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PARLER et ROLL, deux expérimentations décevantes (Inspection générale)

Paru dans Scolaire le mardi 04 juin 2013.

Quel avenir pour les deux dispositifs expérimentaux R.O.L.L. et P.A.R.L.E.R. L'inspection générale s'interroge à la fois sur l'éthique de la procédure et sur leur efficacité : "jusqu’où peut-on engager de l’argent public sans appel à projets, sans débat entre acteurs (de tout niveau hiérarchique) et partenaires du système éducatif (au premier rang desquels les parents) sur ce qui est proposé ? (...) Les classes ne sont pas des laboratoires (...) Si [une expérimentation] ne donne pas les effets positifs escomptés, voire produit des effets négatifs, qui prend en compte la déception des enseignants (...), qui fait face aux interrogations légitimes des parents ?" Ces quelques phrases extraites de la conclusion du rapport de "la mission ponctuelle" confiée à Viviane Bouysse et Gilles Pétreault sont particulièrement sévères pour ces deux dispositifs  "qui visent à améliorer l’apprentissage de la lecture".

Le premier, "Parler, Apprendre, Réfléchir, Lire Ensemble pour Réussir", a été conçu par Michel Zorman, avec l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble. Les premières évaluations sont favorables, "enthousiasme des acteurs", "entrée plus rapide et plus massive dans la lecture que les années antérieures", mais certains éléments négatifs apparaissent déjà : "les décalages d’acquis se sont creusés entre les élèves performants et ceux qui n’ont pas franchi le cap de la fusion syllabique, des difficultés ont été observées en matière d’écriture manuscrite" et la DEPP (le service statistique de l'Education nationale) conclut à l’absence d’effets. Le projet a néanmoins été déployé à la rentrée 2011 dans le cadre du projet "Lecture", dans 200 classes "se situant essentiellement en zone urbaine sensible". Quand la mission d'inspection générale cherche à en évaluer les effets, elle constate que "tout semble se passer comme si, dans la logique du travail amorcé, l’amélioration de la fluence [la fluidité de la lecture, ndlr] devait garantir la compréhension. Dans la seule situation observée de lecture de phrases, le sens n’a aucunement été exploré, pas même par une lecture expressive ; on en est resté à une forme de syllabation [lecture syllabique, nilr] d’abord répétée, puis à une accélération du rythme dans la 'lecture' en choeur qui conservait largement un caractère mécanique."

Un enseignement très direct

Les deux inspecteurs ajoutent que le dispositif induit un "type d’enseignement très direct (...) : le professeur dit le savoir, fait répéter individuellement ou en choeur de manière très fréquente; les élèves ne perdent pas de temps en vaines recherches ou pseudo-découvertes mais, en contrepartie, ils sont peu souvent sollicités pour chercher (...) En GS [de maternelle], il est permis de se demander si l’introduction du module 'phonologie' n’est pas trop précoce pour certains élèves. Ainsi, quand la moitié d’un groupe ne donne aucune réponse correcte en une demi-heure d’atelier, ne manifeste aucun signe d’intérêt pour l’activité en cours, il est légitime de se demander si ces élèves ne gagneraient pas à être mobilisés sur d’autres activités dont ils ont un besoin plus pressant." Si les effets sont positifs dans un certain nombre de domaines pour les élèves de maternelle, ils sont pourtant "assez variables selon les circonscriptions", ce qui pose la question de la formation et de l'accompagnement des enseignants, mais aussi des pratiques réelles des professeurs, qui n'utilisent pas que cette méthode en classe. Il faudra de plus évaluer ce qu'elle a apporté "mais aussi s’interroger sur ce que sa réalisation a peut-être empêché".

En ce qui concerne le "Réseau des Observatoires Locaux de la Lecture", mis en place à l’initiative d’Alain Bentolila, la mission salue "une éthique du travail de compréhension", et "un dispositif qui permet un traitement méthodique de la compréhension pour les élèves en difficulté", mais qui "n’évolue ni dans l’année ni au fil des niveaux", "des documents de qualité très inégale" et "des contraintes organisationnelles fortes qui peuvent bouleverser l’équilibre des enseignements".

Au total, "l’analyse du fonctionnement des deux dispositifs suggère plus globalement une réflexion sur l’expérimentation (ou l’innovation) en pédagogie". Si les enseignants "qui ont un rapport plus pratique que théorique à leur métier" ont été attirés par "la mise à disposition d’outils (...) labellisés", l'inspection générale rappelle que "les outils ne font pas une pratique, ni ne la transforment vraiment, si les fondements théoriques (...) ne sont pas assimilés". Elle se demande de plus si les effets positifs constatés ne sont pas du registre de "l’effet expérimentation" ou s'ils "relèvent vraiment de raisons didactiques et/ou pédagogiques". Et "rien ne garantit la reproductibilité en situation d’extension dans d’autres conditions", d'autant qu'un enseignement modulaire "est difficilement conciliable avec la conception des programmes et des horaires telle que notre histoire scolaire l’a établie. Avancer dans cette voie, qui peut paraître adaptée pour remédier aux nombreux échecs précoces et au décrochage, suppose de repenser profondément le dispositif traditionnel d’enseignement".

Le rapport "Évaluation de la mise en œuvre, du fonctionnement et des résultats des dispositifs P.A.R.L.E.R. et R.O.L.L." est téléchargeable sur le site du ministère, ici.

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