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"La formation doit travailler sur la relation parents/école. Tout est à construire" (Sébastien Sihr, SNUIPP)

Paru dans Scolaire le jeudi 23 janvier 2014.

"La formation initiale et la formation continue des enseignants devraient travailler de façon approfondie sur la relation entre les parents et l’école, en contact notamment avec des travaux de recherche en sociologie. Tout est à construire", déclare à ToutEduc Sébastien Sihr, le secrétaire général du SNUIPP, syndicat du premier degré de la FSU, à l’issue de son audition ce 23 janvier par la mission d’information sur les relations entre l’école et les parents à l’Assemblée nationale. La formation peut contribuer à faire "travailler sur la posture enseignante" et plus précisément sur la manière de s’adresser aux enfants en ne délégitimant pas les parents des milieux populaires lorsque leurs codes ne sont pas dans la "norme".

En formation, il s’agirait d’acquérir aussi des compétences comme celle de "savoir animer une réunion. Ce n’est ni spontané ni inné", précise le syndicaliste devant les députés. Il propose également la mise en place de "stages de terrain dans d’autres secteurs que la classe, dans un centre social, dans une crèche, auprès d’une association sociale ou d'un service municipal. Pour voir comment travailler avec des partenaires qui le seront tout au long de notre vie professionnelle et qui sont aussi en contact avec les familles." Sébastien Sihr estime également qu’il faut renforcer les collaborations au sein des conseils d’école.

Le modèle d'une école ouverte qui accueille les parents doit être généralisé

"Il faut lever les implicites, les malentendus entre l’école et les parents", souligne Sébastien Sihr, plaidant pour la mise en place d’outils tel qu’un guide pour les parents. Entre les parents et les enseignants, "tout se joue dans le contact du quotidien, lors de des réunions de rentrée quand les familles sont reçues dans la classe. Je crois à la capacité de l’enseignant d’expliquer aux parents ‘voilà ce que l’on va faire cette année avec vos enfants’." Toutefois, il pointe la "nécessité de dégager des lieux pour les parents afin de mettre en place le dialogue". Le syndicaliste explique à ToutEduc qu’une "école ouverte et pourvue de lieux d’accueil pour les parents existe déjà en ZEP. Ceci devrait être valorisé, diffusé et devenir la norme. Aujourd’hui chacun prend des initiatives dans son coin."

"Dans les obligations des services des enseignants, le temps consacré aux rencontres avec les parents est sous-estimé. C’est compris dans les 108 heures de service obligatoire. Ce travail invisible n’est pas assez reconnu." Le syndicaliste donne l’exemple d’un dispositif "intéressant" à Poitiers. Un mercredi sur trois est consacré par les enseignants au travail d’équipe et aux rencontres avec les parents. "C’est une piste."

Aucune étude ne montre de crispation dans les relations entre école et parents

Interrogé à propos des difficultés relationnelles entre les parents et les enseignants, il rétorque qu'il ne connaît aucune étude qui montre qu’il y a une crispation. (...)  Il pourrait y avoir ici ou là des difficultés particulières qui sont relayées par les médias. La judiciarisation, c’est une évolution de la société. L’école n’est pas hors sol. Au quotidien, nous ne voyons pas de défiance apparaître ni de multiplication des conflits. Il ajoute que de nouveaux programmes sont en cours d’élaboration. "On a ici un vrai sujet pour les enseignants et les parents. Il faut que ce que l’école attend en termes de projet soit mieux explicité."

Interrogé sur le ressenti des enseignants de devoir faire face à "des parents difficiles et à une administration qui ne les soutient pas", Sébastien Sihr rétorque  que "ce sentiment (…) est un fait. (...) La dimension des relations avec les parents a évolué parce que la société a changé. Aujourd’hui, les difficultés en matière d’emploi pèsent aussi sur l’école. (…) C’est la seule chance de s’insérer dans la société, d’où la pression sur les enseignants (...) [qui] ont le sentiment que leur métier est dévalorisé et que la société et les parents ne les reconnaissent pas."

Pour ce qui concerne les devoirs, Sébastien Sihr estime qu’il faut "arriver à ce que l’école (les) encadre mieux tout en limitant le travail à la maison. Dans le cadre de la réflexion sur les nouveaux programmes et le temps scolaire, nous aurons intérêt à creuser la question de savoir comment dégager un temps consacré à aider les enfants à apprendre à apprendre."

Eviter une vision misérabiliste des familles populaires

Les enquêtes sociologiques démontrent que la thèse de parents issus de classes populaires désinvestis de la scolarité de leurs enfants est fausse, affirme Séverine Kakpo, maître de conférences à l’Université Paris-8, également auditionnée. "La norme qui s’est imposée est qu’il faut aller le plus loin possible, décrocher le bac, faire des études supérieures. L’espoir de ces familles est de voir ces enfants réussir et échapper aux métiers d’exécution. Il faut se garder de fonder des politiques éducatives sur une vision qui serait misérabiliste des familles populaires."

La sociologue pointe leur "mobilisation" autour des devoirs. Elle cite une étude de l’INSEE selon laquelle 95 % des familles aident les enfants de l’école primaire, pourcentage qui ne varie pas en fonction du milieu social. Dans le cadre de sa thèse, elle rappelle avoir suivi 20 familles dont les enfants sont scolarisés en ZEP. "Mes travaux montrent que les parents s’investissent, ils rentrent dans les contenus de l’enseignement et s’engagent dès qu’ils le peuvent dans un travail de réexplication. Ce qui transforme la maison en annexe de la classe." En revanche,  les devoirs exposent les parents à un risque de disqualification: "A partir de la 6e, ils sont confrontés aux choses dont ils ne comprennent plus le contenu. Et l’aide des parents les moins diplômés baisse à ce moment là, alors que celle des autres augmente." Quant aux dispositifs d’aide aux devoirs, ils sont jugés "insuffisamment individualisés" par les parents.

Ces derniers développent une certaine défiance par rapport à l’école et portent un regard critique sur les conceptions pédagogiques dominantes. "Les parents utilisent des méthodes de type syllabique qu'ils ont connues eux-mêmes pour l'apprentissage de la lecture. Ils sont familiers d’un système qui attend de l’élève de réciter et de restituer un savoir." Selon la sociologue les parents issus de milieux populaires, "accusent l’école d’être insuffisamment exigeante". C'est pourquoi ils se tournent parfois vers l’enseignement privé. 

 

 

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