Refondation de l'Ecole : le premier débat en commission des affaires culturelles et de l'éducation donne le ton, relativement consensuel des débats à venir
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture, Orientation le mercredi 20 février 2013.
Les députés ont jusqu'à ce samedi 23 février 13h pour déposer leurs amendements au "projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République", a annoncé ce 20 février Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation qui consacre deux, voire trois séances à son examen. La séance de ce matin était consacrée à un débat général, qui a notamment permis de voir sur quels points l'opposition comptait attaquer ce texte. Xavier Breton, qui s'exprimait au nom du groupe UMP, en appelle à une "ambition nationale partagée", ce qui supposerait que la discussion évite "les polémiques". Le rapporteur, Yves Durand, dont le travail a été salué par tous les orateurs, s'était d'ailleurs bien gardé d'insister sur le bilan de la précédente législature.
Collège unique et autres points de désaccord de l'opposition
Le député le l'Ain, qui annonce "quelques points d'accord, des points de désaccord et des points d'interrogation" a surtout exprimé des inquiétudes. L'ajout du mot "culture" au "socle commun" et l'enseignement des langues vivantes à l'école élémentaire n'implique-t-il pas un élargissement des missions de l'enseignement primaire ? "Nous n'allons pas vers [le] recentrage" sur les fondamentaux, fait-il remarquer, ajoutant qu'une "évaluation positive" des élèves pourrait signifier un certain "laisser aller", et qu'une école maternelle dont la grande section n'est plus reliée au cycle du cours préparatoire et du CE1 risque de "se refermer sur elle-même".
Deuxième source d'inquiétude pour l'opposition, que l'Education nationale reste centrée sur elle-même, et notamment que le Conseil supérieur de l'évaluation n'ait pas toute l'indépendance voulue. Yves Durand se déclare d'ailleurs d'accord avec Xavier Breton sur ce point, ce qui laisse supposer que le projet de loi sera amendé en ce sens. Troisième source d'inquiétude, le service public numérique se serait-il pas porteur d'une limitation de la liberté pédagogique des enseignants, et n'amènerait-il pas à une diminution du rôle des manuels scolaires, voire leur suppression ? Allant plus loin, son collègue Patrick Hetzel craint que ce service public ne crée un monopole d'Etat "liberticide"
Mais le principal point de désaccord porte sur le collège unique, dont le principe est réaffirmé. L'UMP regrette l'abrogation de la loi Cherpion et des dispositifs qui permettaient de tenir compte de "la diversité des élèves" [avec une orientation précoce vers l'apprentissage, ndlr]. Au nom de l'UDI, Rudy Salles voit dans le projet de loi "quatre axes consensuels", sur la priorité au primaire, sur la formation des enseignants, sur l'enseignement de la morale civique et sur l'enseignement artistique et culturel, ainsi que sur les parcours d'orientation. Mais il regrette que la loi ne dise rien de la décentralisation des CIO (centres d'information et d'orientation) ni de la carte des formations. Benoist Apparu pour sa part, considère que cette loi n'est pas de "refondation", puisqu'elle ne touche pas au statut des enseignants ni au statut des établissements, qu'il voit comme les "fondations" de notre système scolaire.
Projets éducatifs territoriaux: le groupe écologiste demande une plus grande ouverture de l'école
Barbara Pompili, au nom du groupe écologiste, aurait voulu que la loi aille plus loin dans la définition des PEDT (projets éducatifs territoriaux), et Yves Durand considère également qu'ils peuvent être précisés. Ils constituent, estime-t-il, "un moyen extraordinaire de lutte contre les inégalités". Pour la députée de la Somme, ils permettent d' "organiser la continuité éducative" et la "co-construction de projets", ainsi que l'ouverture sur l'extérieur de l'école. Elle milite d'ailleurs pour une plus grande ouverture des écoles aux parents et aux associations. Elle demande que soit repensé le système de notation des élèves, en interdisant les notes chiffrées à l'école primaire, et pour éviter qu'un jour d'examen, un 12 en maths compense un 8 en français. Il faudrait faire du redoublement une "réelle exception".
Le groupe écologiste milite de plus pour que le concours de recrutement des enseignants soit placé en L3, et que soit mis en place "un prérecrutement digne de ce nom".
Les députés de la majorité ont évidemment salué un texte "à la hauteur des ambitions", mais Marie-Odile Bouillé s'est demandé si les communes auront toutes la volonté et les moyens de participer à la mise en place de parcours d'éducation artistique et culturelle. Yves Durand s'est félicité de la volonté de tous d'avancer et d'enrichir ce texte. En réponse à Xavier Breton, il rappelle les débats sur le socle commun. Pour lui, l'ajout du mot culture montre qu'il ne s'agit pas d'un socle "SMIC", mais d'un socle qui permet "à chacun d'aller au bout de ses possibles". Sur la maternelle, il considère qu'elle doit avoir "ses objectifs propres". Sur le service public de l'enseignement numérique, il estime qu'il s'agit d'un moyen d'accompagner la transformation des pédagogies, mais en aucun cas de verrouiller les contenus d'enseignement. Le numérique n'est d'ailleurs pas "un deus ex machina" qui pourrait se substituer au service public d'éducation. Pour lui, le Conseil supérieur des programmes devra intégrer cette dimension à sa réflexion.
Pascal Bouchard