Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

AESH privé.e.s : “Ce ne sont pas seulement des familles riches qui les emploient“

Paru dans Scolaire le lundi 28 novembre 2022.

Interrogé le 8 novembre par les sénateurs de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Pap N'diaye indiquait “avoir découvert dans la presse ces temps-ci" que certaines familles avaient recours à des "AESH privées". Il avait ajouté que leur existence n'avait “absolument pas (s)on approbation et (s)a faveur".

Pourtant, celles-ci ne semblent pas être une nouveauté dans l'Education nationale, et leur apparition remonterait à environ 5 à 10 ans, selon les informations que ToutEduc a pu recueillir. Leur présence serait cantonnée à l'Ile-de-France, leurs interventions concentrées sur des enfants présentant des troubles autistiques. Au total, plus d'une dizaine d'associations auraient obtenu une convention par le rectorat de Paris, idem à Créteil et une quinzaine dans l'académie de Versailles.

Question pratique, deux contrats seraient passés pour réaliser une embauche d'AESH privée, un de droit public, comprenant les heures notifiées à l'école par la MDPH* et un autre de droit privé, dans lequel certaines heures seraient majorées en raison de “compétences particulières“ comme une forte expérience, ou par exemple des connaissances particulières en rapport avec un type de handicap. Avec à la clef 5 à 600 euros de plus par mois pour un salaire atteignant environ le SMIC. Il est ainsi possible de proposer une AESH privée au responsable PIAL, qui organise le recrutement en validant ses compétences, puis transmet sa candidature au rectorat de Paris. L'accord du chef d'établissement est en revanche obligatoire, même après acceptation du rectorat, pour que l'accompagnement se mette en place.

Durant le confinement, Gladys Lauzéat, AESH passée cette année à un régime “privé“, crée un groupe de mise en relation AESH/parents sur Facebook, “parce qu'il y avait une nette différence entre les familles qui pouvaient être aidées par leur AESH-privée et celles qui n'avaient pas de nouvelles de leur AESH-Education nationale". Dans ce cadre, elle assure recevoir 2 à 3 messages par jour et cinq appels par semaine venant de toute la France, et estime “préoccupante“ cette demande provenant d'une part de parents désespérés et d'autre part d'AESH “qui n'en peuvent plus“.

Beaucoup de parents concernés seraient ainsi “dans une spirale continuelle“ de recherche d'une AESH avec l'angoisse, quand leur enfant en dispose, qu'elle s'en aille. De même, de nombreuses mères de famille seraient au RSA, ne pouvant travailler du fait qu' “on s'occupe de leur enfant seulement 1h30, une fois par semaine“, tandis que d'autres familles, “pas forcément aisées“, s'endetteraient pour “sauver la scolarité de l'enfant“.

Pour Sophie de Saint Mareville également, “ce ne sont pas seulement des familles riches qui les emploient“. Deux ans après avoir déposé sa première demande, elle vient justement de recevoir un agrément pour que son association, nommée SASHA, puisse employer des AESH privées. “On nous a demandé de déposer un dossier en avril pour une réponse en octobre“, explique-t-elle à ToutEduc, regrettant par là de devoir attendre la rentrée 2023 pour que commence leur activité.

Elle explique que ces familles peuvent présenter leurs factures à la MDPH*, qui a la possibilité d'augmenter les palliers de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) pour couvrir une partie des frais, et que ceux-ci sont déductibles des impôts. Un autre intérêt, précise-t-elle, “c'est que ces AESH font partie d'une communauté, elles peuvent ainsi avoir un temps de parole entre elles et avec des psychologues“. Il y a peu de temps, elle communique sur twitter l'obtention de cet agrément, de quoi faire réagir vivement des internautes sur l'inégalité que pourrait engendrer une situation qui différencierait AESH publiques et privées. Maman d'une petite fille porteuse de handicap, Sophie de Saint Mareville dit avoir “été choquée de cette accusation en règle“ et évoque des “accusations stupides et stériles“.

“Je connais le parcours de ces familles que j'ai croisées à de nombreuses reprises, poursuit-elle, et j'ai fait le choix de les aider“ car “ce qui m'intéresse, ce sont les enfants“. Manque d'AESH, formations bien insuffisantes, conditions de travail “innommables“ notamment en raison des PIAL. Pour elle “la vraie injustice est là, il n'y a pas ce qu'il faut pour nos enfants“. Si elle admet qu'une brèche puisse s'ouvrir s'il est permis à des associations d'employer des AESH privées, “faut-il sacrifier une génération sans que l'Etat fasse son travail ? Nous en tant qu'association, ce que l'on met en œuvre ce sera visible, le gouvernement verra le travail que l'on fait, on espère pourvoir donner des idées pour améliorer le système.“

Justine*, une autre AESH passée dans le privé que ToutEduc a contactée, s'est elle aussi trouvée “déprimée“, estimant, sans statut, n'être “vraiment pas considérée dans le public“, surtout par les équipes éducatives dont elles ne font pas partie. Elle décrit d'ailleurs des situations de “garderie“ ou au contraire des maîtresses qui “forçaient les élèves à travailler“ pour ne pas qu'ils restent sans rien faire, l'obligeant à faire les devoirs de l'enfant.

Si elle est payée deux fois plus en tant qu'AESH privée, au départ Gladys Lauzéat entre dans la profession par “un esprit de bénévolat et d'entraide“, ayant un enfant porteur d'autisme. “La première des choses ce serait d'avoir une AESH devant chaque enfant“, confirme-t-elle, déplorant notamment le morcellement du travail des AESH par les PIAL, certaines s'occupant de six enfants, “elles ont peur d'être maltraitantes“.

Surtout, elle raconte avoir rencontré l'enfant dont elle s'occupe à l'école avant la rentrée des classes, et que cette rencontre a reposé sur un “choix mutuel“. Elle loue les points réguliers avec la psychologue de l'enfant, et les contacts avec la famille, ce qui entraîne “une communication plus fluide et un service plus personnalisé“. Elle considère d'ailleurs que “ce que les parents veulent, c'est avoir quelqu'un à qui ils puissent parler“, or “cela n'est pas possible dans l'Education nationale“.

* le prénom a été modifié

MDPH : maison départementale pour les personnes handicapées

PIAL : pôles inclusifs d'accompagnement localisés

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →