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Comment pallier la désaffection pour les métiers enseignants, la Cour des comptes s'interroge

Paru dans Scolaire le jeudi 02 février 2023.

"Dépasser les difficultés persistantes en matière d’organisation de la formation et du recrutement (des enseignants) suppose d’engager des réformes structurelles", estime la Cour de comptes qui a publié hier 1er février son rapport sur la formation initiale et le recrutement des enseignants. Les magistrats proposent notamment d' "expérimenter dans les académies en difficulté et les disciplines en tension une nouvelle voie d’accès au métier enseignant", via des contrats de trois à cinq ans qui prévoiraient une "affectation sur un poste précis avec l’engagement de l’enseignant d’y demeurer pour la durée du contrat". Il faudrait aussi que dans les académies de Créteil et Versailles, les recteurs disposent de moyens financiers pour "compenser le manque d’attractivité de certains établissements", avec des primes spécifiques, des avantages en termes de carrière, de conditions de logement, de formation...

Ces propositions s'inscrivent dans le cadre d'un état des lieux très détailé de "la crise d’attractivité" des "métiers enseignants". Le constat s'impose, "même si de nombreux étudiants ou des personnes en reconversion professionnelle demeurent intéressés par l’enseignement, les signes tangibles de perte d’attractivité du métier enseignant se renforcent, tant au regard du nombre de candidats aux concours que pour le recrutement de contractuels". La Cour recommande cependant au ministère d' "ouvrir davantage de postes et de sections aux troisièmes concours afin de diversifier les viviers de recrutement". Pour le 1er degré, "la situation est très contrastée selon les académies". Pour le CRPE, la barre d’admission est, en moyenne, à 7 ou 8/20 dans les académies de Créteil et Versailles "alors que dans des académies attractives (Montpellier ou Rennes), elle se situe aux alentours de 14/20". Dans le second degré, s’agissant du CAPES externe, les disciplines les plus touchées par la désaffection des candidats sont les lettres classiques, l’allemand et les mathématiques. Le CAPES de lettres modernes "s’avère peu sélectif. À l’inverse, le CAPES d’histoire-géographie ne connaît pas de difficultés de recrutement avec, en 2021, près de 5 candidats par poste."

A noter à propos des concours que "la Cour n’a pas obtenu du ministère chargé de l’éducation nationale les précisions demandées sur la méthode selon laquelle il détermine le besoin d’enseignants et calibre le nombre de postes offerts aux différents concours".

Formation très limitée des contractuels

Pour pallier les manques, le ministère a recours à des contractuels qui devraient, selon un décret de 2016 bénéficier "d'une formation d'adaptation à l'emploi" et, en tant que de besoin, d'un accompagnement par
un tuteur." Mais les actions de formation "demeurent très limitées, consistant le plus souvent en un ou deux jours d’information", alors qu'il faudrait "instaurer pour les enseignants contractuels une formation obligatoire d’au moins une semaine avant une première prise de poste."

La Cour s'interroge également sur la formation des futurs enseignants et sur "l’articulation entre le concours et la formation universitaire, puisqu’il n’est plus envisageable de consacrer une année particulière à la préparation des concours". Elle met en évidence deux conceptions du métier enseignant qui ont un impact sur la formation. La première met en avant une approche globale du métier, maîtrise des savoirs disciplinaires, bonne connaissance du système éducatif et du fonctionnement d’une école ou d’un établissement scolaire, de la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, des sciences cognitives et de l’éducation, de la pédagogie et de la didactique des disciplines. La seconde approche "demeure plus attachée à la priorité donnée à la maîtrise des savoirs disciplinaires. Ce second modèle, encore prépondérant au sein du lycée général, des CPGE et globalement à l’université, est (...) contrebalancé par la nécessité de mieux préparer les futurs enseignants à intervenir devant des élèves aux profils sociaux et culturels divers, vers qui la transmission des savoirs peut moins facilement s’appuyer sur le fondement d’acquis culturels et familiaux qui les prédisposeraient aux formes d’enseignement 'traditionnel' (...). La crédibilité des master MEEF dépendra de l’évolution des épreuves. Si elles restent considérées par les étudiants comme essentiellement académiques, ceux-ci ne s’inscriront pas davantage aux MEEF, alors que si elles valorisent les parcours plus professionnalisants, tant par la formation que par les stages, l’attractivité des masters MEEF en sera renforcée."

Les magistrats notent que l' "un des objectifs de la réforme de 2019 était de permettre aux étudiants de clarifier les temps consacrés au master, à la préparation du concours puis à l’entrée dans le métier, en déplaçant le concours en fin de M2 et en le professionnalisant", mais "les étudiants de M2 rencontrés lors des visites d’INSPE (...) ont largement fait part de leur désarroi et de leur niveau élevé de stress (...). Si la baisse des inscrits (aux concours 2022) résulte mécaniquement de la réforme, l’explication de la baisse des présents est à rechercher ailleurs. Ainsi, plusieurs étudiants de M2 rencontrés ont indiqué ne pas avoir passé les épreuves du concours pour terminer leur mémoire et s’assurer ainsi de l’obtention du master et, pour ceux qui sont en alternance, pouvoir faire face à leur charge de cours (...). Les étudiants mettent en avant les fortes exigences disciplinaires du concours et le formatage des épreuves qui exigent un 'bachotage' indispensable. Plusieurs d’entre eux soulignent les contradictions d’un système qui exige à la fois de se préparer concrètement à un métier, tout en préparant un concours et en réfléchissant à leur pratique professionnelle, à peine débutée, par le biais notamment du mémoire de master. L’année de M2 poursuit donc des objectifs trop nombreux, théoriquement convergents mais en pratique très difficilement conciliables."

Encore faut-il être admis en master alors que "certaines universités n’acceptent en M2 MEEF que des étudiants ayant suivi un M1 MEEF", au risque de "limiter ces viviers de candidats", notamment aux 3èmes concours. En effet, la réforme de la formation "complique également la question du financement de ces réorientations professionnelles, les congés formation n’excédant pas une année en règle générale."

La Cour, qui s'inquiète de l'absence de données sur le coût de la formation des enseignants, demande au ministère de "publier le bilan de la session 2022 des concours pour apprécier la professionnalisation effective des épreuves et évaluer à l’automne 2023 la pertinence des modalités retenues pour l’année de stage des lauréats de concours. 

Des contrats dans les mêmes conditions que les concours

Elle constate enfin que "les réformes des 10 dernières années n’ont pu véritablement dépasser trois limites structurelles à une véritable politique d’attractivité et de qualité en matière de recrutement et de formation" et c'est pourquoi elle propose que, "dans les académies et disciplines en tension", les rectorats puissent recruter des étudiants et des personnes en reconversion professionnelle "par la voie contractuelle, sur une durée comprise entre trois et cinq ans". Les conditions de diplôme "seraient identiques à celles requises pour les concours". Les dispositions régissant les entretiens d'embauche "seraient cadrées nationalement". La mesure s'adresserait notamment à "des étudiants en MEEF ne souhaitant pas passer le concours, sans pour autant réduire le niveau d’exigence attendu" et sans "entraîner un effet d’aubaine". Mais "force est de constater que les difficultés (...) ne sont pas résolues dans le système actuel" et que les concours "ne couvrent pas aujourd’hui les besoins". D'ailleurs, "de plus en plus d’étudiants choisissent d’être contractuels, surtout dans le second degré. Le système d’affectation et la mobilité en seraient la première cause, avec une nouvelle génération qui n’envisage pas une carrière complète d’enseignant, et de plus en plus de 'secondes carrières' ayant déjà une vie de famille établie."

Outre la contractualisation, la Cour envisage d'autres leviers de transformation de la formation et du recrutement des enseignants, notamment "l’évolution vers de véritables licences préparant au professorat des écoles" mais aussi le rôle qui pourrait être donné aux établissements et écoles "en matière d’accueil et d’adaptation à l’emploi et lors des premières années d’entrée dans le métier". Elle note que les chefs d’établissement "n’ont presque pas été associés à la réforme" (...). Le niveau de l’établissement ou de l’école, ne saurait d’ailleurs être le seul pertinent pour progresser dans ces domaines. Celui des districts ou bassins de formation (...) pourrait être tout aussi pertinent pour permettre ces mutualisations et échanges de pratiques et créer de nouvelles dynamiques permettant à la fois une entrée dans le métier des nouveaux enseignants plus accompagnée, un décloisonnement et une innovation des pratiques d’enseignement, une information et des échanges profitables à tous les enseignants."

Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants ici

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