"Comment l'enfant apprend-il à raconter ?" Le dossier de l'ANAE
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture le samedi 08 février 2014.
Comment un enfant apprend-il à raconter une histoire ? Comment acquiert-il le vocabulaire et les structures syntaxiques qui lui permettent de faire un récit ? Le dernier numéro de la revue de l'ANAE (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l'enfant) porte sur les "développements typiques, atypiques" et les "dysfonctionnements" des "récits d'enfants et d'adolescents". C'est que "savoir parler" ne va pas de soi, cela suppose de s'inscrire "au sein d'interactions sociales multiples". Et si "le récit est la plus courante des pratiques" langagières, "son acquisition et sa maîtrise ne vont pas de soi". L'enfant doit être capable "de se détacher de la situation présente et d'envisager un point de vue autre que le sien", il doit "s'approprier les modèles culturels propres à sa communauté".
L'observation d'un enfant très jeune montre qu'il ne se contente pas d'imiter l'adulte. Lorsqu'Anae dit qu'elle "metta" son pyjama, elle "se forge des hypothèses sur le fonctionnement du langage", et elle teste diverses possibilités, ainsi que différentes postures, suivant que sa maman lui lit une histoire, qu'elle se met en position de lire une histoire à sa maman, ou d'en inventer une sur le modèle de celle que son papa a inventée, ou à partir d'un incident de la vie quotidienne, la mort d'un petit lapin... Peu à peu, se met en place "la capacité à construire un récit autonome sans livre et sans l'étayage de l'adulte". La petite fille acquiert, entre 2 et 4 ans, les outils linguistiques du récit, le schéma narratif "se complexifie et se structure", à partir des récits qu'elle entend, et de ses expériences. Marie Leroy-Collombel, conclut à "l'importance d'avoir à sa disposition des modèles" variés et de qualité. "Le contact précoce avec les écrits, reconnu comme un facteur de prévention de l'illettrisme, permet aux enfants de se familiariser avec ce genre de discours particulier (...) et facilitera par la suite leur entrée dans la lecture."
C'est qu'ils ont besoin de "s'appuyer sur les énoncés des adultes pour expérimenter les différents fonctionnements syntaxiques mis en oeuvre dans le discours", mais, montre Emmanuelle Canut, ce n'est pas la quantité, ni le type de discours qui active l'appropriation linguistique, "mais plutôt le caractère adapté de l'interaction qui est à l'origine du déclenchement des tâtonnements de l'enfant". Et cette conclusion interroge "la formation des différents professionnels travaillant auprès d'enfants"; "il conviendrait en effet de vérifier que les intervenants proposent des échanges focalisés à la fois sur le but communicatif et sur les moyens nécessaires à sa réalisation, et dans le même temps de s'assurer que l'interaction proposée anticipe sur le développement [de l'enfant] et le fait progresser en s'appuyant sur les fonctionnements cognitivo-langagiers en cours d'acquisition."
La revue pose aussi la question de la guidance parentale, pour que les parents puissent mieux intervenir auprès de leurs enfants lorsqu'ils sont en difficulté, et Claire Martinot souligne l'importance d'une "stimulation linguistique régulière et ... complexe" pour permettre l'acquisition de structures syntaxiques et logiques complexes.
ANAE, numéro 124, "Récits d'enfants et d'adolescents : développements typiques, atypiques, dysfonctionnements", 39 €, www.anae-revue.com