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L'adolescent, le sexe, la radicalité, la violence, la famille (colloque de l'AFAR)

Paru dans Scolaire le dimanche 12 mars 2023.

"Je rêve d'une école où l'enseignant va écouter ce qu'ont à dire les enfants et les jeunes, sur ce qu'ils ont vu à la télévision ou ce qui s'est passé dans les toilettes." Jean-Yves Hayez est pédopsychiatre (UCL, Belgique) et il intervenait vendredi 10 mars dans le cadre d'un colloque organisé par l'AFAR, une entreprise de formation continue, sous le titre "l'adolescence, ça fait mal". Il évoquait la place de la pornographie qu'il a commencé par définir, distinguant une "sexualité S", qui ne méconnaît pas le bas-ventre, mais qui est attentive à l'autre (ou aux autres) et une "sexualité Q", qui ne s'intéresse qu'à ce qui se passe au niveau du bas-ventre, y compris parfois sous les formes "subtiles" du "comment ça fonctionne", avec une prétention éducative, mais "à l'exclusion de toute vraie relation" et il met en garde, "la sexualité Q est de plus en plus prédominante".

Il estime en effet que si 5 % des adolescent.e.s ne sont pas intéressé.e.s par le sexe, et si les deux tiers d'entre eux "suivent leur chemin de développement initial", 25 % basculent du côté "Q". Certaines prescriptions, a priori vertueuses, prennent un sens inverse à celui qu'on voulait leur donner : le consentement de l'autre n'est alors plus l'engagement dans une relation à deux, il devient une sorte de contrat le temps d'un acte sexuel. Et pour 2 à 3 % de ces jeunes, la sexualité prend un dimension pathologique, avec des "partenaires multiples et fugaces", s'y ajoutent souvent de l'agressivité, des consommations illicites, les échecs scolaires, l'isolement, la prostitution... Le médecin ne croit pas que ces jeunes reproduisent des stéréotypes. Il est sceptique quand il entend de grandes déclarations et des injonctions à Google et autres réseaux sociaux, "leur faisabilité est nulle" et elles ne servent qu'à donner bonne conscience aux politiques.

Il appelle à une "révision de nos aspirations sociales", au renoncement au culte de la consommation. "Construire davantage d'humanité exige davantage de modération dans la recherche du plaisir", et davantage de disponibilité des adultes à l'écoute de ceux qu'ils ont la charge d'éduquer. Leur proposer d' "être quelqu'un de bien" suppose de ne pas renoncer à sa place d'adulte mais d'être capable de ménager des moments de disponibilité. Walter Albardier (psychiatre, responsable du CRIAVS, lieu de soutien et de recours à la disposition des professionnels intervenant auprès d’auteurs de violences sexuelle) ajoute que cela suppose "que la position éducative soit solide", "bienveillante, mais asymétrique", autrement dit "l'altérité, ce n'est pas le bordel". Lui aussi décrit une évolution préoccupante des violences sexuelles commises par des mineurs. 20 à 45 % des viols de mineurs sont le fait d'autres mineurs. Certains des jeunes qu'il voit du fait d'une injonction de soin, sont des psychotiques, parfois des déficients mentaux, mais ce sont le plus souvent des "ados comme les autres" dont on découvre que leurs parents regardent avec eux des films pornographiques, à moins qu'ils ne soient sommés d'afficher leur virilité dans une société machiste. Ils sont "très égocentrés, sans limites".

La famille peut également jouer un rôle déterminant dans la radicalisation des jeunes, comme ces parents catholiques qui ont mis à la porte leur fille le jour où elle leur a annoncé sa conversion à l'Islam, et qui est partie en Syrie, et plus généralement ces familles "où il n'est pas possible de ne pas être d'accord". Guillaume Corduan (pédopsychiatre, réseau VIRAGE, Violence des idées, ressources et accompagnement Grand-Est) décrit la radicalisation comme "la rencontre entre un parcours individuel et un groupe identitaire légitimant le recours à la violence". Il ajoute que "le marché de la radicalisation évolue", à côté du Djihad apparaît notamment l'extrême droite. Et il met en garde, "le risque du passage à l'acte peut être majoré par une blessure narcissique", par exemple la remarque d'un enseignant mettant en doute les connaissances du jeune.

Autre dérive possible, la prostitution, un phénomène très difficile à évaluer quantitativement, mais qui concernerait en France au moins 7 à 10 000 mineurs, bien davantage si on considère tous ceux/celles qui s'y adonnent occasionnellement. Pour Anna Bienvenu (psychologue, PJJ), le phénomène est en expansion, et on assiste à une "glamourisation" et à une banalisation du phénomène qui touche surtout des filles de 15 à 17 ans, et de tous les milieux sociaux. Cette inquiétude, Ionna Atger (pédopsychiatre, CMPP de Massy) la partage. Elle évoque un pourcentage croissant de familles dysfonctionnelles où les parents ont peur de leur ado. Aux USA, 9 % des adolescents agressent, verbalement ou physiquement, leurs parents, deux fois plus qu'en Europe. L'internat est souvent une bonne solution, estime-t-elle.

Le site de l'AFAR ici, le site du Dr Hayez ici

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