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Réforme du lycée pro : Accompagner la gratification des PFMP pour “conforter la motivation des élèves“ (Carole Grandjean à l'Assemblée nationale)

Paru dans Scolaire le jeudi 12 janvier 2023.

“Le risque est que le LP ne soit plus qu'une ressource pour assurer la scolarité obligatoire et que les stages se réduisent à une socialisation à l'esprit d'entreprise“, considère la sociologue Prisca Kergoat, interrogée lors d'un débat autour de la réforme de la voie professionnelle organisé lundi 9 janvier à l'Assemblée nationale.

Pourtant, “alors que la France a su développer dans les décennies d'après-guerre des écoles professionnelles capables de former des travailleurs compétents et des citoyens éclairés, selon la directrice du Certop, 50 ans plus tard le projet de réforme porté par le gouvernement réduit les élèves, des adolescents, à leur statut de travailleur“.

Christophe Doré, président de la chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) de Normandie, évoque l'enjeu de la poursuite d'études dans la voie scolaire et “ne voudrait pas que demain le LP devienne ou vienne en concurrence des CFA et sur l'apprentissage“. Il considère que “les métiers professionnels dits manuels requièrent une technicité particulière qui demande du temps, parfois d'adaptation et c'est peut-être ce qui manque en lycée professionnel“, ce que confirme Sigrid Gérardin, représentante de l'Intersyndicale (FSU, UNSA-Education, CGT-Educ'action, SUD Education, SNALC, CNT). Elle explique que la loi de 2018 (TVP) a conduit à une réduction drastique des enseignements généraux (par exemple en CAP le français est passé de 3h à 1h par semaine, en bac pro les Lettres-histoire de 5h à 3h).

Alors que le lycée professionnel “a un rôle social majeur dans notre pays“ avec des professeurs qui s'engagent, remobilisent des élèves “cabossés par la vie“, des jeunes de milieux populaires qui cumulent les difficultés économiques, sociales et “assez éloignés des attendus de l'EN“, elle estime que la réforme en cours est “profondément dangereuse pour l'avenir des jeunes comme de nos métiers“, notamment du fait qu'elle permet “de supprimer des heures de cours donc des postes, environ 5 000 soit 10 % du corps des profs de lycées professionnel“.

La co-secrétaire générale du SNUEP-FSU dépeint une “méthode brutale“ qui passe par “un contournement et un mépris du dialogue social“, les quatre éléments socles débattus actuellement ayant un “caractère non négociable“. Celui qui selon elle a le plus cristallisé la contestation des personnels et des familles concerne l'augmentation des semaines de stages (de 22 à 33 semaines, ndlr) qui conduira à exposer “les élèves à un cadre de travail moins protecteur que le cadre scolaire en termes de sécurité“, et “plus largement les filles mineures aux discriminations et aux violences sexistes et sexuelles inhérentes au monde du travail“ .

Surtout, mathématiquement, cette hausse de 50 % des PFMP “diminuera d'autant le temps d'école“ d'où l'inquiétude portant sur la réduction des enseignements généraux ou professionnels. A la question des savoirs fondamentaux, sur lesquels la ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels a de nombreuses fois été interrogée, celle-ci dit “essentiel de les renforcer“ c'est à dire accentuer certains enseignements, donner plus de temps à certains élèves, ou encore travailler par petits groupes. Ainsi, “au regard des fragilités des élèves, la question n'est pas de faire plus d'enseignement mais probablement au fond de faire mieux d'enseignement, et peut être aussi différemment“.

A l'inverse, il faut aussi “travailler sur les enseignements métiers“, ce qui “doit s'inscrire dans un rapprochement école-entreprise qui est nécessaire pour donner du sens à l'élève, pour lui préparer des perspectives d'insertion professionnelle“. Carole Grandjean, dans l'attente des rapports des quatre groupes de travail qui seront rendus à la fin du mois, estime que “le LP ne joue pas suffisamment son rôle d'insertion pro des élèves“ ce qui est source de frustration pour les familles, les jeunes et les enseignants“. Sont cités une meilleure information, des propositions de parcours de formation plus agiles, l'ajustement des parcours pédagogiques, la création de nouvelles filières insérantes..

Elle évoque de nouveau la “nécessité de faire reconnaître l'enseignement professionnel comme une voie de réussite“, de choix et selon la ministre “le changement d'image est possible et nécessaire pour le LP, et nous en donnerons les moyens“, évoquant par la suite un investissement “structurel“. D'ailleurs elle indique que les moyens pour les lycées professionnels seront maintenus à la rentrée 2023, la logique étant “celle du développement du LP et de l'intensification de l'accompagnement des jeunes“, ce qui passe également par “accompagner la gratification des élèves pour les PFMP dès la rentrée 2023 et qui doit conforter la motivation des élèves et leur engagement à réussir“.

“Il est nécessaire d'interroger la cohérence des diplômes avec les métiers de demain“, assure encore Carole Grandjean pour qui la carte des formations actuelle “ne prend pas suffisamment en compte les mutations économiques, les besoins des territoires, ne s'adapte pas assez au profil des élèves et leur trajectoire“.

Cependant, Sigrid Gérardin considère de son côté que le projet consiste à “revisiter les cartes de formations qui sont proposés en LP au prisme des secteurs d'activités qui sont en tension“, à savoir “ceux qui sont désertés par les actifs du fait des conditions de travail et des conditions salariales assez déplorables“, alors qu'il faut de l'ambition pour les jeunes les plus défavorisés, les intégrer à une planification professionnelle qui réponde aux défis de demain“.

“Il y a une vraie méconnaissance des métiers“ déclare pour sa part Christophe Doré et pour lui, “la problématique c'est comment l'EN nous ouvre les portes, dans quelle conditions et veut-elle nous ouvrir les portes ? Nous intervenons dans 100 collèges, c'est toujours les mêmes collèges. D'autres, jamais.“

Carole Grandjean souhaite enfin “donner des marges de manœuvre aux établissements“, qu'ils “puissent disposer de capacités d'initiative“, “insuffler des colorations“ aux diplômes tout en gardant leur caractère national. La réforme, conclut-elle, “s'installera progressivement pour que les établissements puissent penser les leviers pour mieux faire réussir les élèves, et ils peuvent être différents selon les secteurs géographiques, selon les secteurs d'activités, selon la réalité des élèves qu'ils ont.“

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