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Peut-on réformer l'école ? Les réponses d'A. Prost, de C. Thélot et de P-Y Duwoye au congrès de l'AFAE

Paru dans Scolaire le samedi 05 avril 2014.

Les ZEP, zones d'éducation prioritaires ont été créées par voie de circulaires et le passage du "vous" au "tu", du "Monsieur" (ou "Mademoiselle") au prénom n'ont été décidés ni voulus par personne, et représentent pourtant un changement considérable dans les rapports des enseignants à leurs élèves. Cette remarque d'Antoine Prost donne le ton de la séance d'ouverture du 36ème colloque national de l'AFAE (Association française des acteurs de l'éducation), hier 4 avril, avec pour thème "Peut-on réformer l'Ecole?". Voici des échos de cette séance au cours de laquelle sont intervenus Pierre-Yves Duwoye, recteur de Versailles, Antoine Prost, historien, et Claude Thélot, président de Commission du débat national sur l’avenir de l’École (2003-2004).

Le premier insiste sur la nécessité de changer pour les 20 % qui ne réussissent pas à l'école, mais "les parents n'aiment pas trop que ça change", du moins les 80 % qui n'y ont pas intérêt, les enseignants sont "inquiets du changement", même s'ils sont dans une "logique d'adaptation", l'administration n'est pas contre le changement, mais elle est "un peu conservatrice", les syndicats "ne sont pas un obstacle au changement", mais ils sont comptables des intérêts de leurs mandants, et non de l'intérêt général. Le ministre l'est en revanche. Rappelant sont attachement à la figure de Jean-Pierre Chevènement, le recteur n'en considère pas moins qu'il faut "dépasser et approfondir" le modèle républicain, et il est partisan de donner "beaucoup plus de marges" aux établissements, dans le cadre d'une "logique de contrat". On pourrait par exemple calculer le service des enseignants en "moyenne trimestrielle", d'autant que la réforme des programmes du lycée permettrait, peut-être, de dégager 4 000 ETP (équivalents temps plein) d'enseignant, et il faudra "aider les enseignements" à utiliser ces marges de manoeuvre nouvelles pour s'adapter à leur public. Mais, ajoute-t-il sur le ton de la boutade, "sous la haute autorité du recteur".

Claude Thélot aussi est partisan de "favoriser au maximum les capacités d'expérimentation", même s'il faut "un cadre national" solide pour assurer l'autonomie des établissements et une "grande politique d'évaluation". Il ajoute qu'on ne change certes pas un système sans les acteurs, ou contre eux, mais pas nécessairement avec "ceux qui se disent leurs représentants". Il faut s'appuyer "au moins autant" sur les "minorités agissantes", non pas pour s'opposer aux syndicats mais pour "compléter", "déborder les représentants syndicaux standards". "Nous ne sommes pas raisonnables de donner à certaines syndicats trop d'importance." On peut aussi, pour sortir du dialogue bilatéral avec les organisations, "en appeler au pays lui-même" comme avec la commission qu'il a présidée.

Antoine Prost, qui a participé à de nombreuses commissions, rappellent que certaines sont "discrètes" et d'autres "visibles", certaines portent sur des problèmes ponctuels, et d'autres sur des questions plus générales, certaines sont là pour élaborer un projet, et d'autres sont de "négociation" sur des projets déjà élaborés, certaines sont "à froid", et d'autres "à chaud", pour "sortir par le haut" d'une crise, mais finalement, tout dépend de la volonté du ministre, "faire quelque chose ou faire du buzz". Quant aux rapports, certains dorment dans les tiroirs, mais d'autres y "fermentent" et "germent", comme le "rapport Thélot".

Son auteur se souvient bien que lorsqu'il l'a rendu au Premier ministre, alors que François Fillon avait succédé rue de Grenelle à Luc Ferry, "on [lui et son équipe, ndlr] a tout de suite compris qu'il allait ne rien faire". La loi de 2005 crée bien un socle commun, mais il a fallu attendre Gilles de Robien pour que le décret sorte. Pour sa mise en oeuvre, dont Xavier Darcos ne voulait pas, elle a été sabotée. Dans son rapport en 2010, le député Jacques Grosperrin note "on remplit les indicateurs [de la LOLF] sur un socle qui n'est pas mis en oeuvre", et dont les enseignants n'ont pas entendu parler. "Il y a quelque chose de pourri rue de Grenelle!" s'exclame l'historien qui regrette que la politique éducative passe par le Parlement et la loi; celles de 75 (loi Haby), 85 (Chevènement), 89 (Jospin), 2005 (Fillon), 2013 (Peillon) n'étaient "pas totalement nécessaires" et elles ont un "effet paralysant" puisque toute modification suppose une nouvelle loi.

Pierre-Yves Duwoye rapporte à ce sujet que lors de l'élaboration de la loi Peillon, deux dispositions ont disparu. L'acquisition du socle aurait pu devenir un droit opposable, et donc les parents des enfants qui ne l'auraient pas acquis auraient pu attaquer l'Etat. Par ailleurs, le champ des expérimentations aurait pu être très largement ouvert par une série d'exceptions aux règles et aux statuts, encadrées par décret. Il semble en regretter l'abandon, mais Antoine Prost marque clairement sa préférence pour "de petites mesures à effets maximaux". Les enseignants pourraient par exemple communiquer en début d'année aux parents le calendrier des devoirs et des évaluations. On verrait ainsi que dans telle classe, on rend une composition tous les 15 jours, contre trois par an dans une autre. C'est que l'historien "soupçonne une détérioration du traditionnel lui-même". Il ne va pas toutefois jusqu'à dire qu'à dire qu'avant de réformer l'école, il faudrait s'assurer de son fonctionnement au quotidien...

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