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Roger-François Gauthier propose une "révolution de la politique scolaire en France"

Paru dans Scolaire le dimanche 07 septembre 2014.
Mots clés : Gauthier

Les chiffres en témoignent, la France a réussi l’entreprise de massification. Celle-ci a-t-elle permis, pour autant, de donner une chance à tous ? Pour Roger-François Gauthier, la démocratisation de l’école est "largement un leurre", un domaine dans lequel "la France ne s’aventure guère" faute de s’intéresser à la clef du problème : le contenu de l’enseignement. Comment et avec qui le définir, l’évaluer ? En proposant au lecteur des éléments de réponse, l'auteur de "Ce que l'Ecole devrait enseigner" s’attaque aux fondements-mêmes du système scolaire français dont il fustige les "outils traditionnels au service de la reproduction sociale".

Lire, écrire, compter : les fondamentaux à eux seuls isolent, découragent et démotivent. Pour assurer l’insertion sociale et professionnelle des élèves tout en respectant la diversité de leurs profils, éviter leur mise en concurrence et garantir leur "entrée dans la Cité", les enseignants devraient favoriser l’acquisition d’une culture commune. Cette culture nécessiterait l’abandon de la dérive encyclopédiste au profit de la transmission de "savoirs positivants", des savoirs "qui encouragent les élèves à prendre confiance en eux et à apprendre, qui contribuent à la construction du vivre ensemble dans l’école" et qui détournent des "savoirs morts". Pour ce faire, l’école tiendrait compte des savoirs extrascolaires et de "tout ce qui constitue l’expérience culturelle quotidienne" des élèves, tout en faisant la part belle au libre désir d’apprendre. S’inspirant de ce qui se fait ailleurs, l’auteur esquisse quelques pistes concrètes, comme le "regroupement de matières sortant des normes, pour un élève qui souhaiterait briller en danse ET en mathématiques", par exemple. Il aurait pu développer davantage.

Pour une approche curriculaire

Mais il propose plus généralement une approche curriculaire : "Le curriculum (…) couvre la totalité de l’expérience d’apprentissage des élèves", c'est-à-à-dire les contenus, les modes d’évaluation des élèves et des programmes et la formation des maîtres. Dépasser le "blocage identitaire sur les programmes" implique un "changement de posture considérable", commente-t-il. Dans les pas d’Edgar Morin, il propose de décloisonner les disciplines "en les mettant en questions, en redéfinissant leur lien au réel, aux élèves et entre elles".

Comment faire ? Une formation commune dispensée à tous les maîtres permettrait à ces derniers de disposer du recul nécessaire vis-à-vis de leur discipline pour mieux collaborer entre eux et définir les approches pédagogiques les plus à mêmes de favoriser la réception de leur enseignement par tous les élèves. Cette méthode impliquerait une certaine marge de manœuvre pour les enseignants, un degré d’indépendance qui leur permettrait d’adapter la mise en œuvre  du curriculum national de manière adaptée aux réalités locales. 

"Une culture de la nullité"

Mais c’est sans doute en matière d’évaluation que l’auteur propose les changements les plus radicaux : brevet, baccalauréat, système de notation, habitudes des examinateurs, tout semble nourrir une "culture de la nullité" qui stigmatise les faiblesses au lieu de valoriser les acquis, les compétences, les capacités de travail des élèves dans les différents champs disciplinaires. Pour inverser la donne, une solution simple : une école unique "regroupant l’équivalent de nos collèges et de nos écoles primaires" sur le modèle de l’école de base créée par les pays scandinaves il y a déjà 50 ans. Là encore, l'auteur ne s'attarde pas sur la façon de procéder à la refonte du système français.

Face à l’ampleur de la tâche, la France disposerait d’outils limités mais potentiellement efficaces : un Conseil supérieur des programmes relativement indépendant, doté de compétences curriculaires et d’une Charte des programmes au contenu ambitieux, mais qui doit être diffusée et débattue dans la sphère publique ; et un projet de socle commun, enterré en 2005 faute de volonté politique.

Somme toute, Roger-François Gauthier nous livre, avec cet essai, des propositions rédigées de manière si limpide qu’il nous en ferait oublier l’ampleur des réformes qu’il propose. "Le succès est à portée de main", nous rappelle-t-il. Les nombreuses pratiques réussies auxquelles il se réfère ne sont en effet expérimentées qu’à quelques kilomètres de nos frontières. Méthodes alternatives d’évaluation, démarches pluridisciplinaires, intérêt pour l’oral, le travail collectif, l’activité de création au sein de projets : focaliser l’attention sur les savoirs scolaires et les apprentissages réels des élèves semble un défi relevé pour certains de nos voisins européens. Cette révolution pourrait s’avérer, en France, moins douloureuse que ce qu’il y paraît. Car l’auteur se plaît à le rappeler : du fait, sans doute, d’une forme de pesanteur jacobine inhérente à l’Éducation nationale, s’agissant des contenus d’enseignement, "on n’a quasi rien essayé".

"Ce que l'Ecole devrait enseigner, Pour une révolution de la politique scolaire en France", Dunod, 144 p., 13,90 €

Louise Ferry

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