D'où vient l'éducation nouvelle qui fêtera demain son centenaire à Calais (dossier de l'IFE)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 02 juillet 2021.
L'invocation de l’Éducation nouvelle "a fonctionné comme une sorte de rituel dans le champ de l’histoire des idées pédagogiques tout au long du XXe siècle", non sans que les praticiens en produisent des analyses critiques, cherchant "à dépasser à la fois le dogmatisme du discours scientifique et l’incantation utopique du militantisme", écrit Claire Ravez dans sa conclusion du dossier de veille de l'IFE consacré à "l'éducation nouvelle" et publié à la veille, demain 3 juillet, de la célébration à Calais du centenaire du premier congrès de la Ligue internationale de l'éducation nouvelle, avec l'ambition de relancer une dynamique internationale pour le renouveau éducatif.
L'auteure souligne l'importance des différences entre des "mouvements disparates où le projet politique n’est pas toujours explicite", au sein d'une "nébuleuse où voisinent théories philosophiques, pratiques novatrices, idéaux politiques, et où abondent les conflits". Elle décrit "une mosaïque" où se retrouvent les CEMEA, les CRAP-Cahiers pédagogiques, la FESPI, l'ICEM-pédagogie Freinet et le GFEN, et à côté de courants "structurés autour de pédagogies identifiables" avec leurs figures historiques, Decroly, Montessori, Steiner, Freinet, "une nébuleuse d’acteurs, d’associations et d’expérimentations pédagogiques qui s’appuient sur la mise en avant d’un triptyque alliant développement personnel, projets éducatifs familiaux et référence aux neurosciences". Elle évoque des établissements comme l'école des Roches, les écoles Waldorf, les écoles Montessori, les établissements privés affiliés à l’Association pour le développement de l’éducation nouvelle, les établissements publics affiliés à la FESPI (Fédération des établissements scolaires publics innovants), l'école-collège Decroly, l'école Vitruve, les lycées autogérés d’Hérouville-Saint-Clair, Oléron, Paris (elle ne cite pas Saint-Nazaire, ndlr), le pôle innovant lycéen à Paris, plusieurs micro-lycées, le lycée des possibles à Toulon, le collège Clisthène à Bordeaux, le collège lycée expérimental Freinet à la Ciotat...
Mais les pédagogies nouvelles, "portées par des collectifs progressifs, des approches libérales", sont reliées à des finalités "pacifistes, humanistes, socialistes, libertaires et même révolutionnaires", qui "ne manquent pas au final de diviser". C'est le cas avec le jeu, qui pour certains "possède une valeur éducative mais reste défini comme une nécessité biologique de l’enfant" tandis que pour d'autres, l'activité ludique doit glisser "vers un travail qui tout en ayant tous les caractères du jeu reste un exercice scolaire". Le couple Freinet qui avait adopté "un positionnement marxiste", avait critiqué l'idéalisme de l'Education nouvelle et des "innovations de façade". D'autres plus tard se sont interrogés sur le sens et l'efficacité des "méthodes actives" lorsqu’elles conduisent "à une fréquentation trop aléatoire, trop peu hiérarchisée (...) des savoirs visés". Les résultats des élèves des cinq écoles Freinet de Liège ne sont pas différents de ceux des autres écoles, malgré "un meilleur climat d’apprentissage". Ces résultats sont "dans la continuité de ceux dégagés (dans l'école Freinet de) Mons-en-Barœul".
Mais il faut aussi compter avec "la permanente évolution du paradigme de l’Éducation nouvelle, sans cesse travaillé par les changements politiques, sociaux et les conceptions de ses acteurs". Certains se situent en dehors de l'institution, mais d'autres, tout en la critiquant, "ont la volonté de transformer l’enseignement public, de l’intérieur". Ils "feraient désormais presque figure de 'conservateurs' au regard des 'nouvelles' pédagogies alternatives en développement".
"L’Éducation nouvelle : une mosaïque centenaire", Claire Ravez, dossier de veille de l’IFÉ, n° 138, juin 2021, IFE- ENS de Lyon ici