la révolution scolaire à venir", de Christian Laval et Francis Vergne (tous deux chercheurs associés à l'institut de recherche de la FSU), Editions La Découverte, 232 p., 20€, mise en vente le 7 octobre

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