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Lutte contre le décrochage : les inspections générales demandent "des changements pédagogiques de fond"

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mercredi 04 décembre 2013.

"Le décrochage scolaire est une problématique commune à tous les systèmes éducatifs", "l’école doit interroger son fonctionnement pour savoir comment (...) diplômer davantage d’élèves, donc en faire réussir davantage". Elle doit aussi "collaborer mieux avec d’autres services publics" et avec les associations complémentaires. Ce sont les principaux éléments qui ressortent d'un rapport des deux inspections générales, que le ministère de l'Education nationale vient de publier et titré "Agir contre le décrochage scolaire". Son sous-titre, "alliance éducative et approche pédagogique repensée" est explicite.

Le rapport met en avant les problèmes humains liés aux sorties sans qualification, mais aussi "le coût économique" des NEET (Not in Education, Employment or Training, ni à l'Ecole, ni en emploi, ni en formation). Il représenterait en 2011 quelque 1,1 % du PIB français soit 22,1 milliards. Il pointe aussi les difficultés d'évaluer le phénomène : "Entre 2008 et 2010, 65 000 des sortants de formation initiale ne détenaient aucun diplôme et 57 000 ne détenaient que le DNB. Les deux chiffres ajoutés représentent 17 % d’une cohorte. Cet indicateur est relativement constant. Le deuxième indicateur dit 'des sortants précoces' correspond à la définition arrêtée au niveau européen (...) Il s’agit des jeunes âgés de 18 à 24 ans qui ne disposent d’aucun diplôme ou uniquement du brevet et qui ne poursuivent aucune étude ni formation (...) Cet indicateur est relativement stable" et correspond à quelque 600 000 jeunes de 18 à 24 ans (11,4 à 12,6 % des jeunes de cette tranche d'âge). Les inspecteurs s'interrogent sur la comptabilisation par le SIEI (système interministériel d'échange d'informations) de jeunes "ayant obtenu un CAP ou un BEP mais échouant au baccalauréat professionnel ou abandonnant cette formation". Faut-il les considérer comme des décrocheurs ? De plus, le calendrier du SIEI n'est "pas vraiment opérationnel".

Les dispositifs de prévention ou de remédiation 

Les inspecteurs généraux passent aussi en revue plusieurs dispositifs de prévention ou de remédiation. Le LYCAM (le LYCée ÇA M’intéresse) "est un dispositif né au Canada dans les années 1990 et qui a fait son apparition en France au début des années 2000. Plusieurs académies s’en sont emparées (...) Il permet un recensement précoce des élèves susceptibles d'abandonner l'école et une mise en place d'actions en fonction du besoin de soutien repéré." En ce qui concerne les PRE (programmes et projets de réussite éducative), le rapport souligne que deux points importants "n’ont pas encore été franchement réglés ni stabilisés : celui du pilotage du programme dont se sont emparé plutôt les municipalités, et la place ainsi que les modalités de participation des équipes enseignantes à ces programmes".

Les GAIN (groupes d'aide à l'insertion) "sont des cellule de veille mises en place sous la direction du chef d'établissement (...) Des GAIN de bassin ont permis d’élargir les ressources mobilisables. Mais leur organisation, leur fonctionnement, l’absence peut-être aussi de pilotage et de véritable projet et la mise en place d’autres instances parallèles qui ont pris sur le temps déjà contraint des membres qui y siègent, ne sont-ils pas venus à bout d’un dispositif prometteur au début ?"

Le fonctionnement de l'institution en cause

En ce qui concerne les dispositifs relais, "la vraie difficulté et la principale faiblesse du fonctionnement actuel restent le retour dans l’établissement d’origine ou dans un autre établissement. Dans les deux cas, l’élève n’est pas ou n’est plus attendu et son accueil n’est pas préparé. Tout s’organise comme si le dispositif n’avait de relais que le nom." Les résultats des ESPI (établissements scolaires publics innovants, les "micro-lycées" le plus souvent) sont "encourageants". Le regard porté sur les MGI (missions générales d'insertion) est sévère : "La moitié des personnels affectés à la mission d’insertion sont des contractuels, ou d’anciens contractuels qui ont pu être intégrés dans la fonction publique au travers de l’accès au concours interne du CAPES ingénierie de la formation. Cet aspect des ressources humaines exprime bien une réalité sombre qui fait que cette mission implique très peu d’enseignants et qu’elle leur est extérieure." Il l'est à peine moins sur le dispositif qui vient d'être mis en place, FOQALE :"il n'est pas certain que la mobilisation des places vacantes ne produise pas de nouveaux décrochages. En effet, les places vacantes se rencontrent le plus fréquemment dans les filières où le taux de pression est le plus faible, signe d’un désintérêt des élèves pour ces formations."

Le portail EDUSCOL n'est pas épargné : il propose quelque 120 fiches de présentations d'innovations intéressantes parmi lesquelles seuls 25 % "répondent à la problématique du décrochage". Certaines sont "de vrais trésors", mais "un utilisateur du site Eduscol a-t-il une chance de trouver, dans les cent-vingt fiches, celles qui lui apporteront des éléments de réflexion et d’action après avoir éliminé toutes les fiches qui sont autant de fausses pistes ?"

Le fonctionnement des établissements et des enseignants

Les inspections évoquent aussi l'attitude de certains enseignants, qui se désintéressent des efforts entrepris pour lutter contre l’absentéisme ou pour remobiliser un élève. Elle dénoncent l'absence de concertation entre la vie scolaire et les professeurs : "un élève, convaincu par le CPE d’aller en cours malgré son retard à la première heure de cours (...), est exclu de ce cours par l’enseignant à cause de ce même retard ; les efforts des uns sont annulés par les autres".

De même entre établissements : un collège ECLAIR constate que "tous les efforts d’accompagnement, de renforcement de la confiance et de l’estime de soi faits pendant quatre ans sont effacés brutalement en quelques semaines" quand leurs élèves arrivent dans le lycée de centre-ville. Quant à "l'usage abusif de l’exclusion", il représente "un manquement à une obligation légale".

Mais l'inspection va plus loin, elle demande "des changements pédagogiques de fond" quand elle souligne que "l'introduction du socle à côté du brevet n’a pas changé grand-chose à la perception de la réussite scolaire chez les enseignants (...) Tout le cursus scolaire traditionnel repose sur les compétences hypothético-déductives, qui continuent à identifier le modèle de réussite à la française (classes préparatoires). Tous ceux qui peinent donc à s’exprimer à l’écrit, qui sont rassurés par l’apprentissage des leçons et la répétition des exercices déjà rencontrés, sont fragilisés, sans pouvoir trouver à se rassurer par leur maîtrise d’autres compétences, d’autres habiletés." Le système de notation français est également épinglé.

Des établissements et des enseignants pourtant...

Et pourtant certains établissements ont su remettre en cause leur fonctionnement, tel ce collège dont les enseignants "ont approuvé à 70% le passage à des séquences de 1,20 heure. Conséquences : moins de mouvement dans l’établissement, moins de récréations, des cartables allégés, des emplois du temps plus simples à élaborer, moins d’heures en études, finalement un climat scolaire plus apaisé." Dans un autre, "un dispositif associe aux personnels éducation nationale un psychologue clinicien et des éducateurs de quartier relevant de l’aide sociale à l’enfance".

Les inspecteurs se sont rendus dans une vingtaine d’établissements signalés comme "innovants en matière de prévention de l’absentéisme et du décrochage" et "les observations permettent de faire émerger des traits communs (...) : volonté de prendre en compte la personne chez l’élève, organisation d’un tutorat, aide scolaire spécifique , aménagement du temps scolaire, croisement de diverses professionnalités autour de l’élève, relation avec les parents."

Les associations complémentaires

L'école publique en effet "ne peut agir seule" et elle doit "travailler en plus grande collaboration avec des services publics qui ont en charge les domaines sociaux, de l’emploi et de la formation ou encore de la justice". Elle doit aussi travailler avec les "nombreuses associations complémentaires à l’école qui se sont engagées dans la prévention du décrochage ou la contribution au raccrochage", la Ligue de l’enseignement, les CEMEA, les Francas, les PEP, la FOEVEN, l'UPCA, la Fondation d’Auteuil. "L’expertise de ces associations est bien réelle et se fonde sur des approches éprouvées dont il importe qu’elles puissent les faire partager aux équipes enseignantes." Et les inspections demandent qu'elles participent à la formation initiale des enseignants dans les ESPE comme à la formation continue des équipes d’établissement.

 Loi Ciotti

Le rapport, daté de juin 2013 est complété par une note de 13 pages, datée de novembre 2012 sur la mise en oeuvre de la "loi Ciotti" destinée à lutter contre l’absentéisme. "Là où les dispositions ont été mises en œuvre, l’écart entre le nombre de premiers signalements et celui des demandes de suspension traduit une efficacité des avertissements donnés, des actions entreprises et des rencontres avec les parents quand elles ont pu avoir lieu (...) S’agissant des élèves du primaire et du collège, le dialogue avec les familles le plus en amont possible du comportement absentéiste est efficace (...) S’agissant des élèves de lycée où le phénomène est beaucoup plus important, la loi Ciotti n’est pas appliquée. Son abrogation n’aura donc pas de conséquences."

Le rapport (146 p.) ici

 

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