Violences faites aux enfants : vers une mission d'information au Sénat ? Echos du colloque
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Orientation le samedi 15 juin 2013.
Pour Najat Vallaud-Belkacem, "les violences faites aux femmes et les violences faites aux enfants vont de pair" et elles sont sous-estimées. Elle l'a dit lors du colloque sur les violences faites aux enfants le 14 juin. Si l'éducation à la sexualité et si la "culture de l'égalité" peuvent constituer des "remparts cotnre tous les types de violences", il faut pourtant rendre plus efficaces et plus longues les ordonnances de protection des femmes victimes, et que le CSA intervienne pour protéger l'image de la femme. Voici d'autres échos de cette journée, après les décisions annoncées par les ministres ici et ici.
TABOUS. Les différents intervenants sont souvent revenus sur ce point, il faut briser un certain nombre de tabous et d'idées reçues : la famille n'est pas protectrice par nature; la maltraitance se retrouve dans tous les milieux sociaux, y compris les milieux favorisés.
ENSEIGNANTS. Une principale de collège explique que les enseignants sont "tiraillés entre des exigences contradictoires, puisque l'école travaille sur la masse". Ils ne sont pas formés, et ils n'ont pas de légitimité à pénétrer dans les familles. "Je me sens dans une grande fragilité" ajoute-t-elle, évoquant les milieux favorisés qui connaissent le système et leurs droits. "Il faut être solide juridiquement face à ces parents" lorqu'on a un soupçon de maltraitance. Une infirmière scolaire ajoute : "les coups, ça se voit, mais les violences sexuelles ou psychologiques sont très difficiles à repérer. Il faut aussi déterminer le degré d'urgence d'une intervention, savoir à quel moment je dois m'inquiéter". Elle souligne l'importance du travail en équipe, avec le CPE et les enseignants. Céline Raphaël, l'auteure de "La démesure", rend "hommage à l'infirmière scolaire sans qui [elle] ne serai[t] pas là aujourd'hui".
MEDECINS. La loi prévoit que "tout le monde doit faire cesser une situation de danger", mais les médecins sont-ils tenus de signaler les cas de maltraitance qu'ils constatent dans leur cabinet ? Oui, "sauf exception". Et c'est bien cette exception qui fait difficulté. Les médecins ne font d'ailleurs pas toujours le diagnostic, et ils sont réticents à signaler un cas de maltraitance, par peur d'être accusés de dénonciation calomnieuse ou par méconnaissance du fonctionnement de la justice. Ils redoutent que se mette en route une machine qui écrasera tout sur son passage. Ils ne la connaissent pas. Ils ont eu une heure de formation au cours de leurs dix années d'études.
PAROLE DE L'ENFANT. Au Québec ont été mises en place des formations et des procédures qui permettent que la parole de l'enfant soit recueillie "une fois pour toute". Mais en France, les policiers, les gendarmes et les procureurs ne sont pas formés à l'entendre, et l'un des rares centres de formation va fermer.
CRIP. En Isère, la cellule de recueil des informations préoccupantes demande aux acteurs de terrain, services sociaux, personnels de PMI, aide sociale à l'enfance, qui ont été formés et qui travaillent en binômes, d'en faire l'évaluation. Un référentiel a été mis en place pour les y aider. 6 % de ces informations aboutissent à un placement.
DEVENIR. Une étude sur le devenir des enfants placés dans une pouponnière d'Angers montre que, une quinzaine d'année plus tard, un tiers va bien, et ce sont souvent des enfants qui ont été placés très jeunes. Un autre tiers va "moyennement bien", mais s'ils n'ont pas trop de problème sociaux, ils développent des troubles anxio-dépressifs. Un autre tiers va très mal, les jeunes sont sous tutelle ou à l'hopital psychiatrique. Sur cette cohorte, 8 (soit 3 % ) sont morts avant la fin de la première année, et 56 sont encore placés, le plus souvent après des allers-retours avec la famille. Une autre étude montre que 25 % des SDF, 33 % des prisonniers, 50 % des pensionnaires des hôpitaux psychiatriques ont été des enfants maltraités.
2007. Pour Philippe Bas, sénateur qui était ministre en 2007 et qui a préparé la loi qui régit actuellement la protection de l'enfance, celle-ci "a été adoptée sans opposition", après des travaux parlementaires "de qualité". Il dément que cette loi privilégie le maintien dans la famille. Pour lui, elle invite à "choisir la voie la plus conforme à l'intérêt de l'enfant", entre placement et maintien. Mais "les résultats ne sont pas à la hauteur de nos ambitions", notamment parce que "le service de santé scolaire n'a pas été mis en mesure d'effectuer sa mission de prévention". Il met de plus en garde: que le président du Conseil général soit le chef de file n'exonère pas l'Etat de tenir son rôle de garant de la protection de l'enfance. Il en appelle à la constitution d'une mission d'information au Sénat.
Les interventions devraient être mises en ligne sur le site du colloque ici