ENT : confusion en Seine-Saint-Denis (rapport de recherche)
Paru dans Scolaire le mercredi 21 mai 2014.
Dans les collèges de Seine-Saint-Denis, l’ENT (environnement numérique de travail) est "pour l’essentiel mis au service de la communication ou de l’organisation scolaire, mais finalement assez peu encore au service des apprentissages", constatent Sylvain Genevois (université de Cergy-Pontoise) et Dany Hamon (Paris-V) dans un "rapport de recherche sur les usages des ENT" dans ce département, publié sur HAL et signalé par le Café pédagogique.
Les deux chercheurs constatent que chacun projette sur les ENT "ses propres représentations du changement". Pour les chefs d’établissement, "la finalité première est d’améliorer la communication interne et externe à l’établissement" tandis qu' "une part non négligeable d’enseignants (...) cherchent à diversifier leurs méthodes et leurs activités pédagogiques avec cet outil". Mais pour la plupart, ils "s’efforcent de saisir au fur et à mesure les notes et les devoirs afin de répondre à la demande institutionnelle". De leur côté, "les parents et les élèves, qui se sont bien approprié ces outils pour une régulation du travail à faire au domicile, commencent à demander un meilleur service" et "une plus grande réactivité des enseignants dans la mise en ligne...". Ces services numériques favorisent certes "une certaine autonomisation des élèves", mais c'est au risque "d’accroître la pression sur les notes", d'autant que la trace informatique prive les enseignants de "toute souplesse" pour supprimer une note ou arrondir la moyenne "en fonction d'autres critères" (comme la participation en classe) "qui ne peuvent se limiter à une donnée arithmétique".
Bugs, multiplication des outils, manque d'intelligence collective
Viennent s'ajouter à ces questions de fond "les nombreux bugs" et "les insuffisances de maintenance". D'ailleurs les "référents numériques" doivent "cumuler des fonctions techniques et pédagogiques" et ils n’ont pas "le sentiment d’être vraiment soutenus dans leurs missions".
Autre difficulté, la multiplication des outils. En 2006, l'académie de Créteil a mis en place Envole "pour construire sa solution ENT, le Cartable en ligne". Puis, en 2010, le Conseil général "décide de s’orienter vers une autre solution" et déploie Celi@, "dans le sillage de Lilie qui est l’ENT proposé par le Conseil régional". Résultat, l’académie et le département "exercent en théorie une co-maîtrise d’ouvrage, mais dans les faits la répartition des rôles se fait en fonction du type d’ENT déployé", Cartable en ligne ou Celi@, et seule une petite cinquantaine de collèges dispose "d’une solution ENT véritablement déployée". S'y ajoutent des outils du type Vie scolaire.net ou Pronote, jugés plus performants.
Enfin, "lorsqu’ils produisent des contenus, les enseignants aiment bien en être maîtres". Or, sur un ENT, "personne ne voit leur blog de l’extérieur" : "Ce n’est pas ultra collaboratif, ce n’est pas l’intelligence collective du XXIe siècle". Finalement, le conseil général de Seine-Saint-Denis leur offre "la possibilité d’ouvrir des blogs sur le site du Web pédagogique".
Reste donc à "définir un véritable projet ENT" pour "sortir de l’injonction paradoxale (...) il faut passer à l’école du numérique, il faut, il faut, il faut... Mais en fait les outils ne suivent pas. Il y a une volonté politique, très bien. Mais il y a des outils qui ne sont pas ou mal développés d’une part, d’autre part les utilisateurs n’ont probablement pas été assez entendus".
Le rapport est téléchargeable ici