Monique Sassier : Développer dans l'Education nationale une autre gestion des ressources humaines
Paru dans Scolaire le jeudi 30 mai 2013.
Mots clés : Sassier, remplacement, médiatrice, mutuel, discipline, sanction
"De mon temps, quand le prof de maths était absent, nous sautions de joie. Maintenant, les parents s'adressent à la médiatrice pour se plaindre que leur fils a perdu une heure de cours." Cette confidence de Monique Sassier à ToutEduc donne une idée du changement d'état d'esprit des usagers lorsqu'ils adressent une réclamation aux médiateurs de l'Education nationale. Le ton est "plus revendicatif" et chacun fait valoir ses droits individuels, mais demande à l'institution une régulation collective. Monique Sassier présentait à la presse, ce 30 mai, son rapport annuel, qui porte notamment sur "le remplacement des professeurs absents" et sur les procédures disciplinaires. L'année prochaine, le rapport portera sur la carte scolaire et l'orientation, ainsi que sur l'autorité des chefs d'établissement. Ce thème de l'autorité sera décliné les années suivantes en pensant à l'autorité des enseignants, puis à celle des familles et à leurs rapports avec l'école.
Premier constat, le nombre des réclamations s'accroît régulièrement; il dépasse les 10 000 en 2012, traitées à près de 90 % au niveau académique. Alors qu'elles émanaient, en 2000, le plus souvent des personnels de l'Education nationale, la proportion s'est exactement inversée, et, à 70 %, les plaintes émanent des usagers. Si le nombre des plaintes relatives au non-remplacement d'enseignants absents est relativement restreint, "le bruit fait autour de ce sujet" par les médias, a amené la médiatrice à y consacrer un chapitre. En effet, si 96 % des absences de longue durée, les congés de maternité par exemple, sont remplacées, 86 % des absences de courte durée, de moins de 5 jours, pour une grippe, un enfant malade ou une formation, ne le sont pas. La médiatrice fait des propositions pour éviter certaines de ces absences, notamment une réorganisation de la formation continue "de telle sorte [qu'elle] n'empiète pas sur le temps d'enseignement des élèves", mais qu'elle ne décourage pas non plus les enseignants.
Enseignement mutuel
Mais le professeur d'histoire ne peut-il pas mettre à profit l'absence de son collègue d'anglais pour avancer dans son programme, quitte à rendre ensuite ces heures ? Les assistants d'éducation ne peuvent-ils pas aider les élèves à organiser leur travail ? Les élèves pourraient s'organiser par petits groupes pour une aide mutuelle, et le service public du numérique éducatif devrait de plus leur donner des outils pour apprendre... "C'est une question de culture", qui suppose que des chefs d'établissement puissent initier une gestion des ressources humaines différente, plus attentive aux personnels, et organiser de façon collaborative la "continuité pédagogique". Il faudrait cesser de penser "heure à heure". Mais il faut aussi "enrichir et diversifier" le vivier des remplaçants, lutter contre "la tendance au cloisonnement dans la discipline d'enseignement" et "le manque de circulation des enseignants entre les différentes catégories d'établissement", sans se priver de recourir aux services des enseignants en disponibilité.
Autre sujet évoqué cette année par Monique Sassier, les risques de descolarisation liés aux exclusions. Si elle estime qu' "on doit sanctionner", et que la sanction peut avoir une valeur pédagogique, elle ajoute que les conseils de disciplines devraient avoir lieu dans un autre lieu que l'établissement où ont été commis les faits qui en ont provoqué la tenue, ou qu'ils soient présidés par un autre chef d'établissement, de façon "à sortir de la haute tension". Si l'élève qui a agressé un enseignant n'est pas exclu, les collègues de la victime ont l'impression d'un renoncement de l'administration qui subit donc une forte pression. Elle demande aussi que chaque académie mette en place des "modalités d'accueil des élèves exclus qui ne peuvent pas être immédiatement rescolarisés dans un autre établissement", de façon qu'ils ne se retrouvent pas à la rue.
Le rapport dénonce par ailleurs le "flou" qui règne autour des écoles privées hors contrat, notamment les établissements d'enseignement supérieur dont les élèves ne sont pas toujours informés de la qualité du diplôme qu'ils auront à la sortie.
Vincent Peillon a tenu à saluer, dans un communiqué, "le travail de la médiatrice". Le rapport est en ligne ici.