A quoi sert le numérique sans la pédagogie ? (IFE)
Paru dans Scolaire le mercredi 28 novembre 2012.
"Les Etats, les collectivités, les institutions ont massivement investi dans des équipements ou des ressources numériques", mais les usages pédagogiques restent limités, constate dans un "dossier d'actualité" le secteur "veille et analyses" de l'IFE (Institut français de l'éducation) après une "lecture assidue de la presse spécialisée" en France et à l’international. Ainsi, en Europe, "les équipements d'établissements se sont nettement améliorés", mais "les difficultés résident dans le manque d'encadrement et de logiciels appropriés". En France, les enseignants, "très bien équipés à titre personnel", sont "peu enclins à y recourir dans leur salle de classe". Quant aux ENT (environnements numériques de travail), qui "ne sont toujours pas généralisés", ils sont "essentiellement" utilisés à des fins administratives et bien peu pour des raisons pédagogiques.
Cette faiblesse des usages a plusieurs raisons, notamment le fait qu' "une innovation technologique en chasse une autre", mais aussi que la formation des enseignants est trop souvent "techno-centrée". Toujours est-il que la puissance publique s'interroge sur "l'efficacité des sommes investies dans les TIC". Or "les résultats des enquêtes et recherches s'accordent sur un point : les données ne sont pas forcément significatives." Certes, les méta-analyses [l'analyse des différentes études sur une période de temps suffisamment longue] concluent que "la technologie a un impact modéré (voire inexistant et même parfois négatif) sur les résultats des élèves". Mais la question de l'efficacité est-elle bien posée ? "Les comparaisons ne se font qu'à partir de données quantifiables", comme les résultats aux examens ou à des tests et indicateurs de performance, sans s'interroger sur les gains en termes de motivation, d'interactions avec autrui, de "capacité à transférer les apprentissages dans d'autres contextes"...
Importance de l'organisation
Il est de plus "impossible d'isoler une variable unique, les TIC en l'occurrence" dans les résultats des élèves, en laissant de côté "toutes les autres (contexte, sociologie, organisation, etc.)". Et parmi ces autres facteurs, "la plupart des analyses mettent en avant le rôle essentiel joué par l'enseignant" et montrent que "la technologie sans changement pédagogique n'apporte rien (...) La forme scolaire actuelle avec son cloisonnement disciplinaire et la pédagogie transmissive qui prédomine n'est pas propice à l'utilisation des outils numériques qui permettent la collaboration, les interactions ou encore l'individualisation."
Si l'enseignant, et donc sa formation, jouent un rôle essentiel, "une étude finlandaise montre qu'une intégration réussie des TIC à l'école demande des qualités pédagogiques aussi bien qu'organisationnelles", et que le rôle du chef d'établissement est également important. On peut aussi évoquer celui de l'architecture, imaginer des salles de classe divisées en plusieurs zones, où les élèves font des recherches et ont accès aux ressources, une autre où ils réalisent des projets, une zone où ils les présentent à leurs condisciples...
Toujours est-il qu'au niveau européen, "on assiste à une volonté politique de promouvoir des méthodes d'enseignement innovantes", que "les technologies numériques soulèvent beaucoup d'espoir et [que] les financements pour les généraliser sont toujours importants". C'est que "les TIC modifient nos manières de penser, ce qui, en soi, aura des conséquences sur l'école".
Le dossier "pédagogie + numérique = apprentissages 2.0" (dossier 79, nov. 2012) est à télécharger ici