Aide au développement : les crédits "petite enfance" ont diminué de 99% depuis 2009 (Solidarité laïque)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Culture le lundi 27 mai 2013.
Mots clés : APD, développement, petite enfance, objectifs du millénaire, enseignants, taxe
"A l'heure de la refondation de l'école portée par le ministère de l'Education nationale, il serait sans doute judicieux que le ministère des Affaires Etrangères organise la refondation de la coopération éducative française dans le cadre de l'Aide publique au développement" (APD). Alors que la Commission européenne a organisé une conférence de haut niveau sur l’éducation et le développement jeudi 23 mai à Bruxelles, l'association Solidarité Laïque regrette que la politique française dans ce domaine manque de cohérence et d'efficacité. En s'appuyant sur les chiffres publiés par l'Observatoire de la coopération éducative française entre 2009 et 2011, l'association regrette que "la réalité soit souvent à contre courant des discours ou des priorités énoncées dans les stratégies ministérielles".
Pour Solidarité laïque, "la France néglige des étapes essentielles du développement, comme l’éducation dès la petite enfance, la formation des enseignants ou l’insertion et la formation professionnelle". Alors que la stratégie "Education formation insertion" du ministère des Affaires Etrangères fait du "renforcement de l'éducation de base" sa priorité, les crédits consacrés à ce niveau ont diminué de plus de 30% enre 2009 et 2011, passant de 244 537 M$ à 167 188 M$. L’éducation de la petite enfance a subi la plus forte baisse : les crédits qui lui sont alloués sont passés de 14,639 M$ à 0.099 M$, soit une diminution de...99.99%.
Disproportions
Selon l'association humanitaire, la mobilisation des fonds "peine aussi" pour atteindre les deux autres priorités affichées par le gouvernement, "la réorganisation du postprimaire" et "le renforcement de la formation des enseignants" dans les pays en développement. Les crédits alloués à l'enseignement secondaire ont notamment été divisés par 2 depuis 2009.
Ces réductions budgétaires ne sont pas seulement liées à une conjoncture économique défavorable. Solidarité laïque dénonce les orientations stratégiques de l'APD. En 2011, la France consacrait "à peine 10%" de son aide à l'éducation de base, "seulement 5% à l'enseignement secondaire et 1,87% à la formation des enseignants. A l'opposé, la part de l'enseignement supérieur ne cesse d'augmenter : elle est passée de 60% des crédits en 2009 à 73% en 2011".
Le montant des "bourses et coûts imputés des étudiants" représentait 57% de l'aide à l'éducation en 2010, contre 54% en 2008. Ces évolutions "vont à l'encontre des priorités affichées et des Objectifs du millénaire pour le développement", dénonce Solidarité Laïque, pour qui les montants alloués au supérieur sont "disproportionnés compte tenu des déficits de financement massifs".
1,7 million d'enseignants à embaucher d'ici 2015
Pour l'association, "il faudrait utiliser la part dédiée à l'enseignement supérieur pour soutenir davantage la formation supérieure des maîtres et des enseignants dans les pays prioritaires". Il faudrait notamment embaucher "1,7 million d'enseignants supplémentaires" pour tenir l'engagement pris par N. Sarkozy en 2008 de scolariser tous les enfants de moins de 15 ans d'ici à 2015. Solidarité laïque recommande aussi de rediriger une partie de l'aide "vers les pays les moins avancés, notamment les PMA d'Afrique francophone". Les critères d'allocation de l'APD devraient être revus pour ne plus comptabiliser les élèves nationaux scolarisés dans les écoles françaises implantées dans les pays en développement, ni les dépenses effectuées au profit des territoires d'Outre-mer. En 2011, les 4000 élèves des îles de Wallis et Futuna recevaient 4 fois plus d'aides qu'Haïti, pourtant 700 fois plus peuplée, et autant que le Sénégal, classé "pays prioritaire" de la coopération française.
Solidarité laïque estime que ces évolutions stratégiques devront être intégrées à la loi des finances 2014. Elle rappelle la promesse d' "accorder une part conséquente de la taxe sur les transactions financières (TTF)" au développement, et plus spécifiquement à l'éducation". Alors que N. Sarkozy avait annoncé vouloir dédier à ce secteur "une grande partie (50%)" des fonds dégagés par la TTF, l'affectation de la taxe au développement a été "nulle en 2012" et "de moins de 4% en 2013", selon Solidarité Laïque. Pour l'association, le redéploiement de ces fonds en direction de l'éducation est d'autant plus important que la contribution française au fonds du Partenariat mondial pour l'éducation sera renégociée pour la période 2015-2018.
Le site de Solidarité Laïque, ici. Le blog de la "Campagne Mondiale pour l'Education", ici.
La Banque Mondiale a publié une infographie sur "l'éducation pour tous" et les Objectifs du Millénaire, ici.
Raphaël Groulez