Marie Duru-Bellat
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 24 septembre 2009.
Marie Duru Bellat interroge une notion au cœur même de l’idéal républicain de l’école, celle de la réussite par le "mérite", dans son dernier ouvrage publié aux Presses de Science Po. Cette publication intervient alors même que le gouvernement multiplie les annonces pour favoriser "l’égalité des chances": "Internats d’excellence" pour les élèves méritants, 30 % de boursiers en prépas, priorité des boursiers pour choisir leurs lycées, etc. Mais suffit-il de mettre en avant quelques élèves méritants pour que l’école soit juste ? La sociologue rappelle qu’un enfant d’ouvrier sur deux ne parvient pas au bac, et n’est donc pas concerné par ces mesures. Elle précise qu’un nombre important d’élèves sort tôt du système scolaire tout en préconisant la prise en charge précoce des élèves en difficulté et en valorisant la scolarisation des enfants dès 2 ans.
Elle regrette aussi que les diplômes aient autant de poids dans la vie des individus, et assimile leur importante à une "tyrannie", justifiant différences de salaires et inégalités de position sociale. Pour la sociologue, c’est oublier que le contexte historique, économique définit autant la trajectoire des individus. Or on accepte d’autant mieux les inégalités que l’on a foi dans le mérite et les diplômes censés l’attester. On a d’autant plus besoin de croire au mérite que les inégalités et les discriminations à l’entrée des écoles sont fortes. Au final, l’idée de mérite apparaît à la sociologue comme le paravent des injustices sociales.
"Le Mérite contre la justice", Sciences Po Les Presses, 168 pp., 12 euros