"Maîtrise de la langue" : l'amour de la langue passe par l'ouverture de l'école (Inspection générale)
Paru dans Scolaire le dimanche 08 décembre 2013.
"En deux décennies, une véritable révolution culturelle s’est opérée à l’École. Les enseignants n’ont plus revendiqué l’exclusivité de la responsabilité éducative et (...) ils ont ressenti pour beaucoup le besoin d’ouvrir l’école sur l’extérieur." Ce constat est au coeur du rapport des inspections générales "lettres" et "enseignement primaire" sur "l’évaluation des retombées des actions partenariales et innovantes sur la maîtrise de la langue" que le ministère vient de mettre en ligne.
Pour ses auteurs, "une nouvelle génération de professeurs a éprouvé la nécessité de s’associer à d’autres institutions de la cité pour conduire des projets communs et enseigner 'autrement' (...) [tandis que] différents acteurs de la cité (...) ont souhaité prendre leur propre part à la responsabilité éducative", qu'il s'agisse des institutions culturelles, des collectivités territoriales, ou des entreprises privées. Ils citent "de grandes actions nationales" comme le Goncourt des Lycéens ou les Timbrés de l’orthographe et des partenaires majeurs avec d'autres ministères, avec une chaîne de télévision, avec les CEMEA ou la Ligue de l’enseignement, Lire et faire lire, Agir pour l’école... mais aussi, sur le terrain, "une myriade d’autres partenaires possibles", "une compagnie théâtrale, une bibliothèque, une association militante, une université (...), un institut spécialisé (...), un musée, une radio, un journal local, un Rotary club, une librairie, une association des amis de tel écrivain ou de tel personnage local illustre, la MAIF et sa section départementale, une maison des jeunes et de la culture, un foyer rural, etc."
La langue n'est pas une activité scolaire
Et pour l'inspection générale, ces partenariats sont les bienvenus : "Une langue existe-t-elle en dehors de ceux qui la parlent, des territoires où elles relient les hommes à leur histoire ?" Le partenaire, par sa seule présence, aide les élèves à comprendre "que la langue n’est pas une activité scolaire, artificielle (...), qu’elle sert à s’exprimer, réellement, et qu’elle ne sert pas seulement à être évalué". Il s'agit "de retrouver 'l’amour de la langue', en situation, amour préalable à toute 'maîtrise', si jamais elle existe..." Le rapport liste d'ailleurs toutes les "strates", "du déblocage psychologique au travail sur la langue", des bénéfices d'actions qui permettent aux élèves de dépasser "la triste fiche de lecture" et autres exercices solaires. "La langue officielle de l’école leur reste ainsi le plus souvent extérieure (...) La grande vertu des actions partenariales et innovantes est (...) de relégitimer 'la langue de l’ école', en faisant l’expérience en situation qu’elle est aussi la langue naturelle des échanges sociaux (...) Le destinataire du travail n’est plus seulement le professeur, mais les camarades, voire un public réel. L’enjeu n’est pas la sanction de la note, mais la réussite sociale, artistique ou culturelle du projet."
Ces principes posés, les inspecteurs n'ignorent pas les difficultés et ils évoquent le "vieux fond de méfiance" entre des artistes qui jugent les enseignants "trop scolaires" et des professeurs qui estiment que leurs partenaires font "n’importe quoi", "lorsqu’il s’agit d’une mise en œuvre 'clef en main' d’un dispositif pensé à une autre échelle que celle de l’établissement". Ils laissent aussi entendre que certains organismes culturels s’adressent "aux scolaires pour bénéficier de financements directs dans le cadre de politiques sectorielles". Ils évoquent encore, mais sans porter de jugement de valeur, les actions menées par des associations comme "Agir pour l'école" pour l'évaluation de méthodes d'enseignement de la lecture.
D'autres compétences que langagières
Il faut pourtant que ces partenariats soient évalués. Ils ne touchent pas que la maîtrise de la langue et les réussites des élèves peuvent aussi "contribuer à valider des compétences du socle commun" en ce qui concerne notamment "l’autonomie, l’initiative, la vie sociale". Il convient donc de "réaffirmer l’importance d’actions partenariales spécifiquement centrées sur la maîtrise de la langue (...), d' "intégrer des pratiques visant à la maîtrise de la langue aux parcours culturels et artistiques des élèves", de "limiter le nombre des opérations nationales à quelques partenariats majeurs" et d' "encourager à construire localement, selon les ressources disponibles, des parcours stables pour les élèves".
Le rapport "Evaluation des retombées des actions partenariales et innovantes sur la maîtrise de la langue" est téléchargeable ici