Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Les enjeux des élections professionnelles vus par Laurent Frajerman (interview exclusive)

Paru dans Scolaire le mercredi 30 novembre 2022.

Quelle représentativité auront les organisations syndicales pour les quatre années à venir ? Les élections professionnelles se dérouleront du 1er au 8 décembre pour les personnels de l’Education nationale. En 2018, 436 321 agents sur 1 023 211 électeurs potentitels ont voté pour désigner leurs représentants au comité technique ministériel de l'Education nationale (CTMEN), soit une participation de 42,64 %, un chiffre stable par rapport à 2014. Le scrutin a compté 5,6 % de votes blancs. Avec 34,91 % des suffrages exprimés, la FSU était la première organisation syndicale représentative, suivie de l'UNSA avec 21,60 % des voix, de la FNEC-FP-FO avec 13,66 % des voix, du SGEN-CFDT (8,4 %), de la CGT Educ’action (6,14 %) et du SNALC-SNE (6,03 %).

ToutEduc a interrogé Laurent Frajerman, chercheur associé au CERLIS (Université de Paris Cité), enseignant en lycée et animateur de l'Observatoire de la vie syndicale de la FSU, pour décrypter les ressorts du vote des personnels.

ToutEduc : Quels sont les enjeux de ces élections professionnelles ?

Laurent Frajerman : Traditionnellement, les enseignants sont une population très civique, cela s'est toujours retrouvé dans la participation aux élections politiques et professionnelles. Mais le passage du vote papier au vote électronique, en 2011, a engendré un décrochage, et le taux de participation est passé subitement de 475 000 voix en 2008 à 350 000. Depuis lors il y a un enjeu sur la participation. C’est le cas cette année encore, dans un contexte où la profession enseignante se trouve dans une situation de crise, notamment avec les difficultés de recrutement, la faiblesse des salaires mais aussi des conditions d'exercice du métier dégradées. Ces élections représentent une façon de s'exprimer, de donner de l’importance à leur élus pour que leur voix soit écoutée.

ToutEduc : La période politique actuelle, avec l'arrivée de Pap N'diaye au ministère de l'Education, les nouvelles propositions (école du futur, voie professionnelle) du gouvernement, aura-t-elle une influence sur ces élections ?

Laurent Frajerman : Nous sommes à moitié sortis seulement de la période Jean-Michel Blanquer, d'où un moment d'attente pour la profession. Je pense notamment aux incertitudes concernant le statut des enseignants avec la proposition d'un éventuel recrutement local par les chefs d'établissements (dans les projets d'innovation pédagogique débattus par école au sein du CNR Education, ndlr). De plus, tout enseignant qui veut voter le peut, mais cela reste chronophage. Les syndiqués votent plus que les autres, et il n'y a pas autant d'oscillations dans les élections professionnelles que dans les élections politiques, les évolutions sont lentes. Mais cela reste un moment de vérité. La première chose qui sera scrutée, c'est le score de la FSU en tant qu'organisation dominante actuellement.

ToutEduc : Le fait que les commissions administratives paritaires (CAP), dans lesquelles le rôle des syndicats était reconnu en matière de mutation et de promotion aient vu cette compétence supprimée peut-il avoir une incidence sur la participation ?

Laurent Frajerman : Ce n'est pas parce qu'on a moins de pouvoir qu'on a moins d'influence ! Pour les mutations, les promotions, c'était de toute façon l'administration qui décidait quoi qu'il arrive, simplement elle le faisait sous l’œil des élus syndicaux, ce qui la contraignait à respecter des règles équitables. Justement, les enseignants, qui n’ont pas vu le risque d’une absence de transparence et d’une trop grande liberté laissée à l’administration, regrettent cette évolution. Vont-ils en déduire que voter n’est plus utile ou que c’est l’occasion de manifester leur mécontentement ? Difficile à dire.

Concernant la participation et la syndicalisation, on est plutôt sur des cycles lents, avec une certaine inertie. Pour l'instant je n'ai pas vu d'effondrement de la syndicalisation chez les fonctionnaires, comme l’espérait le gouvernement. Ce que je vois dans mes études (Militens1 notamment), c'est qu'on ne se syndique pas par hasard, les enseignants qui le font sont proches des revendications portées par les syndicats, ils sont rarement dans une démarche exclusivement utilitaire.

ToutEduc : Quelles sont les tendances actuelles, concernant le rapport entre organisations syndicales, par filière ou par créneau idéologique ?

Laurent Frajerman : De manière globale il y a toujours deux camps, ceux qui mobilisent (FSU, FO, CGT et SUD) et ceux qui sont plus réticents (le SE-UNSA et le SGEN-CFDT). Il sera intéressant d’analyser les rapports de force entre ces deux ensembles, car l'enjeu est de savoir si l'on va vers plus de combativité ou davantage de négociation.

Trois questions plus précises se posent ensuite. Est-ce que le SGEN-CFDT va continuer à baisser, notamment au profit du SE-UNSA ? Sur le créneau des petits syndicats activistes, très mobilisés, SUD éducation avait tendance à être remplacé par la CGT Educ'action, cela va-t-il se confirmer ? Est-ce que le SNALC, qui est surreprésenté dans la presse depuis les années 1970, du fait de son positionnement différent, plus conservateur, va profiter de l’inflexion impulsée par son médiatique président (Jean-Rémi Girard, ndlr) ?

ToutEduc : Et dans la voie professionnelle, la réforme en cours peut-elle jouer sur ces élections ?

Laurent Frajerman : Il y a effectivement des syndicats qui sont en pointe dans la mobilisation contre la réforme lancée par Carole Grandjean. Le jeu des pronostics est toujours délicat, mais on peut s'attendre à un progrès du SNUEP-FSU. Le résultat de l'élection pourrait avoir un impact au niveau de la participation d’organisations comme le SNETAA FO à l'intersyndicale qui se mobilise actuellement. Cela dit, les professeurs de lycée professionnel ne votent plus pour des CAP spécifiques, il sera donc difficile de décrypter le résultat.

Propos recueillis par E. Fontaine, relus par L. Frajerman

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →