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Quelle place pour l'intelligence artificielle et les sciences cognitives dans les apprentissages ? La réponse d'EvidenceB

Paru dans Scolaire le vendredi 07 avril 2023.

EvidenceB proposera, dès le mois de novembre prochain, des modules de rattrapage pour les élèves de seconde dont l'évaluation nationale aura montré les difficultés. Cette petite startup, qui a levé quelque 5,5 M€ en deux collectes de fonds, a obtenu le marché alors que des entreprises beaucoup plus importantes comme Hachette et Nathan étaient candidates. ToutEduc a rencontré l'un de ses fondateurs, ancien responsable du secteur éducation de Microsoft France.

Thierry de Vulpillieres : Nous proposerons à ces élèves quelque 20 000 exercices organisés en 20 modules, selon quatre modes. Solo, l'élève reçoit un premier exercice permettant de pallier une difficulté repérée, puis, en fonction de sa réussite ou de son échec, un second exercice, puis un troisième. Duo, il est en binôme avec un de ses camarades, ils ne reçoivent pas nécessairement les mêmes exercices, mais ils peuvent dialoguer et s'entraider. Tuto, ils bénéficient de petits tutoriels qui leur apportent des explications complémentaires. Ateliers, ils travaillent à plusieurs. Pour cette dernière version, nous avons travaillé avec les associations pédagogiques, l'AFEF notamment pour tout ce qui est français et Animaths pour tout ce qui est algèbre et géométrie...

ToutEduc : Vous décrivez ici un programme d' "adaptive learning". On a parfois le sentiment d'une solution magique, qui résoudrait tous les problèmes d'apprentissage par la magie de l'intelligence artificielle, mais qui perdrait de vue la fonction de socialisation de l'école...

Thierry de Vulpillieres : Vous avez noté que nous proposons une version "ateliers" de notre solution, justement parce que nous considérons que cette fonction de socialisation est très importante, mais aussi parce que les élèves n'apprennent pas tout seuls, même avec un programme qui s'adapterait exactement à leur profil cognitif... Un programme d' "adaptive learning" apporte un plus, je dis souvent que nous creusons un sillon, mais ce n'est qu'un sillon parmi tous ceux qui sont creusés à l'école...

ToutEduc : Cette modestie est nouvelle ...

Thierry de Vulpillieres : Non, pas pour nous, mais vous avez raison de dire que le secteur des EdTech passe par des phases d'enthousiasme qui retombent parfois assez vite. Tout ce qui était "immersif" a suscité beaucoup d'espoirs avant de retomber. La semaine dernière, au BETT (le grand salon des EdTech à Londres), il n'y en avait que pour l' "AI powered learning", les apprentissages renforcés par l'intelligence artificielle... Mais Knewton qui a misé sur l'intelligence artificielle est actuellement en difficulté...

ToutEduc : Comment l'expliquez-vous ?

Thierry de Vulpillieres : L'intelligence artificielle doit s'appuyer sur des données pédagogiques pour prévoir une progression dans les apprentissages. Si ces données sont trop normées, le logiciel ne peut pas s'adapter aux spécificités de chaque enfant. Les "arbres de la connaissance" qui décrivent des itinéraires typiques ne correspondent pas à la réalité, toujours plus ou moins atypique, et restent dans le domaine de l'utopie. Nous, nous misons sur un usage raisonné de l'intelligence artificielle organisée en fonction d'un usage également raisonné des sciences cognitives. Les premiers algorithmes qu'elles ont inspirés ont fait long feu, leurs prétentions étaient excessives. Elles ont pourtant apporté des connaissances sur les apprentissages dont il faut tenir compte. Il est tout aussi faux de penser que tout est prédictible et que l'on sait comment les élèves apprennent en toutes circonstances que de penser que tout est relatif et dépend des environnements sociaux et culturels...

ToutEduc : Pouvez-vous préciser comment vous voyez cette "voie moyenne" qui s'appuie aussi bien sur les sciences cognitives que sur l'intelligence artificielle ?

Thierry de Vulpillieres : Nous ne proposons pas des solutions d'apprentissage, mais de renforcement des apprentissages, avec des dispositifs plus souples, une vision moins systématique... Nous cherchons à éviter les approches dogmatiques, mais nous croyons en la science. S'il est vrai que chaque humain se situe dans un contexte particulier, tous les cerveaux sont semblables, il y a des invariants. Nous avons identifié cinq domaines pour lesquels on trouve des structures communes, en numératie, pour tout ce qui touche aux nombres entiers ou non et à la résolution de problèmes notamment, pour les langues premières, puisque dans toutes les langues, les enfants distinguent les noms et les verbes, pour les langues secondes, dont l'acquisition se fait toujours par référence aux structures de la langue première, pour l'histoire-géographie, qui suppose toujours de travailler sur le temps et sur l'espace, pour les sciences...

Chaque système scolaire a ses références, ses programmes, ses progressions, et nous ne prétendons pas nous substituer aux manuels ni aux enseignants. Nous partons de ces invariants pour proposer un complément...

ToutEduc : Vous vous situez donc dans une perspective internationale...

Thierry de Vulpillieres : L'entreprise est française, elle a été incubée à Londres dans la structure de Rose Luckin (UCL), avant de travailler avec un chercheur de l’Institut Max Planck à Berlin et un des premiers programmes que nous ayons vendus l'a été à Singapour, Adapativ'fraction ! Oui, nous comptons bien nous développer à l'international en même temps qu'en France. Certains modules peuvent prétendre à l'universalité, dans tous les pays et pour tous les âges.

ToutEduc : Comment voyez-vous votre environnement économique ?

Thierry de Vulpillieres : La crise sanitaire a joué le rôle d'accélérateur très puissant, avec, dans certains pays, asiatiques notamment, la volonté de s'armer pour prévenir toute nouvelle pandémie et dans d'autres, comme en France, la tentation de revenir à la situation d'avant COVID. Ce qui est clair à présent, c'est que le numérique ne permet pas la dématérialisation de l'enseignement et que l'éducation est un pilier des sociétés. Les investissements ont été extrêmement importants, aux USA bien sûr, mais aussi en Chine, en Inde... Et nous en sommes au moment où les investisseurs veulent mesurer les effets réels de ces programmes, leur impact. C'est en prévision de ce moment que nous avons choisi le nom de notre entreprise, EvidenceB, des programmes fondés sur des preuves. Nous avons d'ailleurs actuellement avec l'Université de Genève, en cours, une mesure par randomisation d'évaluation de l'impact de l'un de nos programmes

ToutEduc : Et en France ?

Thierry de Vulpillieres : Nous avons remporté, avec Adaptiv'Maths (ici), le premier des P2IA, le "partenariat d'innovation pour l'intelligence artificielle", lancé dans le cadre du PIA. Dans la mesure où les entreprises d'éducation ne sont pas à Bercy, le soutien de l'Etat au secteur a été un peu plus long à se mettre en place, mais ça y est, la dynamique est là, l'éco-système est favorable.

ToutEduc : Et vous ?

Thierry de Vulpillieres : Nous avons aujourd'hui une quarantaine de salariés, nous avons fait l'an dernier plus d'un million de chiffre d'affaires, nous ne sommes pas encore rentables parce que nous investissons beaucoup.

Propos recueillis par P. Bouchard et relus par T. de Vulpillieres

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