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La refondation de l'Ecole passe-t-elle par les "classes de découverte" ?

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 16 janvier 2013.

"Ces dernières années, on a fait comme si l’école avait pour seuls rôles d’apprendre à lire, écrire et compter. Maintenant qu'on est entrés dans une phase de refondation, il est important de mettre en avant des projets qui ont d'autres objectifs éducatifs : c’est pourquoi il faut inscrire les classes de découverte dans la loi". Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE, a repris à son compte l’une des propositions de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), qui présentait mercredi 16 janvier son projet pour "redynamiser l’organisation des classes de découvertes".

"Il est indispensable de faire partir tous les élèves en classe de découvertes au moins une fois au cours de leur scolarité", a-t-il affirmé. Le principal syndicat du primaire, le SNUIPP-FSU, défend une position identique. "Les enfants doivent partir au moins une fois en classe de découverte au cours de leur scolarité" soutient laurent Bernardi, enseignant délégué du SNUIPP.

Bol d'air extrascolaire

Ces revendications contrastent avec la place actuelle des classes de découvertes dans la scolarité des élèves. Alors que la première classe de neige fête cette année son 60e anniversaire, l’ANMSM s’est inquiétée de la désaffection des enseignants pour ce type d’expériences. "Ces dix dernières années, le nombre de départs en classes de découvertes s’est réduit de 30%, alors que plus de 9 parents sur 10 soutiennent ces initiatives" a regretté Gilbert Blanc-Tailleur, président de l’ANMSM, dénonçant "une situation inacceptable".

Selon un sondage Opinion way, 91 % des parents souhaitent que leur enfant participe à une classe de découverte. Le résultat est sensiblement le même quels que soient la situation sociale des parents et le type d'établissement fréquenté. "Pour les parents, il n'y a pas d'opposition entre la partie scolaire et la partie créative d’une classes de découverte" explique le sociologue Ronan Chastellier. "Ils pensent qu’elle est une alliée dans les études de leur enfant car elle les responsabilise et développe de 'bonnes valeurs', comme l’esprit de coopération."

Selon l’auteur de Marketing jeune, les classes de découvertes agiraient comme un "rituel d’initiation" qui formerait les élèves à l’autonomie. Elles sont perçues par les parents comme une "relation pédagogique d’un autre ordre". Le sondage de l'ANMSM révèle que 9 parents d'élèves sur 10 jugent qu'un séjour en classe de neige permet de souder une classe et de renforcer les liens avec l'enseignant. Il s’agirait d’un "espace tampon" qui romprait avec le quotidien et redéfinirait les relations entres parents, élèves et maître.

Les classes de découvertes seraient donc un espace privilégié de "co-éducation" : elles permettent aux enseignants de partager leur espace pédagogique avec d'autres acteurs. "Il est indispensable de vivre une expérience éducative en-dehors de l'espace de la classe", rappelle la Jeunesse en plein air, qui organise des classes de découvertes.

Des coûts au sommet ?

Si les qualités des classes découvertes font consensus, pourquoi une telle désaffection ? A une époque où le "principe de précaution" règne, les parents craindraient-ils de passer à l’acte et confronter leurs enfants à l’inconnu ? "Tous les parents ont peur au début des expériences", confirme Jean-Jacques Catreux, instituteur à l'école publique de Saint-Aubin-des-Chateaux (Loire-Atlantique). Mais si 23 % d'entre eux refusent de voir leurs enfants partir sans eux, 25 % jugent que la lourdeur des programmes est un obstacle à la mise en place de classes de découvertes.

Cette crainte diminue avec le niveau scolaire des élèves. Le pourcentage est de 20 % pour les parents de lycéens. "C'est rassurant que les parents fassent la part des choses par rapport aux programmes, qu'on ne finira de toute façon jamais", sourit J.-J. Hazan.

Selon l’ANMSN, les "seuls freins aux classes découvertes" restent donc le coût des séjours et le manque d’aides financières. Afin de lever cet obstacle, l'ANMSM a créé un groupe de travail qui réunit des associations d'élus, comme l'AMF (les maires de France), des acteurs du monde de l'éducation (notamment la Ligue de l'Enseignement), des parents (FCPE, PEEP, APEL), des syndicats (SE-UNSA, SGEN, SNUIPP) et des professionnels de la montagne et du tourisme.

Montagnes administratives

Pour certains acteurs, se focaliser sur le coût des séjours conduirait à sous-estimer d’autres difficultés plus importantes. "Les finances ne sont jamais un problème", affirme Martial Saddier, député-maire de Bonneville, en Haute-Savoie. "A la mairie ou au sein du conseil général, nous aidons les familles les plus en difficulté et trouvons toujours des solutions de financement." Jean-Jacques Catreux, qui a organisé plusieurs classes de neige au cours de sa carrière d'instituteur, semble aller dans ce sens. "A chaque fois qu'une famille n'est pas partie, il s'agissait d’un problème culturel et non financier." Il s’est notamment confronté à plusieurs refus liés à la culture familiale des gens du voyage.

Si les sources de financement ne manquent pas, encore faut-il les trouver. L’enseignant en charge du projet est souvent confronté à des pesanteurs administratives qui le découragent. L’explosion des normes imposées aux établissements d’hébergement a ainsi posé "d’énormes problèmes d’organisation", selon M. Saddier. "Les précautions à prendre pour emmener les enfants pèsent énormément sur les enseignants, les parents et tout le système", affirme-t-il.

Les enseignants se retrouvent en première ligne pour affronter ces difficultés d’organisation et de financement. Les classes de découverte n’étant pas prévues dans le parcours scolaire des élèves, elles relèvent souvent d’initiatives individuelles. "Les enseignants se retrouvent isolés, confrontés à un véritable parcours du combattant », décrit l'un des responsables du réseau Jeunesse en plein air.

"Lever les freins administratifs" et "encourager les enseignants" font partie des objectifs que poursuit l’ANMSM pour relancer les classes découvertes. Selon l’association, le ministère devrait "reconnaître la charge de travail supplémentaire" qu’occasionne un départ en classes de découvertes.

Les difficultés d'organisation des enseignants résultent aussi de leur manque de formation. Les maires des stations de montagne demandent l’intégration d’un module dédié à l’organisation des Classes Découvertes dans la formation des enseignants. Le SNUIPP partage cette revendication. "Les futures ESPE sont l'occasion de mettre en place des formations qui donnent aux futurs enseignants des compétences professionnelles et des outils pour organiser des projets en-dehors de l’école", affirme Laurent Bernardi.

 

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