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Il faut augmenter le taux d"alphabétisation numérique" des élèves (Académie des sciences)

Paru dans Petite enfance, Scolaire le jeudi 24 janvier 2013.

"Des bébés aux adolescents, il est incontestable qu’une éducation numérique s’impose aujourd’hui à la maison comme à l’école." Si l'on en croit le rapport de l'Académie des sciences sur "l'enfant et les écrans", rendu public mardi 23 janvier, l’Ecole doit se saisir du numérique de toute urgence. Ces outils ne sont pas encore considérés comme des supports éducatifs, ni même comme des objets d'étude, alors qu'ils ont déjà entraîné des bouleversements cognitifs et culturels chez les élèves. Selon le comité scientifique, composé du psychiatre Serge Tisseron, du psychologue Olivier Houdé et des Académiciens Jean-François Bach et Pierre Léna, les écrans permettent d’importants "progrès pédagogiques" à tout âge, à condition d’en encadrer la pratique par des connaissances scientifiques qui ne se limitent pas à un guide méthodologique. "L’ensemble d’une éducation précoce, visant à 'l’alphabétisation numérique' dès l’école primaire, est essentiel pour prévenir les dérives qui peuvent survenir à l’adolescence", affirment-ils.

Dans leur rapport, ils ont voulu sortir de la logique préventive dans laquelle le numérique est souvent enfermé. "Il ne s'agit pas d condamner mais de comprendre", a martelé l’informaticien Gérard Berry, membre de l’Académie des sciences, à l’occasion de la présentation du rapport. "Nous ne devons pas négliger les apports de l’exposition des enfants aux écrans pour les apprentissages et leur développement", a renchéri Jean-François Bach.

Pour l’Académie, un "usage sain" des outils informatiques a un impact positif dans le développement de l'enfant, quel que soit son âge. Il favorise "la mise en jeu de diverses formes de motivation susceptibles de renforcer les comportements d’apprentissage, de stimuler les diverses formes d’intelligence et de solliciter la curiosité enfantine".

Une tablette dès le berceau

Selon les rédacteurs du rapport, les tablettes numériques n’auraient pas les mêmes effets nocifs que la télévision et les DVD sur les jeunes enfants. Ils affirment même que "les tablettes visuelles et tactiles suscitent le mieux l'éveil des bébés (0-2 ans) car c'est le format le plus proche de leur intelligence".

C’est à l’école primaire, entre 6 et 12 ans, que l’usage pédagogique des écrans et outils numériques apporte "un progrès éducatif important". Le logiciel libre La course aux nombres (à télécharger ici), édité par le neuroscientifique Stanislas Dehaene, aide ainsi les enfants dyscalculiques à surmonter leurs difficultés. L’I-pad fournirait aussi un support de lecture intéressant pour les enfants dyslexiques, grâce à certaines applications d’espacement des lettres.

Ces logiciels s'adaptent aux difficultés que chaque enfant rencontre, et peuvent tirer des bilans de leurs parcours. Les supports numériques augmenteraient ainsi la capacité de l'enseignant à s'adapter à l'enfant. Ils favoriseraient la mise en place d’une pédagogie différenciée. "Il est plus facile d’avoir un ordinateur par enfant qu’un enseignant par élève", ajoute S. Dehaene, auteur des Neurones de la lecture (Odile Jacob, 2007).

Favoriser l’alternance

Pour autant, rappelle l'Académie des sciences, l’encadrement des pratiques est fondamental, en particulier pour permettre aux enfants de distinguer le réel du virtuel. Selon le rapport, il faut favoriser l'alternance entre environnement numérique et interactions réelles dès le plus jeune âge, car "la prévention des dérives de l’adolescence commence dès la maternelle". "Les nouveaux objets technologiques ne peuvent en aucun cas remplacer les activités ludiques traditionnelles", affirme Serge Tisseron.

Actuellement, certains dispositifs pédagogiques ont pour but de développer ces pratiques alternées. Le "jeu des trois figures", proposé aux enseignants des écoles maternelles depuis 2007, permet aux enfants de s'immerger dans une fiction spécifique, puis les incite à la raconter à un interlocuteur privilégié. "L’enfant doit avoir un temps pour jouer et un temps pour parler de ses jeux", décrypte Pierre Léna. Par la suite, les élèves devront bénéficier de périodes de "repos numérique", sans écran et sans Internet , pour éviter de dériver vers une "culture du zapping".

Préserver la distinction entre réel et virtuel ne doit pas encourager les élèves à se sentir tout-puissants derrière leur écran. "Il convient d’expliquer que la loi commune s’applique sur Internet et que toutes les formes de harcèlement sont condamnées par la loi", explique l’Académie des sciences.

Un bagage technique à intégrer au socle commun

Ces éléments juridiques font partie du 'bagage technique' que tout élève doit posséder afin d’être capable de "s’auto-réguler". Les mises en garde autoritaires seraient "inefficaces" : les jeunes doivent eux-mêmes prendre conscience des dangers que le numérique implique. Or, aujourd’hui, "ils ne maîtrisent pas toutes les implications de leurs actes", affirme Serge Tisseron.

Pour y remédier, l’école doit leur rappeler précocement, "dès l’école primaire", les enjeux économiques des pratiques sur internet, leurs conséquences à long terme, mais aussi insister sur les droits et les devoirs des utilisateurs. Au collège, ces apprentissages pourraient prendre un tour plus technique, mais aussi plus pratique : l’Académie conseille de présenter aux élèves de 6e les recommandations de la CNIL (commission nationale informatique et liberté), comme changer souvent de pseudonyme et de mot de passe. 

Les Académiciens vont même plus loin. Ils affirment qu’il est déjà irréaliste de forcer les jeunes générations à ne pas passer trop de temps devant leur écran. Il faudrait substituer à cette logique répressive une démarche compréhensive : les élèves devraient bénéficier d’un apprentissage scientifique pour leur apprendre à "raisonner sur leur cerveau face aux écrans". "Il est fondé de commencer une éducation scientifique très tôt", affirme Stanislas Dehaene. 

L’école primaire serait le niveau privilégié pour initier les enfants aux sciences informatiques, dont dépendent les outils numériques. Actuellement, "la science informatique reste ignorée par le système éducatif primaire et secondaire", regrettent les Académiciens. "On peut espérer que la rédaction du nouveau socle commun de compétences, de connaissances et de culture donne une place beaucoup plus importante aux enjeux cognitifs", estime Pierre Léna. 

Des neurosciences en maternelle 

Le rapport préconise aussi d’initier les enfants à la psychologie et aux sciences du cerveau dès la maternelle, "même si ce processus peut déjà débuter chez les bébés et les enfants d’âge préscolaire". Cette formation précoce n’est pas un "rêve de scientifique" : elle pourrait s’appuyer sur la curiosité naturelle des tout-petits, comme le rappelle le co-fondateur de La Main à la pâte.

Cette fondation propose des modules de formation scientifique aux enseignants des écoles primaires. Ils ont pour objectif "d’enseigner les sciences aux enfants, en sorte qu’il l’apprennent en la faisant, et non en la lisant", explique P. Léna. Dans le cadre du numérique, il s’agit d’inciter les enfants à suivre une véritable démarche scientifique, à savoir "observer des phénomènes, émettre des hypothèses et des interprétations, adopter une attitude critique et cheminer progressivement vers l’acquisition de connaissances". 

Le programme Les Ecrans, le cerveau…et l’enfant fait ainsi découvrir aux enfants les fonctions du cerveau mises en jeu par l’usage des écrans, tout en leur enseignant les enjeux sanitaires liés aux TICE. Selon Serge Tisseron, "nous devons développer les expérimentations et mettre en valeur les bonnes pratiques, afin de mobiliser tous les interlocuteurs des jeunes (parents, éducateurs, pédagogues, personnel médical) sur des objectifs précis".

A noter, bien qu'elle n'ait pas été mentionnée par les Académiciens, que la société Tralalère propose elle aussi des modules d’apprentissages pédagogiques du numérique. Elle a développé un programme animé, Vinz et Lou, ainsi qu’un jeu sérieux, 2025 ex machina, qui initient enfants et adolescents aux enjeux du numérique. Certaines associations, comme les CEMEA, les Francas ou la ligue de l’Enseignement, se sont emparé de ces outils et mis en place des dispositifs pédagogiques innovants en partenariat avec les collectivités locales. ToutEduc a réalisé un dossier consacré à l'appropriation des TICE par les collectivités : vous pouvez le retrouver sur le site d'id2, ici. Vous y trouverez aussi prochainement un reportage sur les activités de Tralalère et sa "pédagogie du numérique".

Raphaël Groulez

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