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Protection de l'enfance : l'application de la loi de 2007 est "insuffisante" (commission nationale des droits de l'homme)

Paru dans Petite enfance, Périscolaire, Justice, Orientation le lundi 05 août 2013.
Mots clés : CNCDH, enfance en danger, placement, famille, informations préoccupantes, allocations familiales, Bertinotti, JDJ

"Six ans après l'adoption de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, les principaux objectifs visés par la réforme n'ont toujours pas été atteints". La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a émis un avis sur "le droit au respect de la vie privée et familiale et les placements d'enfants en France", qui a été publié au JO le 31 juillet (lire l'avis). Si la loi du 5 mars 2007 offre "un cadre juridique adéquat" pour renforcer les liens familiaux, son application "en plus d’être insuffisante, est trop disparate d’un département à l’autre" selon la Commission.

Le travail de prévention, censé être "une priorité", se révèle insuffisant : les programmes de prévention bénéficient de "moins de 20% des financements de l'aide sociale à l'enfance" et trop peu de départements parviennent à centraliser les informations disponibles. Seuls 54 départements ont installé un observatoire départemental de la protection de l'enfance (ODPE) et les moyens alloués aux cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) sont "extrêmement divers".

Le 14 juin dernier, Dominique Bertinotti, ministre en charge de la Famille, avait devancé ces inquiétudes en annonçant que le Parlement se saisirait "bientôt" du rapport sur la mise en oeuvre des CRIP. "Dans peu de temps, nous publierons le décret nécessaire à la transmission systématique des informations préoccupantes entre départements en cas de déménagement [des familles faisant l'objet d'une telle information]", avait-elle ajouté.

Modification du code civil

Pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme, il ne s'agit pas seulement de problèmes techniques : les professionnels de la protection de l’enfance ont aussi des difficultés à collaborer. Pour remédier à ces dysfonctionnements, l'institution présidée par l'ancienne dépuée PS Christine Lazerges recommande d’élaborer "une conférence de consensus" afin de "définir clairement les objectifs et les moyens de la politique publique de protection de l'enfance", mais aussi de mettre en place des formations communes pour "tous les professionnels de l'enfance et de la famille (justice, éducation nationale, santé, social...)".

Ce travail collectif est essentiel afin d’ assurer une prise en charge adaptée à chaque enfant. Depuis 2007, "le placement et l'action éducative en milieu ouvert (AEMO) restent les modalités de prise en charge privilégiées", alors que les décisions de placement constituent selon la Cour Européenne des droits de l'Homme "une ingérence grave dans le droit au respect de la vie privée et familiale". En France, environ 273 000 mineurs sont pris en charge par les services de protection de l’enfance des Conseils généraux, et parmi eux, environ 134 000 sont placés hors de leur milieu familial. Selon la Commission, "50% des placements pourraient être évités".

Dans ce but, une mesure d'assistance éducative devrait s'accompagner "systématiquement" d’un projet pour l’enfant qui s'appuirait en priorité sur "les solutions alternatives et diversifiées" mises en oeuvre par les conseils généraux. Aucune décision ne devrait être prise sans consultation des parents. La CNCDH soutient que la France empêche trop souvent ceux-ci de participer "de manière adéquate" au processus décisionnel, alors qu'il s'agit d'une directive de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Il faudrait "modifier le code civil et le code de l'action sociale et des familles" afin de permettre à l’enfant et ses parents de bénéficier effectivement de l’assistance d’un avocat.

Si la décision de placement est prononcée, elle doit être "la plus courte possible", ce qui n'est pas le cas actuellement : "des décisions de placement sont prolongées alors que les mesures d'assistance appropriée à la famille n'ont pas ou ont été incomplètement mises en œuvre".

La CNCDH demande aussi la "fin de la précarisation" des assistants familiaux, qui doivent bénéficier d'une véritable formation continue, et le renforcement des dispositifs de soutien aux jeunes majeurs, qui ne devraient pas s'interrompre le jour de leur majorité mais rester systématiques "tant que le jeune n'est pas autonome".

Maintien des allocations

En termes d'assistances aux familles, la Commission regrette la mauvaise coordination des dispositifs de soutien prévus par la loi ("traitement du mal logement, soutien à la parentalité, accompagnement en économie sociale et familiale, emploi, etc") et recommande la mise en oeuvre de "plans d'action auprès des familles en difficulté". Ces dispositifs sont d'autant plus importants que de nombreuses décisions de placement sont corrélées "à des carences éducatives, et plus largement aux conséquences de la grande pauvreté sur la vie familiale". Les actes de maltraitance ou de violence sexuelle constituent seulement 20% des cas. "Les actions de protection de l'enfance sont vouées à l'échec si elles ne sont pas accompagnées de mesure de lutte contre la pauvreté", rappelle la Commission.

La lutte contre la précarité des familles passe par le maintien des allocations familiales lorsque l’enfant est placé. Selon la Commission, un projet de loi actuellement "à l'étude" prévoit de les supprimer. Cette mesure favoriserait la rupture des liens familiaux, augmenterait la durée du placement et aurait ainsi des effets économiques pervers : "la charge financière pour les départements [est] d'autant plus lourde [que] la séparation de l'enfant de sa famille se prolonge", rappelle la CNCDH.

Les inquiétudes et les préconisations de l’institution nationale des Droits de l’Homme française sont partagées par d'autres acteurs. En juin dernier, le Journal du droit des Jeunes incitait la France à ne pas suivre l'exemple des services britanniques de protection de l’enfance, qui préfèrent financer les services d’adoption et d’accueil plutôt que d'aider les familles en difficulté. "C’est comme si l’hôpital préférait payer le cercueil plutôt que l’opération", estimait la revue d'action juridique et sociale.

Le 14 juin dernier, Dominique Bertinotti a annoncé que la loi de 2007 serait évaluée avant d'être "perfectionnée".

Lire l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui répertorie aussi un certain nombre de "bonnes pratiques" dans le domaine de la protection de l'enfance.

Lire la recension du numéro du Journal du droit des jeunes consacré à "la protection de l'enfance et le maintien dans les familles".

Lire des échos du colloque interministériel sur "les violences faites aux enfants", auquel ont participé le 14 juin dernier Najat Vallaud-Belkacem, Vincent Peillon, Dominique Bertinotti et Christiane Taubira.

Raphaël Groulez

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