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PJJ: "L’éducatif doit primer sur le répressif et la PJJ doit récupérer le civil" (Le sénateur Michel à ToutEduc)

Paru dans Justice le mercredi 05 mars 2014.

Jean-Pierre Michel réaffirme la primauté de l’éducatif sur le répressif et demande que la PJJ "récupère le civil" dans le rapport sur l’état de la PJJ, Protection judiciaire de la jeunesse, qu'il a remis à la garde des Sceaux, Christiane Taubira et au Premier ministre Jean-Marc Ayraul. Le sénateur socialiste de la Haute-Saône en détaille les principaux axes.

ToutEduc : Pourquoi ce rapport a-t-il été commandé ?

Jean-Pierre Michel : La PJJ était dans un état de sidération totale et de découragement, notamment les personnels. D’abord pour une raison financière : depuis sept ans le budget de la PJJ avait baissé année après année. Et donc les moyens financiers de la PJJ ne lui permettaient plus de remplir ses missions. Les personnels et les éducateurs devaient choisir, devaient abandonner des dossiers. Deuxièmement, la Cour des comptes avait fait un rapport assez sévère qui avait conduit deux directeurs à revoir totalement l’organisation administrative de la PJJ sur le plan territorial. Et là, il y a eu des regroupements, des éloignements, des suppressions de postes pour des cadres qui ont été évidemment replacés ailleurs mais tout cela a beaucoup traumatisé les personnels. Troisièmement, il y a eu quand même, depuis dix ans, une politique qui tendait à supprimer la justice des mineurs ou le droit des mineurs. On a failli abaisser l’âge de la minorité. On a introduit dans le droit pénal des mineurs toute une série de choses du droit des majeurs : les peines planchers, les comparutions immédiates. On a institué un Tribunal correctionnel des mineurs dans lequel ne figurait plus le juge des enfants. La direction de la PJJ a demandé à ses agents deux choses : de s’en tenir strictement aux mineurs, de ne plus faire d’actions pour les jeunes majeurs et de ne plus agir dans le cadre civil c'est-à-dire dire de la protection de l’enfance.

ToutEduc :  Vous réaffirmez dans votre rapport la primauté de l’éducatif sur le répressif. Quelles réactions cela a-t-il suscité ?

 Jean-Pierre Michel : D’après ce qu’on me dit, les cadres de la PJJ ont été traumatisés par mon rapport parce qu’ils ont appliqué une politique que je critique. En revanche, on m’a dit que les personnels de base, les éducateurs, étaient plutôt satisfaits. Pourquoi ? J’affirme que l’éducatif doit primer sur le répressif pour que les mineurs puissent être insérés ou réinsérés dans la société. Par ailleurs, le fait qu’on ait dit que les éducateurs de la PJJ ne pouvaient plus s’occuper des mineurs au civil, c'est-à-dire de la protection de l’enfance, a provoqué des ruptures. Par exemple, un mineur connu pour commettre de petits délits est suivi par le parquet, par un éducateur. Et puis, le juge décide d’arrêter car la sanction pénale que représentait cette mesure s’arrête. Et là, l’éducateur s’aperçoit que si le mineur a commis une infraction, c’est parce qu’il est en danger, par exemple dans son milieu familial. Lorsqu’on dit que l’éducateur ne peut plus s’occuper du civil, il doit lâcher le mineur complètement. Or il faut que cette mesure puisse être poursuivie.

ToutEduc :  Vous préconisez également de développer l’accueil dans les familles. Pourquoi ?

Jean-Pierre Michel :  Aujourd’hui, nous avons totalement abandonné les familles d’accueil. Mais depuis quelques mois, je vois que les directeurs de la PJJ se remettent en quête de familles d’accueil. Il est vrai qu’il faut les trouver et qu’il faut pouvoir les rétribuer. Il y a beaucoup de réussites dans les familles d’accueil, notamment pour les jeunes qui n’acceptent pas le collectif.

ToutEduc :  Vous étiez plutôt opposé aux CEF, centres éducatifs fermés, auparavant. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?

Jean-Pierre Michel :  J’ai visité plusieurs CEF, à Marseille, dans le nord de la France. J’ai rencontré de bons éducateurs, de bons directeurs. L’aspect psycho-pathologique est pris en compte, avec des psychologues. Il y a des gamins qui ont besoin d’être encadrés et d’être contenus. Pour certains profils, cela fonctionne. En revanche la PJJ manque d’un centre d’urgence et de tri. Ce qui permettrait d’accueillir un mineur quelques jours afin d’étudier quelle est la meilleure solution à lui apporter : mesure de placement en milieu ouvert ou en CEF par exemple.

ToutEduc :   Comment renforcer les liens entre les personnels chargés du suivi de ces mineurs? 

Jean-Pierre Michel :  La réorganisation administrative a éloigné les gens les uns des autres. Du côté des juges des enfants, il y a une très grande défiance vis-à-vis de la PJJ, devenue une administration lointaine, qui n’avait plus de moyens d’agir, donc on allait vers des associations privées. Le rapport préconise de mettre en place, par circulaire, des rencontres au moins trois fois par an, au siège de la Cour d’appel, entre les magistrats, les juges, le procureur, la PJJ, les chefs d’établissements privés qui accueillent des mineurs, l’Education nationale, la Santé, les Conseils généraux. Il faut que tous ceux qui sont, à un titre ou un autre, chargés de suivre ces mineurs, qu’ils soient délinquants ou qu’ils soient en difficulté en sein de leurs familles, puissent discuter des meilleurs parcours à mettre en place dans l’intérêt du mineur lui-même, dans l’intérêt des victimes et de la société.

ToutEduc :  Quelles pourraient être les conséquences de la redistribution du rôle des départements pour l’aide sociale à l’enfance ?

Jean-Pierre Michel :  Pour l’instant, ils sont confirmés dans leur rôle. Lorsqu’il s’agit d’une demande de protection de l’enfance, le signalement se fait au Conseil général. Les personnels de l’aide sociale de l’enfance font alors souvent des signalements directement au procureur. Il ne s’agit pas de mineurs délinquants mais d’adolescents qui se présentent à l’infirmerie tous les matins ou qui sont battus par leurs parents… Il faut que les Conseils généraux puissent jouer leur rôle et qu’ils étoffent leurs personnels, qu’ils recrutent du personnel qualifié. Il faudrait mettre en place une vraie plateforme avec un échange entre l’Education nationale, la médecine scolaire, le parquet, les Conseils généraux… Et faire en sorte que la justice soit saisie seulement si cela ne va pas au civil. La PJJ doit récupérer le civil. Ce n'est pas contradictoire car la PJJ peut suivre un mineur en assistance éducative lorsqu'il est particulièrement difficile ou que les parents s'opposent à la mesure. 

 

 

 

 

 

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