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L'évaluation des élèves par les enseignants dépend aussi de l'évaluation que les élèves font d'eux-mêmes (conférence du CNESCO)

Paru dans Scolaire le mercredi 23 novembre 2022.

“Globalement les parents veulent des notes, ils désapprouvent l'évaluation par item. Les écoliers aussi veulent des notes. On est encore dans cette culture“, estime Brigitte Hazard. L'inspectrice générale intervenait ce mercredi 23 novembre dans le cadre de la conférence de consensus organisée par le CNESCO pour traiter, pendant deux jours, de l'évaluation dans la classe en tant qu'outil au service de l'apprentissage des élèves. Elle ajoute qu'en maternelle, les “documents d'accompagnement pour l'évaluation du socle“ publiés sur eduscol ne sont quasiment pas utilisés. Sur le terrain, elle note une “situation contrastée“ de l'utilisation de l'évaluation, peu stabilisée, qui évolue de manière peu concertée et assez peu cohérente. Elle reste encore source de tensions, “est très focalisée sur la note et la moyenne surtout dans le 2nd degré“, tandis que les exigences institutionnelles “sont vécues comme des injonctions contradictoires“.

Les nouvelles conceptions de l'évaluation en classe ont été évoquées par Lucie Mottier Lopez. La chercheuse la distingue comme “une activité de recueil de diverses informations considérées comme pertinentes par rapport à des objectifs (de formation) visés, en vue de porter un jugement et de prendre une décision“. Elle distingue les fonctions formatives et sommatives (également appelée normatives), mais constate que “les pratiques résistent“ et que la distinction est “peu comprise sur le terrain“, avec des fonctions parfois perçues comme inconciliables, ou chez certains enseignants au contraire “forcément liées entre elles“. Les évaluations restent aussi “peu partagées, peu collégiales“ et pour beaucoup d'élèves, “l'évaluation reste une note“.

Il ne faut d'ailleurs pas oublier que l'évaluation est un objet social, qui transite de l'école à la famille, rappelle Stéphane Bénit (Université de Reims) selon qui “il y a une intériorisation, dès le plus jeune âge, de l'importance de la performance à l'école“, ouvrant la porte à des “stratégies socialement distribuées d'anticipation et de préparation des évaluations“. Le travail parental (d'aide aux devoirs à la maison) est plutôt effectué par la mère, et “les parents apprennent aux enfants à décoder les attentes professorales“. Malgré le feedback de certains enseignants (discussion avec l'élève sur ses résultats à l'issue de l'évaluation), il s'opère une ré-interprétation au sein de la famille.

Sophie Genelot, de l'Inspé de Bourgogne, a elle aussi convoqué la notion de feedback dans sa présentation sur les pratiques et les représentations de l'évaluation chez les enseignants. Sa recherche porte sur les situations évaluatives, dans lesquelles “l'enseignant et/ou les élèves prélèvent des infos à propos des apprentissages en cours pour formuler une appréciation qui est communiquée, et fondent une prise de décision“. Celles-ci peuvent être explicites ou non, très formelles ou informelles, et certaines évaluations ne sont considérées comme des pratiques évaluatives que par une partie des enseignants. Elles peuvent être engagées au cours de la réalisation de la tâche, ou différées à l'issue de l'activité proposée. Ainsi l'activité évaluative ne se compose pas que d'activités formelles d'évaluation mais aussi d'autres, plus informelles, et qui sont pourtant porteuses d'apprentissages, d'où l'importance pour la chercheuse d'attirer l'attention des enseignants sur les interactions évaluatives qui ont lieu dans les activités ordinaires de leurs classes.

Il existe en outre des relations entre évaluation et motivation dans le cadre des apprentissages scolaires, et pour Farbizio Butera (U. de Lausanne) la motivation intrinsèque “apparaît de façon plus prononcée lorsqu'il n'y a pas de notes“, tandis qu'avec une évaluation normative (qui rend possible la comparaison, le classement et la sélection, opposée à formative, qui sert à développer des connaissances), les élèves “se sentent moins autonomes“. Fabien Fenouillet (Université Paris-Nanterre) précise le concept de “résignation apprise“ selon lequel les élèves confrontés aux échecs répétitifs arrêtent d'apprendre, alors qu'en revanche, les résultats peuvent s'améliorer si les élèves arrivent à évoluer dans leur conception de l'intelligence, pour penser qu'elle n'est pas fixée (constituée de traits stables, innés) mais davantage incrémentale (avec des traits malléables, contrôlables, qui peuvent s'améliorer dans le temps). C'est à l'aune des approches ou des évitements de la performance (prouver ses capacités) et de l'apprentissage (gagner en compétence) comme buts que se distinguent la motivation et la performance comme révélateurs des apprentissages scolaires.

“Plus l'élève est biaisé positivement, plus il est jugé positivement par son enseignant“, ajoute enfin Pascal Pansu (Université de Grenoble) qui met l'accent sur le rapport entre évaluation, perception que les élèves ont d'eux-mêmes et leurs progrès, avec l'idée que le soi est un médiateur embarqué dans les apprentissages. Alors que la valeur en tant que personne se détermine vers 8-9 ans, l'évaluation de soi vient du ratio opéré entre nos succès et nos prétentions. L'évaluation de soi n'est pas nécessairement liée aux performance des individus. Ainsi, un élève peut être en échec scolaire et avoir une forte estime de lui-même, car ses valeurs sont ailleurs. La recherche a montré que “ce ne sont pas les élèves les plus faibles qui ont la plus mauvaise perception de soi au niveau scolaire“. Les standards en termes de comportement sont donc propres à chaque élève, et tout dépend de ce que l'on valorise. L'évaluation de soi reste subjective, donc biaisée, et chaque élève peut surestimer ou sous estimer ses compétences, et pour le chercheur ,“avoir un biais plutôt positif semble bénéfique à l'élève“, tandis que les élèves biaisés négativement “sont focalisés sur l'évaluation et donc sur la performance“.

Le site du Cnesco ici

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