La lettre
Paru dans La lettre le jeudi 03 septembre 2009.
Le fait marquant de ces derniers jours est, bien évidemment, la mise en scène médiatique de la rentrée scolaire, avec ses traditionnelles conférences de presse, où le ministre annonce toujours que tout va bien, et où les syndicats promettent d'en découdre. Cette année, ni les uns, ni les autres ne sont crédibles, et la nouveauté est qu'ils le savent.
Côté "rue de Grenelle", le plus intéressant était, comme toujours, dans les coulisses. Les hauts fonctionnaires, interrogés par les journalistes, expliquaient essentiellement qu'ils n'avaient pas fini de faire les fonds de tiroir pour récupérer des enseignants, et que la machine continuerait de fonctionner malgré la réduction des recrutements. Chacun sait que seule une réforme en profondeur du lycée, notamment des options, permettrait de récupérer effectivement des postes, mais chacun sait aussi que la réforme n'ira pas jusque là, parce que ce serait un casus belli pour tous les "élitistes républicains" de Gauche et de Droite. Un autre haut fonctionnaire, qui se définit comme un "agitateur d'idées", regrette sans le dire trop fort, le temps où cela avait un sens, d'agiter des idées.
Est-ce à dire que Luc Chatel n'en a pas? Les syndicats en sont convaincus. Pour le SNES, "il semble peu au fait des problèmes". Il botte en touche dès qu'une question est un peu pointue, il évite tous les mots qui fâchent, et nous avons le choix entre deux hypothèses. a) Il n'a aucun projet. Contrairement à Xavier Darcos, qui avait une idée claire de ce qu'est l'Ecole vue de Droite, il arrive en terrain inconnu, avec trois missions, faire passer sans trop de grèves le prochain budget, faire une réforme des lycées que le président pourra verser à son bilan, mais sans mettre dans la rue les lycéens au moment des régionales, et pour le reste, c'est à dire le premier degré, calmer le jeu en évitant de faire des désobéïssseurs des martyrs qui cristalliseraient le mécontentement latent. b) Le ministre est un vrai politique, et il se donne du temps et des marges de manoeuvres. Pour quoi faire? Il est trop tôt pour tenter de le deviner (sur sa conférence de presse, lire ToutEduc et sur le caractère cosmétique de la réforme du lycée, le point de vue du SE-UNSA).
Côté syndical, c'est le calme plat. On sent bien que les enseignants sont "moroses", et démotivés. Ils ne sont pas prêts à se battre pour autant. Le budget sera voté en novembre, mais les suppressions de postes ne se feront sentir que l'année suivante. Ce n'est pas mobilisateur. On lance donc quelques ballons d'essais, sur les remplacements par exemple, au risque de faire de mauvais procès.
Deux sujets ressortent pourtant. La fin des IUFM. Il est à peu près acquis que les concours, donc la formation des futurs professeurs des écoles et de ceux qui officieront dans les lycées et collèges répondront à deux logiques différentes. Or la grande ambition des IUFM était justement de créer des ponts entre le premier et le second degrés. Ceux qui refusaient qu'on mélangeât les torchons et les serviettes ont gagné. La grippe A. Pour l'heure, personne n'a peur du virus, mais de son voisin. Les enseignants craignent que les parents viennent les trouver en s'exclamant "quoi! Les enfants ne se lavent pas les mains trois fois par jour et n'ont pas de serviettes en papier pour se les essuyer?" Mais on n'installe pas des batteries de lavabos en quelques semaines. Quant aux rouleaux d'essuie-tout, c'est idéal pour faire des méga-serpentins. Le ministère a ses brochures, il pourra dire qu'il a fait ce qu'il devait. Pour le reste, au terrain de se débrouiller. Les élus locaux ont très peur que cela leur retombe sur le dos, d'autant que l'Etat ne s'adresse pas à eux, comme s'il n'avait pas besoin d'intermédiaires.
L'essentiel se joue peut-être du côté de la société civile. L'émergence d'une association comme "Zup de co", qui entend mobiliser les énergies pour aider les enfants de milieu défavorisé au collège, le succès de l'APFEE, qui développe ses "Coups de pouce CLE" pour aider ces mêmes enfants au cours préparatoire, en sont des signes, de même que la création annoncée d'un "comité de liaison des associations partenaires de l'Ecole" ou la volonté affichée par la Ligue de l'enseignement d'accompagner l'Ecole elle-même. Citons encore l'arrivée d'un nouveau magazine, qui comble le vide laissé par le regretté Monde de l'Education, et qui entend créer un lien entre les enseignants et les parents, et l'ouverture d'un site pour éduquer aux médias, lancé par un enseignant quand le minisstère allège son dispositif sur le sujet, et d'un autre "question-collège", qui donne la parole à toutes les personnes concernées. Ajoutons-y la seconde édition de la journée du refus de l'échec scolaire. Ce ne sont que des signes épars, comme quelques hirondelles qui arriveraient à contre-saison, mais qui annonceraient une volonté diffuse de ne pas laisser les individus face à l'Etat, et de retisser du lien social pour permettre des médiations (lire aussi l'information sur la place des jeunesau Conseil économique et social).
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