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Ecoles de la deuxième chance : une évolution des publics et des difficultés organisationnelles (Bilan 2022)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 06 avril 2023.

“Aujourd'hui on a des écoles qui ont du mal sur le terrain parce qu'elles ne sont pas en accord avec la Région“, déplorait Alexandre Schajer mardi 4 avril alors qu'il recevait quelques journalistes pour faire part du dernier bilan des écoles de la 2ème chance (E2C).

Si le réseau compte 146 écoles présentes dans 12 régions, pour certaines “le développement est très difficile, par exemple en Pays-de-la-Loire il n'y a qu'une école à Nantes, c'est en train de se régler mais ça ne s'est pas réglé pendant 10 ans“, poursuit le président du réseau fondé par Edith Cresson en 1995. Il en est de même en Bretagne où il n'existe aucune école aujourd'hui, car “ils considèrent qu'ils ont monté un système qui répond à ce problème-là“.

Difficultés

Le problème qu'évoque Alexandre Schajer, c'est le décrochage des jeunes et la difficulté pour beaucoup de ceux qui sortent du système éducatif sans diplôme de se rapprocher du monde du travail. Ainsi au départ, explique-t-il, il existait différentes formations proposées par les Régions (par exemple sur l'illettrisme, sur la mise au point d'un projet professionnel, sur les premiers gestes pros à connaître, etc..) et un jeune passait d'un dispositif à un autre. Sauf qu'entre les deux, les jeunes pouvaient passer trois mois à la rue, et à chaque fois il fallait recommencer le positionnement du jeune, avec une perte de l' “effet“ formation. C'est pourquoi les E2C ont eu pour rôle dès le départ de remplacer ces dispositifs par un seul système, avec l'idée de “capitaliser en permanence sur les acquis“, plus ensuite un suivi des jeunes (65 % d'entre eux l'acceptent).

D'où la difficulté pour le président d' “expliquer à la Bretagne que leur dispositif ne répond pas aux besoins de tous les jeunes, et que c'est dommage de ne pas le mettre en place“. Ce qui signifie que le réseau ne bénéficie pas d'aides (de l'Etat et de la Région) pour y implanter et financer une école. C'est d'ailleurs le deuxième point d'alerte mis en lumière lors de cet entretien. Si le budget a été considérablement augmenté au niveau national par l'Etat pour l'année 2023, passant de 24 à 35,5 millions d'euros, afin d'augmenter le nombre de participants de 15 000 à 17 000, de développer des sites ou encore de former les salariés, certaines écoles seraient tout de même en difficulté financière, ayant du mal à obtenir l'accord de budget qui se négocie sur le terrain avec des préfets qui peuvent opter pour un autre dispositif que les E2C.

Dernier point d'inquiétude,“sur la gouvernance du Contrat Engagement Jeunes (CEJ) on est loin d'y être, et c'est vrai que ça nous inquiète un peu“, déclare Alexandre Schajer. Mis en place il y a un an, le dispositif (dont les conventions ont été à ce titre renouvelées avec Pôle Emploi et les missions locales) a pourtant permis d'effacer “la problématique concurrentielle qui s'était créée“ entre la Garantie Jeunes, dispositif que les missions locales mettaient davantage en avant sur le terrain auprès des jeunes ciblés, et les écoles de la 2ème chance. D'ailleurs, indique-t-il, il y a 10 ans, 80 % des jeunes qui entraient en E2C avaient une mission locale comme origine d'orientation, alors qu'aujourd'hui c'est 50 %. Ce qui signifie une baisse des entrées en E2C avec la Garantie Jeunes, un dispositif qui a “cassé un peu les relations historiques entre les missions locales et les E2C“.

Au moment de la mise en place du CEJ, les conseillers des missions locales n'étaient pas formés, ajoute-t-il, et “près de 2/3 n'avaient pas compris que le parcours E2C était à l'intérieur du parcours CEJ“, c'est donc toute la mécanique d'installation du CEJ qui a retardé les choses, mais, soutient-il, “aujourd'hui on sent les premiers frémissements du côté de Pôle emploi et des missions locales, sur le terrain on sent que ça se débloque“. En revanche, ce qui l'inquiète, est que les E2C ne soient pas intégrées au mode de gouvernance qui va se mettre en place localement, qu'elles ne soient pas associées en tant que “solutions structurantes les plus significatives des territoires“. Surtout qu'il devient nécessaire pour le réseau d'être attractif, de répondre aux besoins, alors qu'un “certain nombre de jeunes, en particulier des quartiers, ne veulent pas s'adresser aux services de l'Etat, ils ne veulent pas qu'on s'occupe de leur avenir“.

Evolutions

D'ailleurs, dans le bilan 2022 présenté apparaissent des transformations notables au niveau du public des écoles de la 2ème chance. “Cela aurait pu être pire, je trouve qu'on a bien tenu le choc pendant cette période“, assure néanmoins Alexandre Schajer quant au nombre de participants suite à la crise sanitaire, et au regard du “contact permanent“ maintenu avec 90 % des jeunes. Comme en 2019, donc, ce sont 15 000 jeunes qui ont été suivis l'an dernier, avec 10 544 entrants, soit une progression de 2 %, qualifié de “bonne assise de redémarrage“. Une extension du dispositif offre la possibilité d'accueillir des bacheliers : “Petit à petit on s'est aperçu que le comportement des jeunes et leurs raisons d'entrer dans la pauvreté font que le problème d'exclusion ne peut pas se résoudre uniquement au niveau de diplôme“. En outre, 90 % n'ont pas d'expérience professionnelle, d'autres se sont retrouvés en lycée professionnel sans que cela soit ce qu'ils voulaient faire, mais c'est “ce qu'il y avait dans le lycée d'à côté“. Les titulaires d'un diplôme de niveau IV représentent ainsi 6 % des bénéficiaires du dispositif alors qu'ils sont seulement autorisés à y entrer depuis octobre.

Avec l'obligation de formation des 16-18 ans lancée par l'Etat dans le cadre du plan anti-pauvreté, il y a désormais 30 % de mineurs bénéficiaires (24 % en 2021), mais “vraisemblablement on n'ira pas beaucoup plus loin“ en pourcentage, ajoute-t-il, pour ne pas se transformer en école pour mineurs (l'âge moyen a baissé de 20,5 à 19,5 ans). Ils n'ont de plus pas le meilleur taux de “sorties positives“ (ceux qui vont directement en emploi de plus de 2 mois, ou en formation qualifiante, etc..) des écoles de la deuxième chance, 53 % soit 10 points de moins que la moyenne, par contre “ils sont beaucoup plus forts que les autres sur l'apprentissage“. Il affirme que “l'Education nationale aimerait bien que certains reprennent le chemin de leur formation initiale, et c'est vrai que certains le voudraient, mais quand ils sont à l'E2C ou en formation qualifiante, ils ont une indemnité..“

Le dispositif accueille beaucoup de jeunes issus de lycées professionnels, apprend-on, tout comme il y a davantage de porteurs de handicaps (ils sont passés de 2 % à 5 %), 14 % de jeunes nationalités extra-européennes, d'autres sont sortis de l'ASE.. de quoi évoquer “un des derniers bastions de la mixité sociale“, un “creuset social“ avec dans les grandes villes “28 % des jeunes en moyenne qui viennent de quartiers difficiles“. Il serait donc question d'un changement dans la problématique du décrochage et des jeunes en difficulté, concentrée sur 80 000 jeunes chaque année (alors qu'ils étaient entre 140 et 200 000 il y a quelques années). “C'est plus compliqué, ce sont ceux qui sont le plus en rupture avec la société en général, avec les systèmes éducatifs“, estime Alexandre Schajer. Il ajoute que les E2C devraient s'occuper d'environ 25 000 jeunes, et que les effectifs ont toujours progressé, jusqu'à la crise sanitaire, en nombre d'écoles et en nombre de jeunes. Et d'ajouter : “On va vraiment voir dans les 2 ans qui viennent si on est capable de reprendre la direction qu'on avait“.

Le site des E2C ici

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