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Mères voilées, crèches, laïcité : le Conseil d'Etat se borne à "l'état actuel du droit" et ne fait "aucune proposition"

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice, Orientation le mardi 24 décembre 2013.

Saisi par le Défenseur des droits, le Conseil d'Etat a rendu hier une étude qui se borne à présenter "l'état actuel du droit" et qui "ne comporte par suite aucune proposition de modification de cet état du droit, laquelle peut être décidée par les autorités compétentes". Le texte de cette étude, d'une trentaine de pages, peut être téléchargé sur le site du Défenseur, mais, selon des échos recueillis par ToutEduc, les commentaires publiés depuis qu'elle a été rendue publique n'en prennent pas en compte la complexité. En voici donc les principales articulations logiques.

La lettre de saisine signée par Dominique Baudis fait explicitement référence au "dossier Baby Loup", moins explicitement aux mères accompagnatrices de sorties scolaires, mais elle porte sur la définition de la frontière entre les "missions de service public" et les "missions d'intérêt général" et sur la "notion de collaborateur occasionnel du service public".

Casuistique

L'étude pose des principes généraux. La Cour européenne des droits de l'Homme a une "approche casuistique", "au cas par cas", du caractère "nécessaire et proportionnée" des restrictions qui peuvent être apportée à "la liberté de manifester sa religion ou ses convictions". Les agents du service public "bénéficient de la liberté de conscience", et c'est ainsi que "l'accès d'un agent au statut d'ecclésiastique ne permet pas son exclusion pour ce seul motif", ou que des aménagements du temps de travail peuvent être autorisés au nom de la liberté religieuse. Mais cette liberté doit "être conciliée avec les exigences particulières découlant des principes de laïcité de l'Etat et de neutralité des services publics", et "le fait que le service public soit confié à une personne privée ne change pas la nature des obligations inhérentes à l'exécution sur service public".

L'étude relève ensuite qu'il existe des exceptions à ces principes. C'est ainsi que "les établissements d'enseignement privé sous contrat doivent accepter les élèves de toutes les confessions et garantir leur totale liberté de conscience", mais qu'ils "peuvent conserver un caractère propre". De même, la loi de 1905 autorise "les dépenses publiques relatives à des services d'aumônerie", et les aumôniers militaires sont des agents publics. Des structures à vocation religieuse peuvent se voir confier des missions de service public, mais elles ont l'obligation de traiter également tous les usagers et de ne faire aucun prosélytisme.

 Des entreprises de tendance

Hors service public, des restrictions à la liberté de manifester ses opinions "ne peuvent être justifiées ni par la laïcité de l'Etat, ni par la neutralité des services publics", mais elles peuvent l'être "par la nature de la tâche à accomplir, à condition d'être proportionnées". Le Conseil d'Etat évoque le cas particulier d'employeurs "tels que les Eglises" et autres "entreprises de tendance", une notion "qui ne trouve à ce jour qu'une reconnaissance doctrinale, inspirée de quelques précédents jurisprudentiels".

Le Conseil d'Etat délimite par ailleurs très clairement la frontière entre service public et missions d'intérêt général, même si, "selon qu'elles sont ou non prises en charge par une personne publique, [celles-ci] sont un service public ici, mais ne le sont pas nécessairement là". Autrement dit, ce n'est pas la nature de la mission qui définit le service public. Lorsqu'un service public n'est pas assuré par une personne publique, la personne publique doit en assurer le contrôle, la personne privée détenant des "prérogatives de puissance publique" pour une mission d'intérêt général. C'est le cas par exemple de l'Association française pour le nommage Internet. La personne publique dispose de pouvoirs de contrôle et des moyens "de définir les objectifs poursuivis, de préciser le contenu des prestations offertes, de vérifier la façon dont l'organisme privé assume la satisfaction des besoins ainsi identifiés (...)".

Les crèches sont, ou ne sont pas, des services publics

C'est ainsi que les crèches créées par des communes sont des services publics, et qu'elles restent des services publics si leur gestion est confiée à un tiers, mais que le fait pour une commune d'autoriser la création d'une structure d'accueil de la petite enfance et de la subventionner ne fait pas que leurs agents "exercent des missions de service public": "une activité d'intérêt général, alors même qu'elle pourrait constituer un service public si elle était assumée par une puissance publique, n'est pas soumise aux règles et principes du service public lorsqu'elle est uniquement subventionnée et réglementée". 

"L'exigence de neutralité religieuse justifie, à l'égard des agents du service public, une interdiction de manifester leurs croyances ou leur appartenance à une religion dans l'exercice de leurs fonctions", mais cette exigence doit "être conciliée avec le principe de proportionnalité" et elle ne s'applique pas aux usagers. Or, ajoute le Conseil d'Etat, "il n'existe pas de catégorie juridique pertinente entre l'agent et l'usager", dont les membres "seraient soumis à cette exigence". Toutefois, "une obligation de neutralité religieuse (...) [peut] résulter soit de textes particuliers, soit de considérations liées à l'ordre public ou au bon fonctionnement du service".

Les collaborateurs occasionnels

La théorie des "collaborateurs occasionnels des services publics" est "purement fonctionnelle", précise l'étude qui donne comme exemple l'indemnisation des personnes qui ont subi un dommage "en prêtant un concours occasionnel" au service public, ou des remboursements de frais. Des restrictions à la liberté de manifester leurs opinions "peuvent résulter de textes particuliers" ou "de considérations liées à l'ordre public ou au bon fonctionnement du service". Ces personnes doivent évidemment "s'abstenir de toute forme de prosélytisme" et "les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l'éducation peuvent conduire l'autorité compétente, s'agissant des parents d'élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s'abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses". Mais, plus généralement, en considérant également le service public hospitalier ou les audiences des cours d'assises. "la liberté reste la règle" et "seules les restrictions strictement proportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent peuvent être admises". Ce sont donc "les circonstances de fait" qui sont "déterminantes.

L'étude du Conseil d'Etat ici

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