Un avantage mesuré aux pédagogies "explicites", à condition de ne pas les confondre avec le cours magistral (France Stratégie)
Paru dans Scolaire le dimanche 21 septembre 2014.
Les approches "structurées, explicites, font preuve d’une particulière efficacité", note Pierre-Yves Cusset dans un "document de travail" sur "les pratiques pédagogiques efficaces", mais les conclusions de ce sociologue sont extrêmement nuancées. Ces approches pédagogiques sont particulièrement efficaces "pour l’acquisition des compétences de base, lorsque les élèves sont jeunes et/ou lorsqu’ils connaissent des difficultés". Elles ne doivent de plus pas être confondues avec un enseignement magistral car il faut que "les élèves ne soient pas passifs", ce qui "peut être obtenu de différentes manières", l’apprentissage coopératif entre pairs faisant "preuve d’une efficacité au-dessus de la moyenne". Cela n’exclut pas non plus "pour d’autres compétences, pour des élèves d’âge plus avancé ou déjà suffisamment à l’aise, le recours à d’autres méthodes".
De plus, "l’ampleur des effets mis en évidence est souvent limitée", et l'écart n'est pas si grand avec ceux des autres méthodes car, "en moyenne les pratiques des enseignants sont déjà relativement efficaces". On connaît d'ailleurs mal les pratiques réelles des enseignants qui ne se résument "évidemment pas à la stricte mise en œuvre d’une méthode". Nonobstant ces bémols, l'auteur, spécialiste au Centre d’analyse stratégique des modèles de protection sociale et des relations entre les générations, penche pour les pédagogies explicites. Même s'il est vrai qu' "une méthode qui démontre une particulière efficacité en contexte expérimental, avec des enseignants volontaires, peut se révéler difficilement appropriable ou susciter un faible niveau d’adhésion de la part du corps enseignant", les méthodes structurées et explicites auraient, estime-t-il, "un certain avantage" : elles sont "plus aisément compréhensibles et appropriables que d’autres méthodes plus difficiles à cerner".
Les approches anglo-saxonnes
Le document, très riche, propose une analyse critique des études anglo-saxonnes sur l'apprentissage de la lecture. Elles mettent "en évidence l’intérêt pour le déchiffrage d’un enseignement systématique de la relation phonème- graphème". Cette approche peut aussi "faire progresser les enfants en compréhension de texte", mais "le développement de cette compétence bénéficie également d’approches de type apprentissage coopératif entre pairs". Pour l’apprentissage des mathématiques, "l’enseignement explicite et l’apprentissage coopératif semblent également faire preuve d’une efficacité supérieure à la moyenne. L’apport des technologies informatiques est moins consensuel, sauf pour l’arithmétique". En ce qui concerne l’enseignement des sciences, les recherches "laissent penser que des méthodes d’investigation ont un réel potentiel, à condition que les élèves bénéficient d’un guidage efficace de la part des enseignants".
L'étude porte aussi sur les études francophones, en nombre beaucoup plus limité. Ainsi Pierre-Yves Cusset évoque-t-il l'étude de Deauvieau, Espinoza et Bruno sur les manuels utilisés pour apprendre à lire en zone d’éducation prioritaire qui conclut à la supériorité de la méthode syllabique. Mais "les lacunes de la méthodologie employée" en rendent les résultats "très vulnérables à d’éventuelles critiques". A l'inverse, l'approche idéovisuelle, "promue par Jean Foucambert", a été évaluée par Roland Goigoux qui montre que "les élèves issus de conditions sociales défavorisées sont lourdement pénalisés", ce qui confirme "que la découverte du principe alphabétique requiert un enseignement explicite". Quant au programme d’entraînement à la phonétique en maternelle, il a des effets en phonologie, notamment sur les élèves les plus faibles, mais pas "sur les dimensions compréhension et lecture voie lexicale" et "il reste à savoir si les effets positifs constatés vont se transférer à des compétences de plus haut niveau en fin de CE1".
Le document de travail ici