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Dans un contexte international en mouvement, le congrès annuel de la mission laïque française interroge l'enseignement de la vérité

Paru dans Scolaire le mercredi 17 mai 2023.

“Il y a un malaise dans l'interculturalité“, estimait Francis Akindès lundi 15 mai lors d'un débat organisé par la mission laïque française dans le cadre de son congrès annuel. Le sociologue a fait part de son analyse sur la question du rapport à la vérité, thématique développée (notamment via les programmes scolaires, le numérique ou l'EMI) durant les 3 jours de rencontres qui ont eu lieu à Reims. Comment, en effet, enseigner la vérité alors que les identités s'actualisent, peuvent être en confrontation ? Il y a toute la question des générations, considère-t-il, et les enseignants ne sont plus aussi bien compris par les élèves car les canaux d'information ont changé. Le malaise vient d'un doute sur le statut de la vérité, les élèves étant de plus en plus confrontés à des vérités alternatives, or l'institution n'a pas doté l'enseignant d'outils de gestion, elle est “déboussolée“ car le professeur n'a pas le même rapport au temps, aux choses, au sens.

La relation enseignant-enseigné est ainsi minée par la peur des mots, et les enseignants sont obligés de prendre des précautions oratoires, constate-t-il. Il s'agit dès lors de “retisser les liens de l'intercompréhension pour permettre le dialogue“, et de “rendre l'apprenant plus libre en lui donnant la méthode pour construire sa propre liberté“. Mais les enseignants “ne peuvent pas tout faire“, ajoute-t-il, “ce sont des compétences que l'on peut aller chercher à l'extérieur de l'école“.

Investigation numérique

De son côté, l'universitaire Mylène Hardy fait valoir qu'il est nécessaire de “comprendre le contexte de construction d'une vérité“. Il faudrait ainsi arriver à montrer aux élèves que l'horizontalité de l'information promue sur les réseaux sociaux, abreuvés de fake news, “n'est qu'apparente“. Et que si les enseignants s'appuient, avec les programmes scolaires, sur une argumentation logique, les réseaux sociaux utilisent la persuasion et même jusqu'à la manipulation pour attirer puis enfermer les jeunes.

D'où l'importance donnée au fact-checking et à l'éducation aux médias, comme le souligne le spécialiste de l'intelligence artificielle (IA) Jean-Gabriel Ganascia. Car, raconte-t-il dans son intervention, le monde est passé du rêve d'une culture disponible instantanément, à portée de tous, n'importe quand, à la désillusion avec notamment la démocratisation des controverses (au sujet des vaccins, du climat..). La cause étant que le modèle économique d'internet, qui repose sur la publicité ciblée et de ce fait accroît la fragmentation de la société et entraîne la disparition de l'espace public : l'information est diffusée sélectivement, chacun ne recevant que les messages qui lui correspondent.

Question vive

Seulement, sur le terrain “les lycéens n'ont peut-être pas d'intérêt à chercher les vraies sources, ou les informations réelles, ce qui les intéresse c'est leurs amis, avoir des likes“. Interrogée par ToutEduc, cette gestionnaire d'un lycée français basé en Espagne se dit inquiète de ce que “sur internet on dit qu'on peut trouver de l'information sur tout, mais approfondir, trouver des infos de qualité et des sources différentes qui apportent plusieurs points de vue sur un même sujet c'est difficile“.

Ce proviseur également rencontré ce jour-là pense que la question de la vérité “est évidemment brûlante au Proche-Orient, sur le continent Africain mais aussi aux USA, différemment peut-être mais elle se pose également“. Il estime qu'il faut s'emparer de l'information, “et surtout il faut la partager, en parler et éduquer : qu'est-ce qu'on fait de cette info, d'où provient cette info, c'est comme ça qu'on arrivera à conserver et faire avancer nos valeurs. Notre présence à l'étranger n'est pas anodine, cela contribue au rayonnement de la France mais au delà, c'est une forme de pensée et d'adhésion aux valeurs républicaines.“

Contribuer et se développer

Pour Jean-Marc Merriaux, justement “la France est une des mieux armées pour répondre à cette question-là“, grâce notamment à l'enseignement et à la pédagogie telles qu'on les pratique depuis plus d'un siècle. C'est dans l'idée d' “apporter des pistes“ que le directeur général de la mission laïque française imagine ce congrès faisant participer l'ensemble des acteurs internes ou externes à l'association. Il s'agit ainsi de “nourrir“ le débat : “on a souhaité faire un congrès très axé sur la pédagogie, pour bien rappeler que nous sommes un acteur pédagogique, que nous sommes là pour apporter notre contribution à l'enseignement français à l'étranger mais aussi sur le territoire national“, déclare-t-il à ToutEduc.

“Notre organisation doit s'adapter à un environnement en mouvement, on est dans un contexte de concurrence de plus en plus forte de l'enseignement français à l'étranger“, continue-t-il. Il est également question de stabiliser les établissements de la mission laïque française dans un environnement international difficile, en raison notamment de l'inflation “qui a un impact très fort sur notre modèle économique“...

Plusieurs axes de développement sont évoqués, comme le renforcement de certains piliers qui existaient mais n'étaient pas définis comme prépondérants, telle que la coopération éducative avec l'accompagnement de projets. La mission, qui jusqu'à présent ne s'intéressait pas aux investissements d'avenir, a ainsi participé à un consortium pour un appel à projet portant sur des outils d'identification des troubles de l'apprentissage. Il s'agit également d'une “capacité à construire d'autre types de partenariats, de financements“, avec par exemple des projets en Egypte, où des entrepreneurs locaux souhaiteraient investir dans de l'immobilier “éducatif“ et proposer un mandat de gestion pour ces établissements à la mission laïque française.

Le site de la Mission laïque française ici

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