Journée internationale de l'éducation : Comment Réseau Canopé développe les formations au sein de la francophonie
Paru dans Scolaire le mardi 24 janvier 2023.
Ce 24 janvier, "Journée internationale de l'éducation", Réseau Canopé détaille pour ToutEduc la dimension internationale de son action en tant qu'opérateur de la formation initiale et continue des enseignants à distance. Gaël Le Dréau en est le responsable.
ToutEduc : Comment intervenez-vous dans d'autres pays ? Proposez-vous sur le site de Canopé des formations "standard" dont tout un chacun peut se saisir ?
Gaël Le Dréau : Pas du tout. Lorsque les autorités d'un pays estiment avoir un besoin dans tel domaine, elles s'adressent à notre poste diplomatique, et l'attaché à la coopération nous transmet la demande que nous analysons. Puis nous co-construisons un projet avec les responsables du pays... Ce sont donc autant de contenus élaborés en fonction d'une demande et d'un contexte particulier. Nous devons tenir compte, par exemple, de l'instabilité de l'Internet dans certaines régions, mais aussi des programmes scolaires qui ne sont pas les mêmes en Mauritanie et en Côte d'Ivoire ...
ToutEduc : Est-ce que vous pourriez donner un exemple, pour que ce soit plus parlant ?
Gaël Le Dréau : La Confemen (la Conférence des ministres de l'Éducation des États et Gouvernements de la francophonie, ndlr), a souhaité que soit créé un espace "qui rassemble plusieurs ressources numériques mutualisées de qualité et accessibles", notamment pour assurer la continuité pédagogique et faire face à la pandémie. C'est "Imaginécole" mis en œuvre par l’UNESCO dont nous sommes partenaire. Et, puisque vous demandez un exemple, nous proposons aux jeunes filles qui, au Tchad, préparaient le baccalauréat mais étaient empêchées de se rendre dans leurs établissements scolaires, des modules de mathématiques, de biologie et de physique. Nous réflechissons actuellement à une formation au Niger axée sur la transition CM2 - 6ème ...
ToutEduc : Vous parlez de contenus à destination des élèves, qu'en est-il de la formation des enseignants ?
Gaël Le Dréau : Ceux-ci doivent déjà s'approprier ces contenus. Nous devons donc trouver sur place des relais, des enseignants qui vont aider leurs collègues à élaborer des scénarios pédagogiques, organiser leurs cours... Cela dit, vous avez raison, pour la grande majorité des pays avec lesquels nous avons de projets de coopération, la formation initiale et continue des professeurs est un enjeu majeur pour améliorer la qualité de l’enseignement. Des professeurs qui travaillent de surcroît dans des conditions souvent très difficiles. Il n'est pas rare, au Niger, d'avoir des classes de 70 ou 80 élèves. Quelle aide pouvons-nous leur apporter ? Nous n'en sommes qu'au début, mais nous avons déjà cinq ou six plateformes actives, avec des modules de formation, adaptés à chaque contexte. Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes en Haïti et en Egypte !
ToutEduc : L'Egypte est-elle encore un pays francophone ?
Gaël Le Dréau : L'anglais y a pris une place importante, mais il y a encore en Egypte des établissements qui proposent un enseignement en français. Avec FEI (France éducation internation, ndlr) et l’Institut français d’Egypte nous opérons un vaste projet d’appui à l’amélioration de l’enseignement du français langue vivante 2 avec le ministère égyptien de l’éducation. Pour notre part à Réseau Canopé, l’année dernière, nous avons dispensé 420 heures de formation pour 220 formateurs égyptiens, pour l'essentiel à distance, mais avec quelques missions de 3 ou 4 jours pour avoir une part de présentiel, et, ce qui est très important, le programme est conclu par un "livrable", un ensemble de contenus numérisés et réutilisables. On a appris à créer de la proximité. La distance n'empêche pas les émotions collectives, l'organisation de cérémonies qui concluent les sessions de formation et qui sont de vrais moments de partage, avec "photo de famille", mais aussi avec la livraison de ce produit qui est la concrétisation du travail accompli.
ToutEduc : Qui élabore les contenus ?
Gaël Le Dréau : Nous avons, au sein de Réseau Canopé, nos formateurs de formateurs, et, en fonction des projets, nous travaillons en étroite collaboration avec la DREIC (délégation aux relations européennes et internationales et à la coopération, ministère de l'Education nationale, ndlr) et FEI, ensemblier de la coopération éducative française, et avec tel ou tel INSPE, avec l'inspection générale, avec l'IH2EF (l'institut des hautes études de l'éducation et de la formation, ndlr).. mais aussi, et c'est très important, avec nos collègues des pays concernés.
ToutEduc : Et qui les finance ?
Gaël Le Dréau : Comme ces actions ne s'inscrivent pas dans notre charge de service public, elles ne sont pas financées sur notre subvention, et font donc chacune l'objet d'un montage spécifique, avec la Banque mondiale, l'AFD (Agence française de développement, ndlr), l'UNESCO, la DREIC, les postes diplomatiques ... On essaie de trouver des convergences avec divers bailleurs de fonds.
ToutEduc : Qu'est-ce que cela représente pour le réseau ?
Gaël Le Dréau : C'est encore une part marginale. Le service du développement international a réalisé en 2017 un chiffre d'affaires de 190 000 €, il était de 1,5 M€ en 2021. Je n'ai pas encore les chiffres pour 2022, mais l'augmentation est régulière et la pandémie a encore accéléré la progression puisque les besoins en termes de continuité éducative étaient importants.
ToutEduc : Et intellectuellement ?
Gaël Le Dréau : C'est très important pour nos formateurs. La reconnaissance à l'international de la qualité de leur travail renforce leur légitimité, et le réseau apprend beaucoup de l'analyse des besoins d'autres pays, de la façon dont nos propositions sont reçues, de leurs effets sur les élèves...
Propos recueillis par P. Bouchard, relus par G. Le Dréau