Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Comment prévenir le décrochage des garçons (Une tribune de Jean-Louis Auduc)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le vendredi 22 mars 2013.

Comprendre pourquoi les garçons "décrochent" plus souvent que les filles permettrait de prévenir leurs difficultés scolaires. Jean-Louis Auduc, ancien directeur des études à l’IUFM de Créteil a beaucoup travaillé la différence filles-garçons, et proposent aux lecteurs de ToutEduc une tribune.

Plus personne ne nie l’importance en France de l’échec scolaire masculin précoce. Le rapport remis au Président de la République d’octobre 2012 "Refondons l’école de la République" est clair sur ce point : "Les garçons fournissent les plus grosses cohortes des victimes du décrochage scolaire"*

Ce nombre important de garçons victimes du décrochage scolaire provient avant tout des difficultés dans le domaine de la lecture et de l’écriture ressenties par les garçons comme l’indiquait le rapport du CESE de septembre 2011 : "Les principaux indicateurs de la scolarité rendent compte du meilleur comportement scolaire et de la plus grande réussite des filles jusqu’à un stade avancé de leurs études (...) Ce qui est préoccupant dans le cas de la France est que le différentiel de performance filles-garçons se soit creusé ( +11 points ) depuis 2000 un peu plus fortement que la moyenne de ses partenaires (...) La représentation par genre des niveaux les plus faibles dans les enquêtes PISA est particulièrement éloquente. Elle montre la concentration de la difficulté scolaire sur les garçons. En France, 26% des garçons (plus d’un garçon sur quatre !) et 14% des filles ( moins d’un fille sur sept) n’atteignaient pas, en 2009, le niveau de compétence 2 en lecture, considéré comme un minimum à atteindre pour réussir son parcours personnel (...)"**

Cet échec scolaire précoce des garçons ne doit pas être pris comme une fatalité. Il a trois grandes causes qui doivent être connues et combattues tout au long du cursus scolaire. Elles ne sont pas dues à des causes naturelles, mais avant tout culturelles :

Ce n’est pas d’allergie à la lecture qu’il faut évoquer, mais de difficultés d’entrer pour le jeune garçon dans le "métier d’élève", dans la tâche scolaire. Compte tenu des stéréotypes fonctionnant encore dans les familles et dans la société, les filles qui effectuent très tôt de nombreuses petites tâches à la maison à l’inverse des jeunes garçons, savent mieux maîtriser les différentes composantes des tâches scolaires, composantes du métier d’élève :

- L’énoncé, l’ordre donné

- L’accomplissement de la tâche

- La Relecture, la Validation,

- La Correction éventuelle

- La Finition , la finalisation de l’exercice

On sait combien la non-maîtrise de ses composantes est pénalisante pour certains garçons qui vont refuser les corrections, et ne pas tenir compte de ce que signifie la finition en "bâclant" souvent leur travail scolaire. Il faut donc dès l’école maternelle travailler les composantes de la tache scolaire avec les garçons.

L’absence de "rites de passage" pèse plus sur les garçons que sur les filles et ce, à divers moments du cursus du jeune. L’élève, notamment le garçon, était le "patron" de la cour et des divers espaces de l’école primaire qu’il maîtrisait bien. Il va se retrouver au collège dans un espace dont il ne possède pas toutes les clés, ce qui peut générer une certaine angoisse.

Dans la construction de sa personnalité, le jeune, spécifiquement le garçon, parce qu’il vit moins dans son corps le passage à l’âge adulte que les filles qui lorsqu’elles sont réglées savent qu’elles peuvent potentiellement être mères, a toujours eu besoin de rites d’initiation, de transmission et d’intégration. Ceux-ci ont été longtemps religieux (confirmation, communion solennelle) et civiques (les "trois jours" ; le service national). Aujourd’hui, il n’existe quasiment plus de rites d’initiation et de transmission, ce qui, la nature ayant horreur du vide, laissent le champ libre à des processus d’intégration réalisés dans le cadre de "bandes", de divers groupes, voire par des sectes ou des intégrismes religieux.

Une enquête sur les sanctions au collège menée par Sylvie Ayral*** a montré que plus de 80% des violences en collège étaient le fait de garçons, ce qui l’a amené à penser "que pour les garçons, la sanction est un véritable rite de passage qui permet à l’heure de la construction de l’identité sexuée, d’affirmer avec force sa virilité, d’afficher les stéréotypes de la masculinité, de montrer que l’on ose défier l’autorité".

Si l’on veut éviter que le groupe, la bande, la communauté ne soit le seul élément initiatique repérable, il faut donc impérativement rétablir des rituels collectifs de passage.

Dans l’école française, le moment décisif concernant l’orientation des élèves se situe entre la classe de quatrième et la classe de troisième. Il touche donc les jeunes à l’âge de 14/15 ans. Ce moment est marqué par l’absence dans l’environnement de référent masculin.

Les professions qui interviennent autour de l’enfance et de l’adolescence, comme celles qui sont en prise avec le quotidien de la population, se sont en une vingtaine d’années massivement féminisées. Notre société doit s’interroger sur le fait qu’aujourd’hui, entre 2 et 18 ans, les jeunes vont ne rencontrer pour travailler avec eux que des femmes : professeurs (80,3% de femmes dans le premier degré ; 57,2% de femmes dans le second degré, BTS et classes prépas inclus), chefs d’établissements, assistantes sociales, infirmières, avocats, juges, médecins généralistes, employées de préfecture ou de mairie... Tous ces métiers sont de manière écrasante fémininés. Les filles ont donc durant leur cursus scolaire et leur adolescence, présentes devant elles, des semblables, femmes référentes, auxquelles elles peuvent sans peine s’identifier, ce qui pour une bonne part explique également qu’elles souhaitent, leurs études réussies, rejoindre ces métiers qu’elles jugent valorisants.

On peut dire aujourd’hui que quasiment la totalité des professions féminisées sont des métiers visibles présents dans le quotidien et dans l’environnement des lieux d’habitation, alors que la majorité des métiers masculins sont des métiers invisibles situés loin des territoires d’habitations.

* Rapport "Refondons l’Ecole de la République", octobre 2012, p. 12.

** "Les inégalités à l’école." Rapport du Conseil économique social et environnemental. Septembre 2011, pages 47 à 49

*** Sylvie Ayral, La fabrique des garçons. PUF 2011

 

 

 

 

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →