L'innovation pédagogique n'est pas considérée comme "un levier" pour le changement (inspections générales)
Paru dans Scolaire le mardi 29 octobre 2013.
"Nous avons beaucoup de difficulté en France à penser que les initiatives innovantes puissent s’inscrire dans le cadre d’un projet politique global ou d’un cahier des charges national." La formule, prudente, des inspecteurs généraux dont le ministère publie le rapport sur "le recours à l'expérimentation par les établissements" scolaires tel qu'il est autorisé par la "loi Fillon" de 2005 et son "article 34" est illustrée parfois cruellement dans le détail. C'est ainsi que la Corrèze et les Landes ont fourni massivement des "portables" ou des "tablettes" aux collèges "en faisant le pari que ces nouveaux matériels constitueraient les environnements de travail de demain" et qu'ils allaient par eux-mêmes modifier les usages. L’entrée a été "l’innovation technologique et non l’innovation pédagogique". Mais la confusion est aussi patente au sein de l'Education nationale, comme le montre son "expérithèque" dont les responsables ont "une interprétation très différente, selon les lieux et les contextes locaux", de ce qui relève ou ne relève pas de cet article 34 (devenu l'article L. 401-1 du code de l'éducation).
Plus grave, l'innovation n'est pas dans la culture de l'administration, "un certain nombre de responsables interrogés ont montré une forme de scepticisme, pour ne pas dire une méfiance affirmée à l’égard des projets expérimentaux", tandis que "la créativité des équipes (...) se heurte très vite, et à tous les niveaux, à des organisations, à des programmes et à des horaires" déterminés par les textes officiels. Quant aux enseignants, ils "disent être saturés d’injonctions paradoxales" entre différenciation pédagogique et respect des programmes, évaluation sanction et évaluation formative... "La conséquence de tout cela est une forme d’immobilisme à plusieurs étages" alors que l'innovation ne sera "un véritable levier de ce changement" que si la communauté éducative accepte "l’idée d’une rénovation en profondeur des dispositifs traditionnels d’enseignement".
Les deux inspections générales demandent "une réelle marge de manœuvre et d’entraînement" pour les chefs d’établissement, mais aussi "une clarification des concepts et du cadre", une meilleure coopération avec la recherche universitaire, et des dynamiques "impliquant les partenaires locaux, dont les projets ne peuvent être en concurrence avec ceux de l’Éducation nationale".
Le rapport est accessible ici