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L'éducation prioritaire doit se recentrer sur la pédagogie (rencontres de l'OZP)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 21 mars 2013.

"Dans les établissements qui n'ont pas un noyau stable d'enseignants possédant des compétences pédagogiques, les dispositifs tel que le 'plus de maîtres que de classes' ont un impact très faible." Pour Gérard Chauveau, qui intervenait mercredi 20 mars dans le cadre d'une rencontre de l'OZP, l'éducation prioritaire est trop souvent réduite à des questions de moyens ou de dispositifs généraux. Pour cet ancien chercheur à l'INRP (institut de recherche pédagogique), les questions quantitatives ne doivent pas être détachées des enjeux pédagogiques. "On se focalise surtout sur le contenant, alors que c'est le contenu qui détermine la réussite scolaire des élèves".

Selon G. Chauveau, d'autres dispositifs aussi ambitieux que le "plus de maîtres que de classes", comme l'opération "CP dédoublés ou renforcés" mise en place par Luc Ferry lorsqu'il était ministre de l'Education, ou encore le dispositif des "Coups de pouce CLE", ont eu très peu d'impact dans les endroits où les maîtres étaient "apeurés, dépressifs" ou ne disposaient pas de bases pédagogiques solides. 

"Effet-maître"

Les élèves de milieu populaire sont particulièrement sensibles aux effets des méthodes pédagogiques. L'auteur de Comment réussir en ZEP : vers des zones d’excellence pédagogique (Retz, 2000) affirme que "l'effet-maître" est plus important que le milieu socio-économique d'origine des élèves défavorisés. "Si on veut prévoir le degré de réussite d'un enfant qui rentre au CP, mieux vaut connaître le nom de son maître que le métier de son père", assure-t-il.

L'intervention individuelle et collective des nseignants est primordiale pour éviter "l'effet ghetto", selon lequel la concentration d'élèves de milieux défavorisés fait baisser le niveau global d'un établissement. Or les enseignants, confrontés à un certain nombre de problèmes, cherchent avant tout la "paix sociale" dans leur classe. "Il y a un écart entre le discours, les projets d'établissements écrits et financés, et la situation réelle dans les établissements", prévient l'ancien chercheur. 

A tous les niveaux, "de la maternelle au lycée", les ZEP sont marquées par une forte hétérogénéité pédagogique, du fait d'une formation "très faible" dans ce domaine. Les écarts d'efficacité des méthodes pédagogiques sont plus importants en ZEP qu'ailleurs, rappelle G. Chauveau, selon qui un certain nombre d'enseignants sont "instables, volatils".

Or la pédagogie est la grande absente des débats actuels sur l'éducation en général et l'éducation prioritaire en particulier. "Aujourd'hui, on s'agite un petit peu, mais on oublie peut-être l'essentiel". Il faudrait plutôt "relancer la réfléxion pédagogique dans les lieux qui relèvent de l'éducation prioritaire", ce qui permettrait de "revaloriser le métier d'enseignant". 

Quatre compétences essentielles

En s'appuyant sur ses observations et des études universitaires, Gérard Chauveau dénombre quatre compétences essentielles sur laquelle la formation initiale et continue des maîtres devrait insister.

"En éducation prioritaire, la maîtrise des connaissances didactiques est fondamentale." Les enseignants les plus efficaces sont ceux qui consacrent beaucoup de temps aux activités d'écriture et de lecture, "environ deux heures et demie par jour", même si se conconcentrer sur les apprentissage ne suffit pas. Il faut aussi prendre en compte le plaisir d'apprendre des élèves. "Il ne s'agit pas seulement de matraquer du b-a -ba aux élèves : les enseignants doivent trouver un moyen de capter leur attention." Les futurs enseignants doivent être des pédagogues "équilibrés", qui accordent autant d'importance "aux activités techniques liées à la lecture et l'écriture qu'aux activités culturelles", par exemple liées à la lecture enfantine.

La "paix sociale" est indispensable pour parvenir à jongler entre ces activités : elle repose sur les compétences organisationnelles des enseignants. ils doivent être capables de "tenir leur classe", tout en diversifiant son fonctionnement (classe entière, demi groupes, aide individualisée).

Les futures ESPE devraient aussi permettre aux futurs enseignants d'acquérir des "compétences sociales" et des "compétences éthiques et citoyennes". Pour l'auteur d'A l'école des banlieues (Retz, 1995), "les enseignants en zone d'éducation prioritaire devraient avoir une relation sociale bienveillante avec leur environnement". Cela passe par une meilleure communication avec les élèves des milieux populaires et leurs parents, mais aussi la conviction que tous les élèves sont capables de réussir, à condition qu'un enseignant les y aide. Actuellement, "tous les enseignants de ZEP ne partagent pas ces principes", regrette G. Chauveau.

Le "temps fécond", au coeur de "l'effet-établissement"

Même s'il est moins important que l'effet-maître, l'effet-établissement ne doit pas être négligé. Pour G. Chauveau, deux facteurs pédagogiques déterminent l'efficacité d'un établissement de ZEP : le fait de se centrer sur les apprentissages scolaires et l'optimisation du temps effectif d'apprentissage. Le temps moyen d'apprentissage varierait de 75% dans les collèges les plus efficaces à 10% dans ceux qui connaissent le plus de difficultés. Chauveau invite à "faire la chasse à l'absentéisme des professeurs comme des élèves", mais aussi la "chasse au temps perdu en début de cours". Il voit dans l'augmentation du "temps fécond" une priorité pédagogique.

Selon l'ancien chercheur, l'action pédagogique a aussi besoin de pilotes pour "garder le cap". Chefs d'établissements, coordonnateurs de ZEP ou inspecteurs devraient mieux accompagner les enseignants et leur éviter de glisser des méthodes pédagogiqes à "l'animation socio-culturelle".

Il ne s'agit pas pour autant de privilégier un modèle scolaro-centré : le domaine périscolaire joue aussi un rôle très important dans la réussite des élèves de ZEP, assure le créateur des coups de pouce "CLE" et des coups de pouce "CLA". "On oublie trop souvent que la pédagogie ne se limite pas à l'espace scolaire", explique-t-il.

Le "club des quatre" des activités périscolaires

"Constamment menacés par le formalisme et les dérives bureaucratiques", les dispositifs périscolaires reposent sur ce que G. Chauveau appelle "le club des quatre" : l'animateur, l'élève, son enseignant et ses parents doivent sans cesse interagir. "Ce n'est que lorsque cette dynamique est enclanchée qu'on observe des résultats positifs".

Les animateurs ont un rôle coordinateur important. G. Chauveau affirme qu'ils devraient avoir des compétences proches de celles des enseignants. "Pour travailler avec les enfants, on ne peut pas engager n'importe quel animateur compétent pour faire une balle au prisonnier."

Or aujourd'hui, un certain nombre de responsables locaux mettent la qualité des ressources humaines et pédagogiques de côté, regrette-t-il. Ce n'est pas toujours de la mauvaise volonté : certains responsables politiques pensent que les activités périscolaires leur permettent de "courir deux lièvres à la fois", améliorer les apprentissages des enfants tout en réduisant le chômage des jeunes peu diplômés. Pour Gérard Chauveau, "c'est souvent une mauvaise idée".

Raphaël Groulez

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