Archives » Recherches et publications

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Egalité filles/garçons : le gouvernement ne se donne pas les moyens de ses ambitions (inspection générale)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 14 août 2013.
Mots clés : égalité, budget, inspection générale, enseignants, pédagogie, ABCD

"Les perspectives budgétaires annoncées seront difficilement compatibles avec les ambitions affichées de la nouvelle convention pour l’égalité filles / garçons à l’école". Dans un rapport publié fin juillet, l'inpection générale de l'éducation nationale s’interroge sur l'efficacité de la convention signée le 7 février dernier dans le cadre de "l’année de mobilisation ‘pour l’égalité entre les filles et les garçons à l’école’". Elle risque de s’inscrire dans la continuité des conventions interministérielles précédentes, signées en 1984, 2000, 2006. Depuis 30 ans, des "actions fortes" ont été lancées, mais elles ont débouché sur des "progrès limités" car "l’école ne s’est pas donné les moyens d’appliquer cette politique de manière continue et systématique, à tous les niveaux du système d’éducation".

Actuellement, ces moyens restent insuffisants. Selon l'IGEN, les délégués régionaux aux droits des femmes et à l’égalité (DRDFE) comme les chargés de missions "sont en général très motivés mais manquent de temps, de moyens et de relais". La mission interministérielle "prévention des discriminations et égalité filles-garçons", qui fait suite à la mission "égalité-parité", a été "très dynamique" mais "n’a pas pu se doter vision précise des politiques académiques du fait de la faiblesse de ses moyens".

Dispersion

Les inspecteurs saluent le volontarisme des acteurs éducatifs mais regrettent le manque de cohérence et de visibilité de leurs initiatives. Les nombreuses actions menées ne suffisent pas à "créer une dynamique permettant des avancées plus décisives" car "la discontinuité et la dispersion des politiques ne permettent pas une action continue et cohérente".

Par exemple, la question de l’égalité filles/garçons est "un angle mort" du premier degré, alors même que "des IEN s’en saisissent, que des écoles s’organisent pour en tenir compte, que des professeurs des écoles conduisent des actions éducatives très pertinentes en faveur de l’égalité, que des associations interviennent". Pourquoi ? Car "aucune vue d’ensemble ne se dégage, aucune politique cohérente ne paraît mise en oeuvre, que ce soit au niveau national, académique ou départemental" et "les missions académiques égalité filles-garçons n’ont pas de vision ni de moyens d’action sur le premier degré".

Plus généralement, les inspecteurs soulignent "la difficulté de connaître la situation réelle de l’égalité entre filles et garçons dans les écoles et les établissements, les actions qui y sont menées et leurs résultats". Cette connaissance, "très lacunaire" au niveau académique, "n’existe pas" au niveau national. "Sur l’ensemble de la politique de l’égalité filles-garçons, très peu de bilans sont évoqués", regrette l’IGEN, pour qui "la question de l’évaluation des actions et des critères à appliquer reste posée". L’égalité filles garçons n’est pas inscrite dans le référentiel des programmes, ni dans les contrats d’objectifs des établissements, "ce qui permettrait pourtant de développer une culture commune et des indicateurs de suivi".

Les partenariats noués par les établissements avec des intervenants extérieurs ne sont ni définis, ni évalués par l’administration centrale. "Le suivi de ces conventions au niveau national ne semble guère organisé" et la place des associations dans l’espace scolaire est "mal définie", selon les inspecteurs. "Leur nombre, leur spécialisation, leurs approches spécifiques, leurs compétences pédagogiques inégales et malaisément identifiées dans les procédures d’agrément, ne facilitent pas la conciliation de leurs objectifs, si respectables soient-ils, avec ceux de l’école".

Effets contre-productifs

Dès lors, les partenariats entre les établissements et ces intervenants extérieurs peuvent déboucher sur "des réussites exemplaires", mais aussi, à l’inverse, avoir "des effets contreproductifs auprès d’enseignants et d’élèves". L’action des associations peut ainsi "poser problème si ces interventions ne sont pas articulées avec le projet d’école ou d’établissement et les projets pédagogiques des enseignants, si elles sont artificiellement plaquées comme autant d’actions ou de moments ponctuels dans le temps de la classe, de l’école ou de l’établissement, les enseignants demeurant à l’écart".

Pour les inspecteurs, "il est nécessaire que l’ action des associations puisse être cadrée, suivie et évaluée, en accord avec les services ou collectivités qui financent, que leur plus-value pédagogique soit garantie, que la coopération avec les équipes enseignantes soit systématique, celles-ci devant garder la maîtrise du projet". L’intervention des associations doit s’inscrire "dans une politique académique clairement définie" afin de faciliter la mutualisation d’ "actions et outils souvent d’excellente qualité mais mal connus."

La construction d’une politique cohérente passe, selon l’IGEN, par la mise en place de plusieurs outils de suivi. Son rapport recommande "la création d’une instance telle qu’un observatoire national de l’égalité entre filles et garçons dont la mission serait d’identifier les réussites mais aussi les obstacles à la promotion de l’égalité et du respect mutuel", l’élaboration de "statistiques sexuées portant sur les résultats scolaires, les orientations, les redoublements, les signalements, les sanctions, les absences, la fréquentation du CDI", ainsi que la mise en place d’un "système d’information permettant d’établir une typologie des violences en milieu scolaire incluant les violences à caractère sexiste".

Avant de lancer ces nouveaux chantiers, les acteurs pourraient mieux exploiter les "excellents outils" déjà en place, qui permettent de "préparer et cadrer les interventions en milieu scolaire". L’IGEN salue ainsi la "grille d’observation des relations de genre" réalisée dans l’académie de Créteil, qui pourrait "servir de support aux formations des enseignants et des inspecteurs et être exploité dans le premier comme dans le second degré". Les chefs d’établissements, eux, pourraient tirer profit d’une généralisation du "mémento" mis en place par certaines académies franciliennes.

Manque de pédagogie

Enfin, les inspecteurs plaident pour replacer les enseignants au cœur des politiques menées en faveur de l’égalité filles/garçons. "Investie dès l’origine sur le champ de l’orientation, puis sur celui de la vie scolaire à travers l’exigence de citoyenneté, la question de l’égalité entre filles et garçons reste encore largement extérieure à celui de la pédagogie", regrette l’IGEN.

Or "éduquer à l’égalité, ce n’est pas seulement actualiser des textes, relancer des dispositifs et les faire mieux connaître, renforcer le pilotage, mieux former les personnels. C’est surtout faire classe différemment, évaluer autrement, mettre en oeuvre des compétences laissées en jachère dans et hors la classe".

Pour intégrer ce thème dans une dimension pédagogique, les inspecteurs proposent d’ "organiser le dialogue avec et entre les élèves, faire travailler ensemble les élèves dans une pédagogie de projet, en veillant à une distribution des groupes qui ne soit pas ‘spontanée’ ; les évaluer sur la maîtrise de compétences et non seulement sur des performances, en valorisant et en évaluant les compétences civiques et sociales du socle commun (l’utilisation des outils numériques permettant une pédagogie moins frontale pourrait y contribuer)".

L’efficacité de la nouvelle charte en faveur de l’égalité filles/garçons dépendra donc en grande partie de la sensibilisation des inspecteurs de l'éducation nationale. L’intégration de cet enjeu dans les inspections est "une condition majeure de l’efficacité d’une politique de l’égalité qui ne soit pas restreinte à l’orientation, à la vie scolaire ou à l’éducation à la sexualité, mais qui soit aussi investie d’une dimension pédagogique".

Selon Patrick Bacry, de la Mission égalité filles-garçons de l’académie de Créteil, la formation des enseignants et des inspecteurs est "au centre du dispositif des ABCD de l'égalité". Ce programme, destiné aux écoles primaires, a été mis en place en 2013, à titre expérimental, dans 5 académies. Najat Vallaud-Belkacem a déjà annoncé sa généralisation "dans toutes les écoles à la rentrée 2014". Selon le rapport de l'IGEN, "il serait toutefois prudent d’en évaluer les résultats avant d’en décider la généralisation".

Le rapport IGEN sur "l'égalité entre filles et garçons dans les écoles et les établissements" est téléchargeable ici.

R.G.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →