"Le numérique fait ressurgir tous les problèmes pédagogiques" (Rémi Thibert, IFE)
Paru dans Scolaire le vendredi 17 mai 2013.
Mots clés : Thibert, IFE, numérique, OZP
La littérature scientifique ne nous dit rien sur ce que le numérique pourrait apporter aux élèves en difficultés ni aux établissements de l'éducation prioritaire, constate Rémi Thibert (service de Veille & Analyse de l’Institut français de l’éducation) qui était l'invité, le 15 mai, de l'OZP (l'Observatoire de l'éducation prioritaire). Il constate que les usages en classe du numérique sont "assez limités", mais il estime qu'il faut "relativiser le retard français" en la matière. Il voit plusieurs freins à l'intégration des TICE (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) dans les classes, à commencer par le rythme des innovations. Les enseignants ont le sentiment que, le temps qu'ils s'approprient une technologie, une autre est apparue!
Se posent aussi les questions de formation, initiale et continue, des enseignants, mais aussi de leur aisance. Les plus jeunes ont plus de mal, ils doivent gérer leur(s) classe(s), et c'est souvent lorsqu'ils ont 8 ans d'ancienneté que "se fait la bascule". Ils se heurtent aussi à des problèmes de maintenance, de connexion, de réservation des salles et du matériel, qui sont autant de facteurs de blocage. Manque surtout l'assurance que le numérique est efficace. Les "méta-analyses" de la littérature scientifique mondiale montre qu'il n'a, "le plus souvent, pas d'effet" sur les acquis cognitifs. Mais ces analyses ne tiennent pas compte des compétences nouvelles, transversales notamment, que développent les élèves, et qui sont difficiles à appréhender.
Se pose aussi la question de la pédagogie. La majorité des demandes de formation porte sur l'usage des tableaux interactifs, "ce qui remet le moins en cause la pédagogie frontale", et non pas sur les organisations socio-constructivistes et sur l'autonomie que les TICE pourraient favoriser. Reste d'ailleurs à trouver "la juste articulation" entre les deux dimensions de l'enseignement, verticale pour la transmission des savoirs, et horizontale pour la coopération entre pairs. Il faut aussi bien voir que le numérique n'est pas en adéquation avec le bac et la culture du bachotage, ni avec les attentes des familles, qui ont une image traditionnelle de l'école, pas plus qu'avec les programmes. Ce à quoi s'ajoutent les peurs du plagiat ou du mésusage des écrans: "on ne véhicule pas une expérience positive", ajoute Rémi Thibert pour qui le numérique "fait ressurgir tous les problèmes" du système éducatif.
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