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Carte scolaire : une nouvelle étude sur la ségrégation sociale, qu'elle évite ou renforce

Paru dans Scolaire le mercredi 08 février 2023.

Le comportement des familles “joue un rôle non négligeable sur le niveau de ségrégation sociale entre les collèges“, indique Hugo Botton dans une étude menée sur le rôle de la carte scolaire, et publiée le 7 février sur le site de La vie des Idées.

Celle-ci a en effet pour rôle d'affecter les élèves à un établissement scolaire public à proximité de leur domicile, donc du secteur qui s'y rapporte, c'est pourquoi “la composition sociale d’un établissement est fortement liée à celle du quartier dans lequel il est situé“. La carte scolaire peut ainsi être un outil ou un frein pour la mixité sociale, en affectant à un même collège des élèves provenant de quartiers aux compositions sociales différentes, ou au contraire en calquant le secteur scolaire d’un collège à proximité d’un quartier pauvre sur les frontières de ce dernier.

Carte scolaire et composition sociale

Cependant, une faible mixité sociale n'est pas uniquement la résultante de la carte scolaire, car la composition sociale des collèges ne correspond pas forcément à celle de son secteur défini par la carte scolaire. Dérogations, contournement.. selon les estimations de différents chercheurs, entre 35 et 50 % de la ségrégation sociale entre collèges en France métropolitaine serait due aux scolarisations dans le privé et dans un autre collège public que celui de secteur. Dès lors pour le sociologue, “les déterminants principaux de la faible mixité sociale dans certains établissements sont la ségrégation résidentielle et la façon dont la carte scolaire est tracée“.

Et concernant ce “tracé“, il estime qu'il existe “des situations où la carte scolaire n’est pas découpée pour favoriser la mixité sociale“. Lesquelles ? Par exemple, “la prise de décision à l’échelle locale peut exposer les décideurs à des pressions de certains parents recherchant une forme d’entre-soi pour leurs enfants et laisser place à des comportements de clientélisme de la part de certains élus locaux“.

En étudiant les données de la carte scolaire à l’échelle nationale, Hugo Botton met alors en lumière des secteurs scolaires proches ayant une composition sociale très différente. Il calcule que sur les 4161 secteurs scolaires recensés, le taux de pauvreté est de 14,5 %. Un secteur scolaire sur quatre présente un taux de pauvreté inférieur à 9 %, alors qu'un autre quart a un taux de pauvreté supérieur à 19 %. Au total, 284 secteurs (soit 7 %) ont un taux de pauvreté deux fois supérieur à la moyenne.

A titre de comparaison, précise-t-il, les 1 % des secteurs ayant le taux de pauvreté le plus faible ont un taux de pauvreté inférieur à 3 %, alors que les 1 % des secteurs ayant le taux de pauvreté le plus élevé (soit 42 secteurs) ont un taux de pauvreté supérieur à 44 %. Ces secteurs les plus défavorisés se trouvent dans des communes ayant un taux de pauvreté élevé (Marseille, Aubervilliers, Roubaix, etc..) ou moins marquées par celle-ci (Le Mans, Metz, Reims,.), mais existent de la même façon dans ces villes des secteurs dont le taux de pauvreté est bien plus faible.

135 frontières discriminantes

Cohabitent donc “des secteurs scolaires à proximité immédiate et qui ont pourtant un taux de pauvreté très différent“, d'où pour l'auteur l'idée de dévoiler la présence de 135 “frontières discriminantes“ de la carte scolaire à l’échelle nationale. Dans celles-ci, un secteur populaire faisant partie des 10 % des secteurs ayant le taux de pauvreté le plus élevé jouxte un secteur plus aisé avec un taux de pauvreté qui lui est 3,6 fois inférieur.

Par exemple, l’écart entre le taux de pauvreté de deux secteurs séparés par ces frontières est en moyenne de 26 points et dépasse 40 points entre des secteurs à Roubaix, Metz, Strasbourg ou Creil. Plus globalement, un secteur sur cinq parmi ceux qui ont le taux de pauvreté le plus élevé est limitrophe d’un secteur dont le taux de pauvreté est trois fois inférieur, ce qui correspond à 45 000 élèves.

Souvent, est constaté que les frontières discriminantes “séparent un secteur constitué d’un quartier populaire situé en périphérie d’une grande ville d’un secteur plus favorisé socialement situé au sein de la première couronne périurbaine“. De plus, “le secteur populaire a, en général, une superficie plus faible que le secteur plus aisé“, une différence qui “reflète l’écart de densité de la population expliqué par une forte présence d’habitat collectif dans les secteurs populaires et une prédominance de l’habitat individuel dans les secteurs plus aisés“.

Il s'avère pourtant que “certains élèves rattachés aux secteurs plus aisés sont parfois plus proches du collège dont le secteur est plus populaire“. Pour Hugo Botton, il s'agit d'agir en redessinant les frontières de la carte scolaire. Un redécoupage qui, en équilibrant “la composition sociale de ces secteurs, permettrait dans le même temps de réduire la distance à parcourir par les élèves pour se rendre à leur collège“.

Néanmoins, il pointe l’angle mort que représente le secteur privé de par son “rôle non négligeable sur la ségrégation sociale entre les collèges“. Pour favoriser la mixité sociale, il faudrait inclure les collèges privés dans la sectorisation scolaire, “à travers la définition de secteur de recrutements pour les collèges privés ou la mise en place de ‘bonus mixité sociale‘ conditionnant l’obtention de certains financements pour ces établissements“.

En effet, la modification des frontières discriminantes qui visent à accroître la mixité sociale au sein des établissements pourrait, si les risques de contournement de la carte scolaire sont jugés trop élevés, finalement, la réduire. Dans ce cas, conclut le sociologue, “les secteurs de part et d’autre d’une frontière discriminante pourraient être transformés en secteur multi-collèges“.

L'analyse ici

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