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Internats : un léger avantage de réussite au diplôme en lycée professionnel, dans un contexte de baisse de fréquentation des lycéens (LIEPP)

Paru dans Scolaire le vendredi 31 mars 2023.

“Dans la voie professionnelle, les élèves internes obtiennent un peu plus souvent un diplôme que les non-internes“ ont constaté Audrey Farges et Olivier Monso dans une étude sur le lien entre la réussite scolaire et la fréquentation d'un internat.

D'après les chercheurs, c’est le cas pour 90 % d’entre eux contre 81 % pour les élèves qui n’étaient pas internes, un écart de 9 points “qui se retrouve également dans les probabilités d’obtenir le baccalauréat et une mention“, et qui atteint 11 points pour l’obtention du CAP ou du BEP.

A contrario, dans la voie GT, les proportions sont similaires pour les élèves internes et les non‐internes (94 % de réussite au bac), de même que l’obtention d’une mention (49 %) et l’obtention d’une mention bien ou très bien (21 %).

Ils ajoutent cependant que les élèves internes de lycée professionnel avaient des caractéristiques plutôt favorables à la réussite avant leur entrée à l’internat, comme par exemple de meilleures notes en troisième, d’après leur moyenne au contrôle continu de l’examen du brevet des collèges. Cela s'explique entre autres “par leurs caractéristiques sociodémographiques“. 19 % des élèves internes de la voie professionnelle ont des parents diplômés du supérieur contre 9 % des élèves non‐internes, ils ont également des parents d’un milieu social plus favorable à la réussite scolaire, au sens de l’indice de position sociale, et 61 % ont deux parents qui travaillent contre 43 % pour les non‐internes, des écarts qui “se constatent aussi dans la voie GT, mais de façon atténuée“.

“Ces caractéristiques scolaires et sociales plus favorables aux internes dans la voie professionnelle, poursuivent les chercheurs, peuvent s’interpréter par le fait que les élèves qui étaient parmi les meilleurs en fin de collège ont accès à un ensemble plus large de spécialités, compte tenu de leur meilleur dossier scolaire. Ces meilleures dispositions peuvent également leur donner plus de facilité à se projeter dans une orientation professionnelle. Par ailleurs, les parents plus diplômés sont sans doute mieux informés sur les établissements et les formations, et peuvent ainsi encourager leur enfant à choisir un enseignement ou un établissement qui ne se trouve pas à proximité du lieu de résidence. Ces raisons peuvent expliquer pourquoi les élèves de bon niveau scolaire, ou dont les parents sont plus diplômés, choisissent plus souvent des établissements éloignés de leur domicile, avec un recours plus fréquent à l’internat. Enfin, on ne peut pas exclure qu’une partie de ces écarts soit liée à la procédure de sélection à l’entrée à l’internat (coût de l’hébergement, examen des dossiers).“

Au final, les écarts qui étaient constatés sans prise en compte des caractéristiques des élèves sont fortement réduits lorsque ces biais sont pris en compte mais “un léger effet positif et significatif persiste, de 2,2 à 3,1 points en faveur des internes.“ Plus globalement, cet effet “perceptible“ à l’avantage des élèves internes de lycée professionnel serait de 2 à 8 points sur la probabilité d’obtenir un diplôme.

Dès lors, estiment Audrey Farges et Olivier Monso “le contexte de l’internat pourrait avoir un effet stabilisateur, au regard par exemple de la réduction de l’absentéisme“ pour des élèves de voie professionnelle ayant “un risque de décrochage supérieur, qui peut être lié à des acquis scolaires plus fragiles, ou au rejet de l’institution scolaire et à l’attrait de la vie active“.

Ils considèrent aussi que “le fait de nouer des liens avec des jeunes partageant une même orientation professionnelle pourrait favoriser la persévérance dans les études“ et que de plus, “l’internat donne aux élèves l’opportunité de suivre une formation plus loin de leur domicile“ alors que “le choix d’une formation à proximité du domicile en CAP est plus souvent associé à une sortie sans diplôme. Cette corrélation à première vue paradoxale peut s’interpréter par le fait que cette faible distance est plus souvent associée à un choix de proximité, sans motivation intrinsèque pour la formation choisie.“

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En France, ont constaté les chercheurs, 3,3 % des élèves du second degré sont internes dans les établissements de l’Éducation nationale à la rentrée 2022, mais la “tendance est à la baisse“. Tandis que 20% des élèves de l’enseignement public étaient internes au début des années 1960, seuls 3,5 % l’étaient en l’an 2000, ce qui s'explique par “l’amélioration des infrastructures de transport, la diminution de la population rurale, et le maillage plus dense du territoire français en établissements scolaires“, mais aussi par les réticences des parents devant ce choix de l’internat, “les normes de parentalité les incitant plutôt à accompagner leur enfant dans son quotidien“.

Ainsi, 0,5 % des collégiens sont internes, ils sont 5,4 % chez les lycéens GT et 12,5 % pour les formations professionnelles. Ceci est dû au fait que “les formations professionnelles sont plus diversifiées que les formations de lycée GT“, et que de ce fait l’accès à une formation professionnelle est “contraint, plus fortement qu’en voie GT, par la distance géographique et le besoin d’internat y est plus fréquent".

Autre constat, les capacités de l’internat “permettent, en principe, d’accueillir les élèves qui le demandent“ avec un taux d’occupation des lits dans les établissements du second degré publics de 78 % à la rentrée 2020, avec des variations de 61 % à 98 % selon les départements. À la rentrée 2021, sont comptabilisés 1 370 lycées publics dotés d’un internat en France (58 % des lycées).

Les auteurs expliquent que “de façon concordante, à l’intérieur des départements, les lieux de résidence des élèves fréquentant l’internat se situent fréquemment dans les zones les plus rurales, en particulier dans les aires d’éducation situées dans les marges des départements“ et que “ces territoires se caractérisent par une offre culturelle, scolaire, d’équipements collectifs moins accessible“. Et si “le maillage du territoire en établissements permet d’y maintenir un collège, au lycée, les élèves doivent souvent rejoindre les villes principales“, en conséquence de quoi “les parts de lycéens internes y dépassent fréquemment 30 % en voie GT et 45 % en voie professionnelle.“

Le recours à l’internat dépend également “de l’implantation des formations sur le territoire et leur attractivité“. Il dépend également de la spécialité de formation, avec une surreprésentation dans les spécialités de la production (60 % des élèves internes contre 47 % des non-internes), et des variations selon les spécialités, le poids de la spécialité “génie-civil, construction et bois“ parmi les élèves internes étant le double de celui parmi les élèves non-internes (16 % contre 8 %), et inversement la spécialité “échanges et gestion“ étant deux fois moins représentée parmi les élèves internes (14 % contre 27 %).

A noter enfin les “différences de vécu entre internes et non‐internes“ fournies par l'enquête de climat scolaire et de victimation de la DEPP. Les internes des lycées professionnels sont plus nombreux à estimer que leur orientation a été bonne (13 points de plus que les élèves externes et 7 points au regard des élèves demi‐pensionnaires). Ils sont 61 % à ne s’être jamais absentés sans y être autorisés, soit 15 points de plus que les élèves externes et 8 points de plus que les élèves demi‐pensionnaires. Ils sont plus nombreux à déclarer travailler au moins deux heures par semaine, et à trouver les activités scolaires intéressantes. Enfin, la vie en collectivité avec d’autres jeunes peut expliquer que les lycéens internes indiquent plus souvent que les autres avoir beaucoup d’amis, tout particulièrement en lycée professionnel où l’écart avec les externes est de 11 points (89 % contre 78 %). Toutefois, ces constats apparemment favorables aux internes des lycées professionnels pourraient être liés à un effet de sélection, si les élèves internes sont (dès l’entrée du lycée) plus motivés par la scolarité ou sont plus sociables. De plus, la vie en collectivité n’est pas toujours synonyme d’un climat scolaire apaisé. Les élèves internes sont plus nombreux que les autres élèves à avoir reçu un surnom désagréable et à s’être fait voler des objets personnels. Ils sont moins nombreux, en lycée professionnel, à juger que l’ambiance entre élèves est “bonne“ ou “plutôt bonne“.

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