Frédéric Sève (SGEN-CFDT) : ne pas sacraliser l'organisation du système scolaire pour le repenser
Paru dans Scolaire le vendredi 23 novembre 2012.
Frédéric Sève devrait succéder à Thierry Cadart comme secrétaire général du SGEN-CFDT. ToutEduc lui a demandé comment il analysait les clivages entre les organisations syndicales.
ToutEduc : La refondation de l'école crée un clivage entre des syndicats qui y sont plutôt favorables et d'autres plus réticents. Comment le comprenez-vous ?
Frédéric Sève : Il me semble que certains, qui ne sont pas pour autant nécessairement favorable au statu quo, craignent que les changements déstabilisent les personnels. Et c'est un danger, mais nous, nous estimons qu'il serait encore plus dangereux de ne rien faire, et que des codes trop uniformes sont démobilisateurs. Certains, y compris dans l'administration, cherchent un environnement stable, et d'autres sont plus évolutifs, plus décentralisateurs...
ToutEduc : Qu'attendez-vous de la refondation ?
Frédéric Sève : Des marges de manoeuvre et d'initiatives. Cela passe notamment par des programmes moins contraignants. Un enseignant obligé de courir après le programme ne peut pas exercer sa liberté pédagogique. Ces marges, on peut aussi les trouver dans la gestion des heures de classe. Il faut encore que les enseignants aient du temps pour exercer leur liberté, du temps pour la concertation, mais il faudrait aussi trouver des moyens pour impliquer les collègues dans le pilotage des établissements, dans le premier degré comme dans le second.
ToutEduc : Pensez-vous que la concertation de cet été a permis de légitimer la refondation ?
Frédéric Sève : Elle a dégagé une demande sociale, une vision de ce que la société demande à l'Ecole. Lors de la concertation, personne n'a demandé un collège à deux vitesses (comme l'avait proposé dans le débat présidentiel la fondapol, ndlr). Personne ne conteste le collège unique. La concertation a légitimé l'objet de la refondation. Mais il y a mille manières d'organiser un socle commun... Un travail énorme reste à faire.
ToutEduc : La question des rythmes scolaires n'en est-elle pas une illustration ?
Frédéric Sève : C'est vraiment un dossier maudit. Il aurait peut-être fallu dès le départ en débattre avec les collectivités, et mettre aussi le collège en débat. Actuellement, les enseignants font 24 h devant la classe entière. Les 4 jours 1/2 font 23 h. Nous proposons que la 24ème heure soit à la disposition des équipes locales, mais il semblerait qu'on s'oriente vers un dispositif uniforme pour tout le territoire. Quant aux 3h restantes, puisque le service des enseignants est de 27h, dont deux étaient consacrées à l'aide individualisée, il faut de la souplesse, des dispositifs qui aient du sens, et qui ne soient pas là pour remplir les cases...
ToutEduc : Comment voyez-vous la liaison CM2-6ème, qui fait débat dans les organisations syndicales ? Pensez-vous qu'il faille aller vers la bivalence pour les enseignants de 6ème ?
Frédéric Sève : Là encore s'affrontent deux logiques différentes. Pour les uns, il y a un fossé, et il faut aider les élèves à le franchir. Pour nous, ce fossé est le fruit d'une certaine organisation de l'enseignement, qu'il n'y a pas lieu de sacraliser. On s'interdit de penser des solutions. La bivalence servirait à éviter que l'élève passe brutalement d'un enseignant à une dizaine de professeurs, mais elle a un coût pour les enseignants. On peut trouver bien d'autres solutions pour diminuer le nombre des disciplines qu'un élève rencontre à l'arrivée en 6ème, par exemple qu'il fasse deux heures d'arts plastiques pendant un semestre et deux heures de musique l'autre...