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Comment appliquer le principe de laïcité dans l'enseignement privé ? La FEP-CFDT ouvre le débat

Paru dans Scolaire le jeudi 02 octobre 2014.

Laïcité et caractère propre des établissements privés sous contrat sont-ils des principes compatibles, opposés ou complémentaires ? Telle a été la question posée par le colloque organisé par la FEP-CFDT hier mercredi 1er octobre. La réponse : ils sont compatibles, mais sous conditions, et les difficultés existent. On ne peut ignorer, estime Jacqueline Lalouette, historienne de la laïcité, qu'elles renvoient à la séparation de l'école en deux parties, ce qui fait dire à Bruno Poucet (sciences de l'éducation) avec quelque malice "c'est un miracle que la loi Debre de 1959 fonctionne".

Les dérives qui ont été récemment constatées au sein de certains établissements comme Gerson, dans le XVIe arrondissement de Paris, posent en effet la question de l'application de la laïcité dans ces établissements (ToutEduc ici). Pourtant, rappelle Bruno Lamour, secrétaire général du syndicat de la FEP-CFDT, "depuis 1984, on a évité ce sujet. Il est temps de clarifier notre message sur la laïcité." Le colloque a en effet montré que le flou des deux concepts que sont "laïcité" et "caractère propre" entraîne des manquements.

Des situations de discrimination dans le recrutement

Intervenants et participants ont ainsi identifié de nombreuses situations qui font problème, comme le recrutement des enseignants. Bernard Toulemonde, ancien recteur et juriste, s'interroge : "Est-ce la conviction de recruter un bon enseignant qui prévaut, ou son appartenance religieuse ?" Une question qui a provoqué une avalanche de commentaires et une condamnation presque unanime. Cette pratique n'est régulée par aucun texte réglementaire. Que se passe-t-il si l'enseignant ne partage pas la confession de l'établissement, voire si son nom a une consonance étrangère ?

Quant à la distinction entre le temps de l'enseignement, défini par le contrat avec l'Etat et la vie scolaire, qui dépend du caractère propre, et qui englobe le règlement intérieur, les modalités d'intervention des parents, les sanctions, le projet éducatif, les sorties scolaires et les rythmes scolaires, elle est claire pour Jacqueline Lalouette, historienne. Elle prend l'exemple de l'enseignement religieux : "C'est la même salle de classe, éventuellement les mêmes personnes, mais c'est un autre temps, le temps du religieux."

Ce n'est pas l'opinion de tous les participants. Une professeur d'Histoire s'interroge sur le double discours que l'élève est amené à entendre, à quelques minutes d'intervalle, entre son cours d'Histoire ou de SVT et la pastorale. Eric Vinson, enseignant, chercheur et journaliste spécialisé sur les question religieuses, salue au contraire ce "pluralisme" et insiste : "La laïcité doit être inclusive, non exclusive." Bruno Lamour constate : "La frontière entre vie scolaire et enseignement est perméable. Plus encore, lorsque le projet pédagogique de l'établissement est axé sur la religion, il peut être difficile d'accepter cette frontière." La définition du "caractère propre" dans le statut de l'enseignement privé, récemment revu, peut donner lieu à certaines "dérives" selon les participants qui ont pointé  la "multiplication des séances de bénédiction des cartables" à l'occasion de l'heure "d'enseignement pastoral".

La laïcité, un enjeu aussi pour les établissements publics

L'ensemble de ces hésitations pousse à s'interroger sur les conditions de l'exercice de la laïcité dans les établissements privés sous contrat, mais aussi dans les établissements publics. Certaines questions comme le recrutement des enseignants ne concernent que le privé, mais la formation des enseignants à la laïcité et aux conflits qu'elle peut entraîner dans les salles de classe, est aussi un enjeu aussi pour le public. D'ailleurs pour Charles Delorme, directeur du CEPEC (centre d'études pédagogiques pour l'expérimentation et le conseil), "le religieux et le fait religieux ne peuvent être laissés aux religieux" et, comme le souligne Bernard Toulemonde sur un autre plan, les familles "zappent" entre public et privé. La distinction porte en réalité sur les établissements "protégés qui accueillent enfants de cadres dirigeants et d'enseignants et ceux qui sont en perdition. Là est la vraie fracture".

Pour Jean-Louis Bianco, la laïcité, "c'est avant tout des règles juridiques". Les recommandations de l'observatoire qu'il préside, témoignent "d'un travail de formation et d'information à faire". Pour lui, il faut laisser une certaine souplesse aux établissements pour régler les problèmes que pose l'accompagnement de sorties scolaires par des mères voilées, moins nombreux qu'on ne le dit, et il dénonce une "fixation" sur le voile qu'on confond bien souvent la burqa. Il ne faut toutefois pas manquer de rappeler la loi lorsqu'on constate des dérives dans certains établissements. Il souhaite notamment que les demandes de dispenses religieuses soient traitées comme les autres demandes relatives à la santé ou aux réunions de famille.

Bruno Lamour confie à ToutEduc que ce colloque est "un premier acte" et que d'autres suivront. Il se félicite que le ministère de l'Education nationale ait été présent, tout comme les autres syndicats de l'enseignement privé. Le secrétaire général de l'enseignement catholique ne pouvait y assister, mais il suit les débats avec intérêt. La FEP affirme vouloir ainsi ouvrir le dialogue, sans "préjugés", et, si possible, avec les autres réseaux de l'enseignement privé, juif notament.

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Marieke Poulat avec M. Delachair et P. Bouchard

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